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depuis Verdun jusqu'à Givet. Il y a déjà longtemps que cette négociation est entamée, et comme il est nécessaire de vous donner sur cet objet toutes les idées possibles, je vais lire les lettres à leur date : toutes ces lettres sont certifiées.

(Il résulte de ces lettres que le baron de Bender et le comte de Mercy ont demandé, au nom de leur maître, le passage de troupes autrichiennes sur le territoire français; que MM. Montmorin et Latour-Dupin l'ont accordé au nom du roi des Français, sans la participation du corps législatif, et qu'ils ont adressé des ordres écrits au général Bouillé pour qu'il ne soit apporté aucun obstacle à ce passage demandé et obtenu. M. Fréteau reprend :)

» Vous avez entendu M. Dubois-Crancé. Un procès-verbal établit que ces ordres ont été donnés au lieutenant de roi de Thionville; il paraît certain qu'ils l'ont été également au commandant de Verdun. Je n'en ai pas des preuves authentiques; mais M. Latour-Dupin nous a communiqué une lettre adressée par M. Drapier, administrateur subalterne des vivres, à M. Doumerc, administrateur principal dans cette partie; elle annonce que ces ordres, arrivés à Verdun, ont excité dans le peuple des inquiétudes qui duraient encore au moment où cette lettre est partie. On peut se rappeler que M. Dubois a fait mention de propos menaçans tenus dans les villages des frontières, de cris nocturnes aux armes, voici ennemi! Il paraît difficile de douter de ce fait, d'après une lettre écrite le 25 par un officier municipal du Pont-d'Arche, qui atteste ces bruits extraordinaires, et la terreur dont les paysans sont saisis; on craint les brigands, et on demande des armes pour les municipalités.

» Tels sont les documens qui nous ont été remis par le secrétaire d'état du département de la guerre. Ainsi il n'est pas douteux que, pour favoriser le passage, des ordres ont été donnés aux commandans des places depuis Mézières jusqu'à Verdun. Vous avez pu remarquer, dans les lettres du ministre des affaires étrangères à M. Latour-Dupin, et de M. LatourDupin à M. Bouillé, que ce passage était accordé d'après un

traité. Ce fait ne nous avait été annoncé légère; nous avons ce traité.

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» Il est constaté que la réciprocité n'y est point du tout établie. Le traité de 1769 a été ratifié par une convention de 1779 qui n'y change absolument rien; l'article 34 du traité de 1769 porte que les troupes et attirails d'artillerie de S. M. autrichienne jouiront d'un passage libre dans le comté de Beaumont, à condition qu'elles ne pourront ni loger ni séjourner dans le territoire de S. M. l'impératrice reine de Hongrie; que les vivres seront payés comptant, etc. Il est nécessaire d'avoir quelque idée de la situation des lieux : il se trouve une petite portion de bois dans le territoire de l'Autriche, entre Givet et Maubeuge; pour arriver aux garnisons de Philippeville, de Charlemont et de Marienbourg, il faut nécessairement que nos troupes traversent ce bois. Rien n'annonce donc que dans ce traité la réciprocité ait dû être établie ; la lettre du traité prouve qu'elle ne l'est pas. Ainsi il n'y a nul doute les ordres ont été donnés pour ce passage; que les ministres se sont trompés quand ils ont cru que le passage des troupes autrichiennes était assuré par une clause qui n'existe point. Il paraît d'ailleurs difficile, quand même la réciprocité serait établie, que ces troupes pussent ne pas séjourner et loger, en traversant depuis le lieu où elles sont jusqu'à Verdun; il est donc évident qu'il y a une erreur, les ministres n'avaient pas le traité sous les yeux. » Ils ont aussi parfaitement oublié le décret du 28 février; il est ainsi conçu: « Il ne peut être introduit dans le royaume, >> ni admis au service de l'Etat, aucun corps de troupes étran» gères qu'en vertu d'un acte du corps législatif, sanctionné » par le roi. » Les ministres ont dit qu'ils n'avaient pas compris ce décret dans un sens qui eût rapport au passage de quelques gens de guerre autrichiens sur le territoire de France.

et que

que

» M. Montmorin a cru qu'il ne s'appliquait qu'aux troupes qu'on ferait entrer dans le royaume avec intention d'y servir. La première partie du décret, introduit dans le royaume, présente un sens complet. La seconde peut exister indépendamment de la première, comme la première

indépendamment de la seconde : les ministres ne l'avaient pas ainsi saisi, à ce qu'ils nous ont assuré. Voilà le compte exact du premier objet de notre mission. Notre second objet était de demander les raisons pour lesquelles on avait dégarni nos frontières de troupes. On avait cité Rocroi comme ayant peu d'infanterie et point de cavalerie; on avait dit que Charleville avait été dépouillé de son régiment, et qu'on demandait une augmentation de troupes à Givet. Le ministre nous a remis un détail de l'emplacement des troupes depuis Dunkerque jusqu'à Bitche, depuis Landau au fort l'Ecluse et dans les Alpes. Il nous est apparu que Rocroi n'avait effectivement que cent cinquante hommes du régiment de royal Hesse - Darmstadt; que le régiment de Berchigny hussard avait été retiré de Charleville : le ministre nous a assuré que le remplacement de ce régiment avait été ordonné, et qu'il allait être exécuté.

» Voici le tableau général de l'emplacement de l'armée, que nous a remis M. Latour-Dupin : »

(Nous passons ce tableau.)

« Nous avons fait les plus vives instances près du ministre pour qu'on s'occupât de Rocroi. J'avais eu des inquiétudes sur Marienbourg; on m'a assuré dans l'Assemblée que la garnison de Philippeville, composée de quatre escadrons, est toujours partagée entre Marienbourg et Charlemont.

» Le troisième objet de notre mission était de réclamer des informations sur les mesures qui avaient été prises pour la défense du royaume et pour la sûreté de la nation au dehors. Le ministre de la guerre a dit n'avoir ри faire autre chose que de maintenir l'emplacement des troupes et des garnisons; que, quant à l'artillerie et aux fusils, on s'est seulement occupé de l'approvisionnement de la flotte.

» Il reste à vous rapporter le compte qui vient de nous parvenir de ce que le ministre des affaires étrangères pense de l'état politique de l'Europe par rapport à la France. Quant aux dispositions de l'Angleterre, on convient qu'elle fait des armemens considérables; qu'elle a fortifié son armée de ligne; qu'elle en embarque une grande partie; que ses

milices sont convoquées; que son escadre devient de jour en jour plus forte, que quatre vaisseaux hollandais s'y sont réunis, que six autres peuvent s'y réunir bientôt; que la presse est si animée que les billets donnés pour l'exemption sont nuls. Il est impossible de penser que cette escadre est destinée pour le nord; les vaisseaux sont trop forts pour passer le Sund; il est d'ailleurs trop tard pour entreprendre cetle navigation.

>> Les négociations avec l'Espagne sont toujours suivies. Cette cour fait des propositions de paix très-raisonnables. Il paraît impossible que les forces considérables préparées par l'Angleterre aient pour objet le commerce avec l'Espagne, et qu'elles ne donnent pas des inquiétudes. Jusqu'à présent cette puissance a dépensé trente-six millions pour ses armemens. Le ministre nous a dit que, sans les fêtes de la fédération, il aurait informé l'Assemblée de toutes ces circonstances, et qu'il était disposé à envoyer incessamment un mémoire. Quant à l'Espagne, on assure qu'elle ne doit donner aucune inquiétude; ses vues se bornent à empêcher la communication de ses peuples avec les nôtres. L'état de sa flotte est respectable. La réunion de ses forces maritimes s'opère à Cadix. Pour ses troupes de terre, il n'y a nul changement dans leur placement sur les frontières de la Catalogne au Roussillon, de la Navarre à la Biscaye.

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Quant à la Prusse, M. Montmorin a dit que son alliance avec l'Angleterre était certaine, que son influence sur la Hollande était immense; et qu'à l'égard de la Savoie il n'y avait à Nice que deux bataillons. Il est convenu que l'avis ou plutôt l'ordre avait été donné aux réfugiés de rentrer dans l'intérieur, en emmenant avec eux le moins possible de domestiques français. On dit que cette disposition a été déterminée par la découverte d'un projet formé contre Nice par les gardes nationales de Marseille et de plusieurs autres villes de la Provence.

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Quant au Brabant, il est reconnu que l'indiscrétion d'un français a seule occasionné l'insulte qui a été faite aux armes de France. Les Brabançons se prévalent du pavillon français pour faire la contrebande, et n'en troublent pas moins notre

navigation. Le ministère semble éprouver des embarras à faire rendre justice à cet égard. Pour Chambéry et les différens postes qui s'étendent depuis Briançon jusqu'à Mont-Dauphin, depuis Barcelonnette jusqu'au Var, nous avons témoigné des inquiétudes au ministre. Il nous a dit qu'il n'avait reçu aucune nouvelle. Nous avons articulé que le roi de Sardaigne s'était permis de placer de l'artillerie sur les côtes du Dauphiné, qui, d'après les traités, ne devraient pas être garnies de le rassemblement de troupes canons. Nous avons observé

que

qui se faisait à Chambéry ne devrait pas rester longtemps en place, puisqu'on avait préparé mille tentes.

» Nous avons fait remarquer que ces troupes, suivant les soupçons qui se sont répandus, attendaient des Piémontais, et que des anciens employés des fermes en France, qui depuis quelques jours traversent le royaume, devaient se réunir à elles. Nous avons ajouté que, d'après les procès-verbaux de plusieurs municipalités, le passage de ces commis était un fait indubitable. Le ministre ne croit pas qu'il y ait plus de 2,000 hommes à Chambéry, ni que des Piémontais doivent passer incessamment en Savoie; il ne sait rien du rassemblement des anciens employés des fermes.,

» Sur tous ces détails le comité a un projet de décret à vous proposer; il a une vue particulière relative au renforcement des garnisons de Givet, de Charleville et de Mézières; il croit qu'il y aurait des inconvéniens à mêler de pareilles dispositions au décret que vous avez à rendre; il se réserve de préparer une rédaction à ce sujet. Il a aussi d'autres demandes particulières à vous faire connaître la ville de Vienne notamment insiste plus que toute autre pour obtenir des secours militaires; des passages très-faciles et sans aucune défense permettraient à des troupes étrangères d'arriver facilement jusqu'à elle. Voici le projet de décret que vos commissaires peuvent vous présenter en ce moment. » (Voyez ci-après le décret.)

Après une assez longue discussion, qui porta principalement sur les reproches graves qu'avaient encourus les ministres et plusieurs grands personnages, le projet du

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