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LISETTE.

Ah! quittez ce langage.

Les lamentations ne sont d'aucun usage,

Il faut de la vigueur. Nous en viendions à bout,
Si vous me secondez. Vous ne savez pas tout!

CHLOÉ.

Est-il quelque malheur au-delà de ma peine?

LISETT E.

D'abord, parlez-moi vrai, sans que rien vous retienne.
Voyons; qu'aimez - vous mieux du cloître, ou d'un

époux ?

CHLOÉ.

A quoi bon ce propos?

LISETTE.

C'est que j'ai près de vous

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Des pouvoirs pour les deux. Votre oncle m'a chargée
De vous dire que c'est une affaire arrangée
Que votre mariage; et, d'un autre côté,
Votre mere m'a dit, avec même clarté,
De vous notifier qu'il falloit, sans remise,
Partir pour le couvent. Jugez de ma surprise!
CHLOÉ.

Ma mere est la maîtresse; il lui faut obéir.
Puisse-t-elle, à ce prix, cesser de me hair!

LISETT E.

Doucement, s'il vous plaît: L'affaire n'est pas faite,
Et ma décision n'est pas pour la retraite.

Je ne suis pas d'humeur d'aller périr d'ennui;
Frontin veut m'épouser, et j'ai du goût pour lui.

Je

Je ne souffrirai pas l'exil qu'on nous ordonne.... Mais, vous, n'aimez-vous plus Valere, qu'on vous

donne?

CHLOÉ.

Tu le vois bien, Lisette, il n'y faut plus songer.
D'ailleurs, long-tems absent, Valere a pu changer.
La dissipation, l'ivresse de son âge,

Une ville où tout plaît, un monde où tout engage,
Tant d'objets séduisans, tant de divers plaisirs
Ont, loin de moi, sans doute, emporté ses desirs. .
Si Valere m'aimoit, s'il songeoit que je l'aime,
J'aurois dû quelquefois l'apprendre de lui-même....
Qu'il soit heureux, du moins! Pour moi, j'obéirai:
Aux ennuis de l'exil mon cœur est préparé;
Et j'y dois expier le crime involontaire
D'avoir pû mériter la haine de ma mere....
A quoi rêves-tu donc? Tu ne mécoutes pas !

LISETTE.

Fort bien !... Voilà de quoi nous tirer d'embarras ;
Et sûrement Florise....

CHLOÉ.

Eh bien?

LISETTE.

Mademoiselle,

Soyez tranquille; allez, fiez-vous à mon zele :
Nous verrons, sans pleurer, la fin de tout ceci.
C'est Cléon qui nous perd et brouille tout ici ;
Mais, malgré son crédit, je vous donne Valere.
J'imagine un moyen d'éclairer votre mere
Sur le fourbe insolent qui la mene aujourd'hui,

C

Et nous la guérirons du goût qu'elle a pour lui.

Vous verrez !

CHLOÉ.

Ne fais rien que ce qu'elle souhaite;

Que ses voeux soient remplis, et je suis satisfaite !

( Elle sort. )

SCENE

POUR

VIII.

seule.

LISETTE,

OUR faire son bonheur je n'épargnerai rien... Hélas! on ne fait plus de cœurs comme le sien !

Fin du premier Acte.

ACTE I I.

SCENE PREMIERE.

CLÉON,

QU'EST-CE

FRONT IN.

CLEON.

donc que cet air d'ennui, d'impatience? Tu fais tout de travers; tu gardes le silence. Je ne t'ai jamais vû de si mauvaise humeur !

FRONTIN.

Chacun a ses chagrins!

CLÉON.

Ah !... Tu me fais l'honneur

De me parler enfin ? Je parviendrai peut-être

A voir de quel sujet tes chagrins peuvent naître....
Mais, à propos, Valere?

FRONTIN.

Un de vos gens viendra

M'avertir, en secret, dès qu'il arrivera.

Mais, pourrois-je savoir d'où vient tout ce mystere? .
Je ne comprends pas trop le projet de Valere?
Pourquoi, lui, qu'on attend, qui doit bientôt, dit-on,
Se voir avec Chloé l'enfant de la maison,
Prétend-t-il vous parler, sans se faire connoître?

CLÉON.

Quand il en sera tems, je le ferai paroître.

FRONTIN.

Je n'y vois pas trop clair; mais le peu que j'y voi
Me paroît mal à vous, et dangereux pour moi.
Je vous ai, comme un sot obéi, sans mot dire :
J'ai réfléchi depuis. Vous m'avez fait écrire
Deux lettres, dont chacune, en honnête maison,
A celui qui l'écrit, vaut cent coups de baton.

CLÉON.

Je te croyois du cœur. Ne crains point d'aventure: Personne ne connoît ici ton écriture.

Elles arriveront de Paris, et pourquoi

Veux-tu que le soupçon aille tomber sur toi?....
La mere de Valere a sa lettre, sans doute?

Et celle de Géronte....

FRONTIN, l'interrompant.

Elle doit être en route.

La poste d'aujourd'hui va l'apporter ici.
Mais, sérieusement, tout ce manége-ci
M'allarme, me déplaît, et, ma foi ! j'en ai honte.
Y pensez-vous, Monsieur? Quoi! Florise et Géronte
Vous comblent d'amitiés, de plaisirs et d'honneurs,
Et vous mandez sur eux quatre pages d'horreurs!
Valere, d'autre part, vous aime à la folie:

Il n'a d'autre défaut qu'un peu d'étourderie;
Et, grace à vous, Géronte en va voir le portrait
Comme d'un libertin, et d'un colifichet!
Cela finira mal!

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