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Toujours visages neufs; cela m'impatiente.

On ne peut, grace à vous, conserver un ami:
On est tantôt au nord, et tantôt au midi.
Quand je vous crois logé, j'y compte, je me lie
Aux femmes de Madame, et je fais leur partie....
J'ose même avancer que je vous fais honneur....
Point du tout, on vous chasse, et votre serviteur !
Je ne puis plus souffrir cette humeur vagabonde ;
Et vous ferez tout seul le voyage du monde.
Moi, j'aime ici; j'y reste.

CLÉON.

Et quels sont les appas,

L'heureux objet?...

FRONTIN, l'interrompant.

Parbleu ne vous en moquez pas,

H

Lisette vaut, je crois, la peine qu'on s'arrête ?

Et je veux l'épouser.

CLEON.

Tu serois assez bête

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Pour te marier, toi? Ton amour ton dessein
N'ont pas le sens commun!

FRONTIN.

Il faut faire une fin;

Et ma vocation est d'épouser Lisette.

J'aimois assez Marton, et Nérine et Finette;
Mais quinze jours chacune, ou toutes à la fois,
Mon amour le plus long n'a point passé le mois;
Mais ce n'est plus cela: tout autre amour m'ennuic.
Je suis fou de Lisette, et j'en ai pour la vic!

CLÉON.

Quoi! tu veux te mêler aussi de sentiment?

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Le fat! Aime moins tristement.

35

Pasquin, L'Olive et cent, d'amour aussi fidele,
L'ont aimée avant toi; mais sans se charger d'elle.
Pourquoi veux-tu payer pour tes prédécesseurs?
Fais de même; aucun d'eux n'est mort de ses rigueurs.
FRONTIN.

Vous la connoissez mal; c'est une fille sage.

CLÉON.

Cui, comme elles le sont.

FRONTIN.

Oh! Monsieur, ce langage

Nous brouillera tous deux.

CLÉON, après un moment de silence.

Eh bien, écoute-moi.

Tu me conviens: je t'aime; et, si l'on veut de toi,
J'emploirai tous mes soins pour t'unir à Lisette.
Soit ici, soit ailleurs, c'est une affaire faite.

FRONTIN.

Monsieur, vous m'enchantez !

CLÉON.

Ne va point nous trahir.

Vois si Valere arrive, et reviens m'avertir.

(Frontin sort. )

SCENE I I.

CLÉON, seul.

FRONTIN est amoureux ! je crains bien qu'il ne cause.

Comment parer le risque où son a:nour m'expose?...
Mais si je lui donnois quelque commission

Pour Paris?... Oui, vraiment, l'expédient est bon.
J'aurai seul mon secret, et si, par aventure,
On sait que les billets sont de son écriture,
Je dirai que de lui je m'étois défié,
Que c'étoit un coquin, et qu'il est renvoyé.

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JE vous cherche par-tout. Ce que prétend mon frere

Est-il vrai? Vous parlez, m'a-t-il dit, pour Valere?
Changeriez-vous d'avis?

CLÉON.

Comment! vous l'avez cru? FLORISE.

Mais il en est si plein et si bien convaincu....

CLEON, l'interrompant.

Tant micux! Malgré cela, soyez persuadée

QUE

Que tout ce beau projet ne sera qu'en idée.
Vous y pouvez compter; je vous réponds de tout.
En ne paroissant pas contrarier son goût.

J'en suis beaucoup plus maître, et la bête est si bonne.
Soit dit sans vous fâcher....

FLORISE, l'interrompant.

Ah! je vous l'abandonne:

Faites-en les honneurs. Je me sens, entre nous,
Sa sœur, on ne peut moins!

CLÉON.

Je pense comme vous:

La parenté m'excede; et ces liens, ces chaînes
De gens, dont on partage ou les torts ou les peines,
Tout cela préjugés; miseres du vieux tems:
C'est pour le peuple, enfin, que sont faits les parens.
Vous avez de l'esprit, et votre fille est sotte;
Vous avez pour surcroît un frere qui radote:
Eh bien, c'est leur affaire, après tout. Selon moi,
Tous ces noms ne sont rien, chacun n'est que pour soi,
FLORIS E.

Vous avez bien raison. Je vous dois le courage
Qui me soutient, contr'eux, contre ce mariage.
L'affaire presse, au moins: il faut se décider.
Ariste nous arrive il vient de le mander;
Et, par une façon des galans du vieux style,
Géronte sur la route attend l'autre imbécille.
Il compte voir ce soir les articles signés.

CLÉON.

Et ce soir finira tout ce que vous craignez. Premiérement, sans vous on ne peut rien conclure:

D

Il faudra, ce me semble, un peu de signature
De votre part? Ainsi tout dépendra de vous.
Refusez de signer, grondez et boudez-nous;

Car,
pour me conserver toute sa confiance,
Je serai contre vous, moi-même, en sa présence,
Et je me fâcherois s'il en étoit besoin.

Mais nous l'emporterons sans prendre tout ce soin.
Il m'est venu d'ailleurs une assez bonne idée,
Et dont, faute de mieux, vous pourrez être aidée....
Mais non; car ce seroit un moyen un peu fort:
J'aime trop
à vous voir vivre de bon accord.

FLORISE.

Oh! vous me le direz? Quel scrupule est le vôtre? Quoi ne pensons-nous pas tout haut l'un devant l'au

tre?

Vous savez que mon goût tient plus à vous qu'à lui, Et que vos seuls conseils sont ma regle aujourd'hui ? Vous êtes honnête-homme, et je n'ai point à craindre Que vous proposiez rien dont je puisse me plaindre': Ainsi confiez-moi tout ce qui peut servir

A combattre Géronte, ainsi qu'à nous unir.

CLÉON.

Au fonds, je n'y vois pas de quoi faire un mystere,
Et c'est ce que de vous mérite votre frere.
Vous m'avez dit, je crois, que jamais sur les biens
On n'avoit éclairci ni vos droits, ni les siens,
Et que, vous assurant d'avoir son héritage,
Vous aviez au hasard réglé votre partage?
Vous savez à quel point il déteste un procès,
Et qu'il donne Chloé pour acheter la paix ;

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