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de Lameth, Fréteau et de Menou. Dans le projet de M. de Mirabeau

il était rédigé ainsi :

« Le droit de faire la guerre et la paix appartient à la nation. » L'exercice de ce droit sera délégué concurremment au corps législatif et au pouvoir exécutif, de la manière suivante :>

» Art. 2. Le soin de veiller à la sûreté extérieure du royaume, de maintenir ses droits et ses possessions, est délégué au roi par la constitution de l'Etat; ainsi lui seul peut entretenir des relations politiques au dehors, conduire les négociations, en choisir les agens, faire des préparatifs de guerre proportionnés à ceux des états voisins, distribuer les forces de terre et de mer ainsi qu'il le jugera convenable, et en régler la direction en cas de guerre.

Les mots soulignés est délégué au roi par la constitution de l'Etat, étaient remplacés par ceux-ci dans le projet de M. de Mirabeau : appartient au roi; ainsi lui seul, etc.

» Art. 3. Dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, d'un allié à soutenir, d'un droit à conserver par la force des armes, le pouvoir exécutif sera tenu d'en donner sans aucun délai la notification au corps législatif, d'en faire connaître les causes et les motifs; et si le corps législatif est en vacance, il se rassemblera sur le champ.

Dans son projet M. de Mirabeau avait introduit ici une disposition que l'Assemblée supprima; la voici : « .... corps législatif, d'en faire connaître les causes et les motifs, et de demander les fonds nécessaires; et si...

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etc.

» Art. 4. Sur cette notification, si le corps législatif juge que les hostilités commencées sont une agression coupable de la part des ministres, ou de quelque autre agent du pouvoir exécutif, l'auteur de cette agression sera poursuivi comme criminel de lèze-nation; l'Assemblée nationale déclarant à cet effet que la nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et qu'elle n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

La seconde partie de cet article était ainsi conçue dans le projet de M. de Mirabeau : « ........ l'Assemblée nationale déclarant à cet

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effet que la nation française renonce à toute espèce de oonquête, et qu'elle n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. La déclaration comprise dans l'article 4 décrété, que la nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, est le résultat d'une proposition amendée de M. de Volney, laquelle portait : La nation française s'interdit de ce moment d'entreprendre aucune guerre tendant à accroître son territoire actuel.

» Art. 5. Sur la même notification, si le corps législatif décide que la guerre ne doit pas être faite, le pouvoir exécutif sera tenu de prendre sur le champ des mesures pour faire cesser ou prévenir toute hostilité, les ministres demeurant responsables des délais.

Cet article est de M. Chapelier. Celui de M. de Mirabeau portait : « Sur la même notification, si le corps législatif refuse les fonds nécessaires, et témoigne son improbation de la guerre, le pouvoir exécutif sera tenu de prendre sur le champ des mesures pour faire cesser ou prévenir toute hostilité, les ministres demeurant responsables des délais. »

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Sur cet article l'Assemblée décréta l'ajournement et le renvoi au comité de constitution. Le voici d'après le projet de M. de Mirabeau :

<< Dans le cas d'une guerre imminente le corps législatif prolongera sa session dans ses vacances accoutumées, et pourra être saps vacances pendant la guerre. »

» Art. 7. Toute déclaration de guerre sera faite en ces termes: De la part du roi des Français, au nom de la

nation.

Première rédaction de M. de Mirabeau : « La formule de déclaration de guerre et des traités de paix sera de la part du roi et au nom de la nation. » L'amendement fut proposé par M. de Mirabeau lui-même.

» Art. 8. Pendant tout le cours de la guerre le corps législatif pourra requérir le pouvoir exécutif de négocier la paix, et le pouvoir exécutif sera tenu de déférer à cette réquisition.

Article de M. Chapelier. L'article du projet portait:

Pendant tout le cours de la guerre le corps législatif pourra requé

rir le pouvoir exécutif de négocier la paix; et dans le cas où le roi fera la guerre en personne le corps législatif aura le droit de réunir le nombre de gardes naționales, et dans tel endroit, qu'il le trouvera convenable. »

» Art. 9. A l'instant où la guerre cessera le corps législatif fixera le délai dans lequel les troupes levées au-dessus du pied de paix devront être congédiées, et l'armée réduite à son état permanent. La solde des troupes ne sera continuée que jusqu'à la même époque, après laquelle, si les troupes excédant le pied de paix restent rassemblées, le ministre sera responsable et poursuivi comme criminel de lèze-nation.

Dans son projet M. de Mirabeau avait ajouté à cet article un paragraphe que l'Assemblée supprima; le voici : « ..... criminel de lèzenation. A cet effet le comité de constitution sera tenu de donner incessamment son travail sur le mode de la responsabilité des ministres. »

» Art. 10. 11 appartient au roi d'arrêter et de signer avec toutes les puissances étrangères tous les traités de paix, d'alliance et de commerce, et autres conventions qu'il jugera nécessaires au bien de l'Etat; mais lesdits traités et conventions n'auront d'effet qu'autant qu'ils auront été ratifiés par corps législatif. »

le

Article adopté selon le projet de M. de Mirabeau.

Nota. Le nom de Mirabeau est justement attaché sans doute au souvenir des principales délibérations de l'Assemblée nationale; mais, sans affaiblir en rien les sentimens d'admiration que nous portons à cet illustre orateur, nous regardons comme indispensable de rappeler ici un fait qui achevera de démontrer que c'est aux lumières réunies, au patriotisme de la majorité de l'Assemblée que nous devons enfin une doctrine sur l'exercice du droit de paix et de guerre, doctrine si négligée par tous les publicistes. Nos motifs sont, en rapportant ce fait, qu'il complétera l'importante discussion dont nous venons d'offrir le fidèle tableau, et que la gloire de l'Assemblée nationale, de même que nos hommages pour ses immortels travaux, doivent être communs entre tous ses membres.

La France entière avait pour ainsi dire pris part à cette délibération: son vœu n'était point équivoque; il était celui de la majorité de l'Assemblée. Mirabeau, en soutenant une opinion contraire à l'opinion générale, ne pouvait échapper aux reproches publics, que des écrivains sans mission se croient trop souvent chargés de manifester. Mirabeau était donc poursuivi par une foule de pamphlets (1) qu'il aurait dû mépriser. Obligé de battre en retraite devant le succès mérité de Barnave, contraint de céder au vœu formel de la majorité, il voulut le faire en conservant l'apparence de la victoire. Quand le décret fut rendu, d'après son projet amendé, il fit imprimer et répandre dans toute la France et son discours et sa réplique, avec une lettre d'envoi aux administrateurs des départemens: dans son épître il se permit les plus injustes accusations envers des députés exempts de tout reproche, affectant de les confondre avec les faiscurs de pamphlets; il eut en outre le tort bien grave de travestir sa première opinion du 20, et de glisser dans sa réplique du 22 des injures contre Barnave. Ces discours ainsi altérés caractérisaient une doctrine qui n'avait pas été la sienne, mais celle de ses adversaires, et les objections de ceux-ci semblaient n'avoir plus de base.

Cependant le Moniteur, sur le manuserit même de Mirabeau, avait déjà publié et son discours et sa réplique tels qu'ils avaient été prononcés à la tribune. M. Alexandre de Lameth entreprit de détruire toute dangereuse insinuation, et de rendre hommage à la vérité. Il fit à son tour imprimer en regard, et accompagnés de notes, le discours que Mirabeau avait prononcé à la tribune, et celui qu'il adressait comme authentique à tous les départemens. M. de Lameth fit en outre précéder cet Examen (2) d'une réponse pleine

(1) Mirabeau dut à un de ces pamphlets un de ses plus beaux mouvemens d'éloquence. Le 22 mai, au moment où il allait monter à la tribune pour prononcer sa réplique à Barnave, un de ses collègues lui dit : Votre opinion est juste; elle est favorable à la nation, et cependant on vous accuse, on vous menace: tenez, lisez.... Trahison du comie de Mirabeau.... Soyez ferme; hier au Capitole, aujourd'hui à 11 roche Tarpéienne.... Mirabeau, après avoir jeté un coup d'œil sur le pamphlet, - J'en sais assez, répond-il; on m'emportera de l'Assemblée triomphant ou en lambeaux. Mirabeau n'obtint cette fois qu'un demi-triomphe; on ne le mit point en lambeaux; mais il anima son discours par ce beau mouvement: « Je n'avais pas besoin de cette lecon pour savoir qu'il est peu de distance du Capitole à la roche Tarpéienne, etc. Voyez page 316.)

(2) Examen d'un écr intitulé: Discours et réplique du comte de Mirabeau, etc. Paris, 1790. Imprimerie nationale.

par

de modération et de dignité aux fausses assertions avancées Mirabeau dans sa lettre d'envoi. Nous ne rapporterons ni cette lettre ni sa réfutation : ces pièces, la seconde surtout, présentaient dans le temps un puissant intérêt; il est affaibli aujourd'hui par la certitude acquise de plusieurs faits qu'elles ne laissent qu'entrevoir, qu'il nous faudrait éclaircir, et qui pourtant, quoique connus assez généralement, ne peuvent encore trouver place que dans des mémoires. Mais quant aux principaux passages altérés du discours de Mirabeau, nous les ferons connaître, en les accompagnant des remarques de M. de Lameth

et nous

rendrons au lecteur la comparaison facile en indiquant les pages de ce volume où les passages cités sont rapportés d'après le Moniteur (1), qui cette fois se montra parfaitement fidèle à l'expression de la tribune.

'EXAMEN, par M. Alexandre de Lameth,

Du Discours de Mirabeau prononcé à la tribune et inséré dans le Moniteur.

(Page 278 de ce volume.)

« Si vous décidez cette première question en faveur du roi, et je ne sais comment vous pourriez la décider autrement sans créer dans le même royaume deux pouvoirs exécutifs, vous êtes contraints de reconnaître, par cela seul, que la force publique peut être dans le cas de repousser une première hostilité avant que le corps législatifait eu le temps de manifester aucun vœu ni d'approbation ni d'improbation : qu'est-ce que repousser une première hostilité, si ce n'est commencer la guerre? (a) »

,

Du Discours que Mirabeau envoya comme authentique dans tous les départemens.

« Si vous décidez cette première question en faveur du roi, et je ne sais comment vous pourriez la décider autrement sans créer dans le même royaume deux pouvoirs exécutifs, vous êtes contraints de reconnaître, par cela seul, que souvent une première hostilité sera repoussée avant que le corps législatif ait eu le temps de manifester aucun veu, ni d'approbation ni d'improbation or qu'est-ce qu'une première hostilité reçue et repoussée, si ce n'est un état de guerre, non dans la volonté, mais dans le fait? (a) »

(a) << Ici commencent les changemens pour déguiser le système par lequel M. de Mirabeau avait attribué au pou

(1) Lettre de M. Hippolite de Marcilly, rédacteur du journal le Moniteur, à M. T. de Lameth.

« Je renouvelle à M. Théodore de Lameth l'assurance que M. de Mirabeau l'aîné nous a envoyé son discours, et que c'est sur le manuscrit qu'il nous a fourni qu'on l'a imprimé littéralement dans le Moniteur; est également vrai que M. de Mirabeau nous a envoyé directement sa réplique, imprimée aussi littéralement dans le Moniteur.

» Paris, le 14 juin 1790. Signé HIPPOLITE DE MARCILLY. »

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