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votre sagesse, et nos espérances à vos bienfaits, nous portons sans hésiter à l'autel de la patrie le serment que vous dictez à ses soldats.

» Oui, messieurs, nos mains vont s'élever ensemble à la même heure; au même instant nos frères de toutes les parties du royaume proféreront le serment qui va les unir! Avec quels transports nous déploierons à leurs yeux les bannières gages de cette union et de l'inviolabilité de nos sermens! Avec quels transports ils les recevront!

>> Puisse la solennité de ce grand jour être le signal de la conciliation des partis, de l'oubli des ressentimens, de la paix et de la félicité publique !

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» Et ne craignez point que ce saint enthousiasme nous entraîne au-delà des bornes que prescrit l'ordre public : sous les auspices de la loi l'étendard de la liberté ne deviendra jamais celui de la licence. Nous vous le jurons, messieurs, ce respect pour la loi dont nous sommes les défenseurs, nous vous le jurons sur l'honneur, et des hommes libres, des Français, ne promettent pas en vain. »

«

Réponse du Président.

Messieurs, le jour où le pouvoir absolu a cessé d'être, le jour où les anciens ressorts qui comprimaient les volontés ont cessé de les tenir enchaînées, le jour enfin où vingt-cinq millions d'hommes, qui s'étaient endormis esclaves, se sont réveillés libres, il était à craindre qu'ils n'abusassent d'un bienfait trop nouveau pour eux, que l'anarchie ne remplaçât le malheur du despotisme : à l'instant les gardes nationales ont paru, et la France rassurée a vu en elles le génie destiné à défendre de ses propres excès comme de ses ennemis le liberté naissante.

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Que vos fonctions, messieurs, sont nobles et pures! l'amour de votre pays est à la fois le mobile et la seule récompense de vos travaux. Que vos devoirs sont grands et utiles! Veiller constamment à la sûreté des personnes et des propriétés, c'est à dire donner à tous les citoyens cette sécurité sans laquelle il n'est point de bonheur; protéger partout la libre circulation des grains et des subsistances, et prévenir

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par-là ces prix inégaux, ces renchérissemens subits et violens qui n'ont que trop souvent causé les malheurs ou les désordres du peuple; enfin assurer la perception des contributions publiques, et maintenir aussi le trésor national dans cette abondance si heureuse, si désirable, si nécessaire; telles sont, messieurs, vos obligations civiles. L'Assemblée nationale sait que vous les remplirez; c'est à sa voix que vous êtes nés tont armés, tels que ce symbole ingénieux du courage et de la sagesse; c'est à sa voix que plus d'une fois vous avez donné des preuves de votre zèle et de votre patriotisme; souvent même vous l'avez prévenue; elle vous regarde comme ses enfans; elle vous regarde comme ses appuis; elle reçoit aujourd'hui votre hommage; demain la nation recevra vos sermens. Dans tous les temps vous aurez des droits à l'amour de tous les citoyens, comme à leur reconnaissance. Vous avez formé des vœux pour le prompt rétablissement de l'ordre public et pour l'achèvement de la constitution : ees vœux sont dans le cœur de tous les bons citoyens; ils sont aussi dans le nôtre; le plus beau jour de l'Assemblée nationale sera celui où elle pourra s'en remettre à ses successeurs du soin de consolider l'édifice majestueux qu'elle se hâte de terminer. Heureuse de vous voir dans son sein, elle vous offre les honneurs de sa séance. »

Discours prononcé à l'Assemblée nationale au nom de toutes les troupes de lignes de France, par M. le lieutenant-colonel Beaussert. (Séance du 13 avril 1790.)

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Messieurs, si jamais une longue suite d'années de services militaires a eu des charmes, c'est dans ce moment, où les augustes représentans de la nation ont fait choix des plus anciens guerriers pour resserrer les noeuds qui unissent le soldat et le citoyen.

» Deux corps armés vont assurer le maintien de la constitution et le repos de l'Etat par une fédération fraternelle, et un serment plus développé, mais qui n'était pas moins actif dans les cœurs français.

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» Si les corps que nous avons l'honneur de représenter ont été assez heureux pour mériter les suffrages de la nation,

vous ne le devez, messieurs, qu'à nos braves et vertueux vétérans, nos compagnons d'armes aux champs de Say, de Fontenoy, de Lauffeld, de Berguen, et dans les combats où, pendant trois guerres, leur courage a décidé la victoire; oe sont eux qui, par leurs exemples et leurs leçons, ont élevé l'âme des jeunes militaires qui leur ont été confiés; ils leur ont appris à être valeureux sans orgueil, subordonnés par l'amour de l'ordre, et guerriers sans cesser d'être citoyens.

» Enflammés pour la patrie, soumis à vos décrets, scrupuleux observateurs de la loi, pleins de fidélité, de respect et d'amour pour le plus juste des rois, nous sommes prêts à verser notre sang pour le maintien de la constitution sauctionnée par sa majesté, et contre les ennemis de l'Etat. »>

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Réponse du Président.

« Messieurs, le courage sait mettre à profit toutes les armes, et sous quelque drapeau qu'un citoyen serve patrie, il a des droits égaux à sa reconnaissance. Je ne rappelerai point ici tous vos titres de gloire; les nobles cicatrices dont vous êtes couverts en disent plus que toutes les paroles. Les vétérans de l'armée française en sont encore l'élite; ils furent le salut de la patrie; ils en sont toujours l'espoir.

» Mais, messieurs, aujourd'hui qu'une meilleure constitution va rendre au caractère national toute son énergie; aujourd'hui qu'une nouvelle organisation militaire va fixer l'étendue de vos droits comme celle de vos devoirs, vous saurez rentrer dans les uns, et rester fidèles aux autres ; vous ajouterez des vertus nouvelles à vos anciennes vertus, et vous serez citoyens libres sans cesser d'être soldats soumis. Vous n'oublierez point que vous devez au roi une obéissance égale à votre fidélité; que, destinés à maintenir l'ordre, c'est à vous à en donner l'exemple; que c'est la discipline qui fait la force et qui prépare la gloire des armées; que des guerriers enfin qui ne marchent qu'au nom de la loi, et pour le salut de la patrie, doivent à la première une soumission absolue, comme un dévouement sans bornes à la

seconde.

» L'Assemblée nationale contemple avec intérêt cette

variété de légions, dont il n'est aucune qui ne lui rappelle et ne lui promette un triomphe. Rassurée par vous sur l'intérêt de la gloire de la France, elle vous recommande encore l'intérêt de son repos; ses travaux préparent en silence votre bonheur : le bonheur public, protégé par vous, sera sa récompense.

» L'Assemblée nationale, sensible à votre hommage, vous invite, messieurs, à assister à sa séance. »>

Discours prononcé à l'Assemblée nationale au nom de la marine de France. (Séance du 13 juillet 1790.)

« Messieurs, la franchise maritime semble avoir le droit heureux d'offrir l'hommage de la confiance, en suppliant d'agréer celui du respect : ces deux sentimens, dont le peuple français est également animé pour ses augustes représentans, acquièrent une nouvelle force dans le cœur des marins. Comment ne les ressentirions-nous pas pour vous, messieurs ! Vous êtes les pilotes de la nation; nous croyons trouver une glorieusc similitude entre vos succès et nos travaux. Accoutumés à calculer les effets des élémens, nous admirons la sagesse avec laquelle vous avez su apprécier ceux de l'opinion. Nos résultats aussi naissent au milieu des orages; il nous faut de même conserver le calme du talent dans le trouble et dans le cahos des vagues en fureur et des vents déchaînés; responsables du salut de l'équipage qui nous est confié, c'est trop souvent par des sacrifices qu'il nous faut l'assurer; l'œil toujours fixé sur le port, rien n'en détourne nos regards, et nous jouissons ensuite du bonheur inappréciable auquel vous touchez, de celui d'y avoir conduit.

» Dévoués à la fonction presque miraculeuse de rapprocher ceux que la nature avait le plus séparés, c'est par nous principalement que votre sagesse deviendra communicative; nous serons, s'il est permis de s'expliquer ainsi, les porte-voix de la liberté. Son aurore paraissait à peine à l'ouest du monde, qu'envoyés pour la soutenir nous fûmes les précurseurs du jour qui nous éclaire. Le prince qui aida l'Amérique prononça dès lors sur le sort de la France. Le zèle avec lequel il fut obéi

l'annonca, et ce zèle est récompensé s'il rend la marine encore plus intéressante à vos yeux..

>> Une des qualités distinctives qui la caractérisent c'est que sa force ne peut menacer la liberté du citoyen; l'influence de cette arme est totalement extérieure, et il est impossible que, dans aucune circonstance, elle puisse désordonner les ressorts d'une constitution qui exige son accroissement. Il est attaché à celui de votre gloire; c'est en rendant votre existence nationale palpable à ceux d'entre nos voisins qui prétendraient en vouloir douter, que vous préviendrez des projets hostiles; empêcher la guerre, c'est plus que l'avoir faite : il en existe toujours une pour le navigateur; combien de dangers n'a-t-il pas à combattre, de privations à supporter, et d'offrandes de tous genres à déposer sur l'autel de la patrie! C'est par le rassemblement des connaissances humaines, et par la toute-puissance du savoir et des arts, qu'un vaisseau se construit et sc dirige, de même que c'est d'après des décisions instantanées qu'il se manœuvre. Il faut qu'une volonté conservatrice décide de tous ses mouvemens, et se communique avec la même rapidité que la pensée agit sur le corps humain; ce motif suffira pour que votre sollicitude paternelle rétablisse et consacre par ses décrets une discipline dont tous les peuples ont d'autant plus connu la nécessité qu'ils ont été libres. Leurs législateurs ont pu prescrire cette discipline, parce que la latitude de tout pouvoir légitime et indispensable s'accroît par la liberté. Vous en êtes une preuve; c'est de par nous-mêmes, c'est en notre nom que vous nous commandez.

» Nos mœurs maritimes ne sont point au-dessous de votre attention. Vous vous complairez peut-être à entendre que les vaisseaux de guerre français n'étaient déjà sous l'ancien régime qu'une grande famille. Le capitaine, le général, confondus sur le gaillard avec les derniers matelots, cédaient souvent la place à la foule qui la leur disputait; ils aimaient à partager en égaux les divertissemens de tous, tandis que chez les Anglais le commandant éloigne, épouvante dès qu'il paraît, et devient le propriétaire exclusif de l'endroit où il se promène : ce n'est point ces formes nationales et précieuses dont le changement est désirable; elles n'empêcheront point

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