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les unit à la puissance publique et à sa direction supérieure ; le pouvoir exécutif se trouve séparé du monarque, et agit sans son intervention directe ni indirecte; le telle sorte que s'il n'y avait point de roi, mais seulement des troupes soldées et des capitaines dans les provinces, les municipalités n'auraient à faire ni plus mi moins que ce qu'on leur prescrit, et les capitaines pourraient aussi, sans autre supérieur que les assemblées administratives, remplir la mission de confiance qui leur est imposée.

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Cependant, si le gouvernement français cessait d'être monarchique, qui de nous pourrait croire que nous serions libres longtemps, et que l'empire se maintiendrait dans son intégrité? Mais nous perdrions, messieurs, tous les avantages de ce gouvernement, nous n'en n'aurions que les charges, si l'autorité royale ne ralliait, en les dirigeant, toutes les branches du pouvoir exécutif', et si elle n'avait, pour l'exécution des lois, toute l'activité qui résulte du commandement d'un seul.

» Je vous rappellerai ici que la surveillance continuelle du corps législatif suffira toujours pour prévenir ou arrêter les formes arbitraires et oppressives, et que le pouvoir exécutif ne s'exerçant que par des agens intermédiaires, leur responsabilité satisfait aux exigeances de la loi et aux réclamations des opprimés.

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J'ajouterai qu'il serait plus raisonnable que le corps législatif se réservât, dans certains cas, le droit d'ordonner une désobéissance formelle au gouvernement, que de transporter toute sa puissance aux corps intermédiaires.

» C'est, messieurs, n'en doutez pas, entre l'unité de direction et la responsabilité des agens du pouvoir exécutif que résident la sûreté et la liberté des citoyens.

>> Les Romains et tous les peuples modernes nous ont donné successivement l'exemple des tristes résultats de la confusion des pouvoirs.

» Mais nous, peuple immense, placé sur un vaste territoire, si cette multitude de rayons n'aboutit à un centre, nous avons tout à craindre de la divergence des intérêts et des volontés.

» Vous êtes, messieurs, les organes de la volonté générale; mais son action tutélaire doit se développer par un mouvement central qui se communique dans une même direction à toutes les parties de l'empire; et lorsque notre position, notre population nous soumettent nécessairement aux formes monarchiques, nous devons bien en effacer les abus, mais non les avantages: or, il n'y a plus que trouble et péril dans cette forme de gouvernement, si toutes les subdivisions du pouvoir exécutif ne sont pas dans une dépendance immédiate du chef suprême, si un corps militaire ou civil, autre que le corps législatif, peut s'élever à la hauteur du gouvernement, suspendre sa marche et rompre son unité ses ordres ou assurent l'exécution des lois, ou les violent, ou suppléent à ce qu'elles n'ont pas prévu, et à ce qu'exige l'urgence du besoin : c'est au corps législatif seul à déterminer ces différens cas, car la nation suspend pour elle-même l'exercice des pouvoirs qu'elle confie à ses repré

sentans.

» J'ose dire que tout autre principe nous égare, qu'une plus grande latitude dans la liberté la restreint, et nous soumet à une multitude de volontés et de pouvoirs redoutables pour chaque citoyen, mais insuffisans pour en protéger un contre plusieurs.

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D'après ces observations, il me semble que l'unité et l'activité du pouvoir exécutif ne peuvent être solidement établies qu'en statuant, préalablement à toute autre disposition, que tous les corps administratifs et militaires sont tenus d'obéir ponctuellement aux ordres du monarque.

» C'est au corps législatif à faire en sorte que ces ordres ne puissent ni contrarier ni renverser les lois; mais si les corps intermédiaires participent dans tous les cas au droit de suspendre et de résister, il s'élève alors dans le sein de la nation autant de gouvernemens qu'il y a de cités.

» Alors une municipalité disposera exclusivement, dans son territoire, de la circulation des grains et du numéraire; favorisera une insurrection; relâchera à son gré la discipline militaire; retardera la perception des impôts; une ville pourra en affamer une autre ; des réquisitions contradic

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Stanislas de Clermont-Connerre,

Dépuré à l'assemblée nationale en 1789,

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en 1745, mort

à Paris, en 1792.

toires, par diverses municipalités, pourraient armer différentes troupes les unes contre les autres; l'autorité des magistrats, celle des officiers militaires, sans bases fixes, sans point d'appui, seraient incertaines et précaires; il n'y aurait de puissant, de redoutable, dans la capitale et dans les provinces, que les passions et les erreurs de la multitude; le corps législatif même perdrait bientôt son autorité, et nous verrions reparaître les horreurs de l'anarchie.

» Ce n'est pas sur ce qui se passe maintenant dans plusieurs parties du royaume que se fondent mes conjectures; c'est sur l'ordre naturel des choses qu'elles s'appuient, sur l'expérience, sur les principes et les conditions nécessaires de la liberté, qui ne peut jamais exister dans un état de stagnation vis-à-vis du gouvernement: il faut qu'elle on soit incessamment protégée s'il est fort, ou qu'elle périsse avec lui s'il est faible.

» Ainsi, tout ce qui ne concourt pas à l'ordre dans un système politique l'altère, et finit par le désorganiser.

» Encore une réflexion, messieurs; c'est la dernière, je la recommande à votre attention.

» Lorsqu'une nation reconnaît un chef suprême, qu'elle fasse révérer sa puissance, qu'elle se garde bien de travailler à le rendre inutile! S'il cessait d'être nécessaire à son bonheur, il deviendrait redoutable à sa liberté.

» Si-au contraire le monarque, dans ses augustes fonctions, est environné d'un grand pouvoir pour faire le bien, s'il ne rencontre de barrières que celles qui le séparent du mal, quel prince alors serait tenté de regarder en arrière, de regretter le despotisme, de rappeler sur son trône resplendissant de gloire et de félicité les sombres terreurs de la tyrannie!

» Je conclus, messieurs, par vous proposer les bases fondamentales du pouvoir exécutif dans une monarchie, et je demande que ces articles précèdent ceux du nouveau décret, que je me réserve particulièrement de discuter. » (Suivait le projet.)

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