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nales, et se réjouissant de tous les triomphes que la liberté et la justice remportent sur le pouvoir arbitraire, présente à l'Assemblée nationale de France ses félicitations sur la révolution opérée dans ce royaume, et sur la perspective qu'elle ouvre aux deux premiers empires du monde de participer en commun aux bienfaits de la liberté civile et religieuse. La Société ne peut s'empêcher d'unir ses vœux ardens pour l'heureux et complet succès d'une révolution si importante, et en même temps d'exprimer la satisfaction qu'elle éprouve en réfléchissant sur l'influence du glorieux exemple donné en France pour encourager les autres nations à assurer les droits inaliénables de l'humanité, à amener une réforme générale dans les gouvernemens de l'Europe, et à rendre le monde entier heureux et libre.

» Arrêté que la présente déclaration sera signée par le président, au nom de la Société, et adressée par lui à l'Assemblée nationale de France.

» Les deux résolutions ci-dessus ont passé à l'unanimité. » Par ordre de l'Assemblée,

Signé STANHOPE, président.

» Londres, 4 novembre 1789. "

L'Assemblée nationale, vivement touchée de ce témoignage extraordinaire d'estime, avait par acclamation rendu

tée avec une ardeur qu'on peut difficilement exprimer par une assemblée composée du comte de Stanhope, du lord maire de Londres, de plusieurs membres du parlement d'Angleterre, et de plus de trois cents personnes de distinction, réunies à l'occasion de l'anniversaire de la révolution anglaise, pour célébrer cet événement. Si les expressions de leur admiration, si les souhaits de prospérité qu'ils prient le duc de la Rochefoucauld de présenter pouvaient paraître une témérité de leur part, ils espèrent que l'Assemblée nationale de France voudra bien excuser cette démarche comme l'effet d'une effusion de zèle dans la cause générale de la liberté publique, qu'aucune consi- / dération d'inconvenance n'a pu retenir : les représentans de la France travaillent pour le monde autant que pour eux, et le monde entier est intéressé à leurs succès. n

le décret suivant: « M. le président écrira à milord Stanhope, président de la société, une lettre dans laquelle il lui témoignera la vive et profonde sensibilité qu'a éprouvée l'Assemblée nationale de France à la lecture de la déclaration faite au nom de la société de la révolution d'Angleterre, laquelle respire les sentimens d'humanité et de bienveillance universelle qui doivent lier, dans tous les pays du monde, les vrais amis de la liberté et du bonheur des nations. >>

M. de Boisjelin, archevêque d'Aix, présidait alors l'Assemblée; il s'empressa de remplir le vœu de ce décret, et peu de temps après il en reçut de la société de Londres. une lettre de remerciemens. C'est cette dernière pièce qui fut lue dans la séance du 30 janvier; après l'avoir vivement applaudie, l'Assemblée en ordonna l'impression. La voici :

« Les membres de la société de la Révolution d'Angleterre prient M. l'archevêque d'Aix de recevoir leurs plus sensibles remerciemens de la lettre qu'il a adressée à ford Stanhope, leur président, et par laquelle il leur a fait part de l'arrêté de l'Assemblée nationale de France.

» Ils n'ont jamais éprouvé do plus vive satisfaction que celle que leur a donnée sa lettre, et la mention pleine de bonté dont l'Assemblée nationale a pris plaisir à honorer leur adresse de félicitations. Ils ont ressenti particulièrement la justice que cette auguste Assemblée leur a rendue quand elle a reconnu dans leur adresse l'influence de ces principes de bienveillance universelle qui doivent dans tous les pays du monde réunir les amis du bonheur public et de la liberté.

» Leurs cœurs sont pénétrés de ces principes, et ils ne désirent rien avec plus d'ardeur que de voir arriver le moment où ces principes, dominant dans le cœur de tous les hommes, doivent éteindre l'envie et les haines nationales, exterminer de la surface de la terre l'oppression et la servitude, et faire disparaître les guerres, ces terribles erreurs des gouvernemens.

>> Ils envisagent avec transport la perspective de ces temps fortunés, qui s'ouvre à leurs regards, et dont les décrets de l'Assemblée nationale semblent donner un gage humain.

au genre

» La société de la Révolution croit devoir ajouter dans cette circonstance que parmi les plus importans bienfaits de la révolution de France elle compte la leçon salutaire que la tendance de ces grands mouvemens doit donner à tous les rois.

» Les Français sont heureux d'avoir un roi si justement appelé le premier des citoyens, qui sait céder à leurs désirs, qui les encourage à reprendre leurs droits, et que leurs suffrages ont couronné par le titre de Restaurateur de la liberté française; ce titre l'élève au plus haut degré de gloire.

» Puissent les despotes du monde reconnaître leur erreur insensée! Puisse son exemple leur apprendre qu'ils ne pourront jamais être plus grands, plus heureux et plus puissans, que lorsque abjurant le pouvoir despotique ils se placeront eux-mêmes, ainsi que les rois de France et d'Angleterre, à la tête de la constitution d'un gouvernement libre et d'un peuple éclairé !

» Signé STANHOPE, président.

» BENJAMIN COOPER, secrétaire.

Londres, le 6 janvier 1790. »

A cette lecture, d'un si puissant intérêt, vint se joindre une circonstance qui acheva d'émouvoir tous les cœurs. M. le président annonça à l'Assemblée que la famille Verdure, détenue pendant dix ans dans les cachots sur une accusation de parricide la plus invraisemblable, demandait à être introduite à la barre, et à montrer à l'Assemblée nationale le premier fruit de ses bienfaisantes institutions judiciaires. Le père de cette famille infortunée était entouré de ses quatre enfans; derrière eux se plaçait ou plutôt se cachait leur généreux et modeste défenseur, M. Vieillard de Boismartin, qui leur avait consacré sa fortune, ses talens et une grande partie de sa vie. Ils

furent présentés à l'Assemblée par MM. Faucher (1), frères jumeaux, officiers des chasseurs d'Alsace, qui prononcèrent le discours suivant :

« Messieurs, nous amenons devant vous une famille qui, accusée de parricide depuis dix ans, vient enfin d'être rendue à la société par un jugement conforme à vos décrets.

» Il honorera notre vie le jour où nous offrons à la bienfaisance des lois nouvelles ces malheureuses victimes des anciennes lois.

>> En rendant cet hommage à l'Assemblée nationale, nous en devons un à cette classe de citoyens particulièrement dévouée au service de l'Etat, et à laquelle nous avons l'honneur d'appartenir; elle nous a appris que nous nous devons autant à l'infortune particulière qu'à la défense de la patrie.

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Après les témoignages de la plus vive sensibilité donnés à cette intéressante famille, le président lui adressa ces paroles

« Votre longue infortune touche vivement l'Assembléę, Ses pénibles travaux ont pour but d'écarter les erreurs qui ont fait tant de victimes. Oubliez, s'il est possible, les peines cruelles que vous avez éprouvées, et goûtez du moins cette

(1) « Ces deux jeunes militaires qui ont présenté la famille Verdure à l'Assemblée nationale, les deux messieurs Faucher, sont frères jumeaux. La nature, en les faisant naître ensemble, n'a pas imprimé seulement une grande ressemblance dans leurs traits, dans leur physionomie, dans leur son de voix, mais dans leur caractère, dans leurs idées, dans leurs sentimens, dans tout leur esprit et dans toute leur âme. Nés au même instant, ils n'ont jamais été séparés un seul jour de leur vie; c'est toujours ensemble qu'ils servent la patrie et les malheureux. (Extrait du Journal de Paris, 2 février 1790.)

Nous n'ajouterons qu'un mot à ce dernier trait, le seul qu'après trente ans on puisse y ajouter; c'est que les deux frères Faucher, poursuivant avec honneur une carrière commune, nommés généraux par un même décret, blessés dans un même combat, dévoués pour la même cause, périrent de la même mort, en 1815, en vertu d'un' jugement du conseil de guerre séant à Bordeaux. Déjà une première fois condamnés à la même peine, en 1793, tous deux étaient montés. sur l'échafaud; le glaive allait les frapper, lorsqu'un ordre de la Convention nationale arriva assez à temps pour les soustraire à la mort.

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consolation, que l'époque où l'on a reconnu votre innocence est celle d'un nouvel ordre de choses qui préviendra d'aussi

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prété par tous les membres.

Un hommage étranger avait pu flatter l'orgueil d'une nation trop longtemps dédaignée; mais il manquait à la France un bonheur vraiment national, celui d'une approbation solennelle donnée à ses désirs, à ses volontés, enfin l'union franche et intime du trône avec les représentans du peuple; ce bonheur Louis XVI le fit goûter aux Français dans la séance du 4 février 1790.

Peu après l'ouverture de cette mémorable séance le président fit lecture à l'Assemblée d'un billet que le roi venait de lui adresser, et qui était ainsi conçu :

« Je préviens M. le président de l'Assemblée nationale que je compte m'y rendre ce matin, vers midi. Je souhaite être sans cérémonie.

y

» Signé Louis. >>

La lecture de ce billet fut couverte d'applaudissemens. L'Assemblée nationale, sur la demande de son président, envoya au-devant du roi une députation composée de trente membres, parmi lesquels on comprit tous les anciens présidens: MM. de La Fayette et Bailly, qui se trouvaient présens, furent ainsi appelés en tête de la députation. A peine eut-on le temps de faire quelques dispositions dans la salle; un seul tapis jeté devant la place du président annonça qu'elle était destinée au roi.

Le roi paraît; il est accueilli avec amour : la députation et les ministres précèdent et ferment son cortège. L'Assemblée est debout. Le roi indique qu'il va parler; le plus grand silence succède aux applaudissemens; enfin S. M., restée aussi debout, fait lecture du discours qui suit :

"

« Messieurs, la gravité des circonstances où se trouve la France m'attire au milieu de vous. Le relâchement progressif

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