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Et ne lui répondoit qu'avec un ton d'ennui.
Oh! par exemple, ici, tu ne peux pas me dire
Que Cléon ait montré le moindre goût de nuire,
Ni de choquer Ariste, ou de contrarier

Un projet, dont ma sœur paroissoit s'ennuyer;
Car il ne disoit mot.

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LISETTE.

Non; mais, à la sourdine,

Quand Ariste parloit, Cléon faisoit la mine.
Il animoit Madame en l'approuvant tout bas;
Son air, des demi-mots, que vous n'entendiez pas,
Certain ricannement, un silence perfide:
Voilà comme il parloit, et tout cela décide.
Vraiment, il n'ira pas se montrer tel qu'il est,
Vous présent. Il entend trop bien son intérêt:
Il se sert de Florise, et sait se satisfaire

Du mal qu'il ne fait point par le mal qu'il fait faire.
Enfin, à me prêcher vous perdez votre tems.
Je ne l'aimerai pas; j'abhorre les méchans!
Leur esprit me déplaît, comme leur caractere,
Et les bons cœurs ont seuls le talent de me plaire....
Vous, Monsieur, par exemple, à parler sans façon,
Je vous aime: pourquoi c'est que vous êtes bon.
GERONT E.

Moi! je ne suis pas bon; et c'est une sottise,

Que pour un compliment....

LISETTE, l'interrompaat.

Qui, bonté c'est bêtise,

Selon ce beau docteur; mais vous en reviendrez.
En attendant, en vain vous vous en défendrez,

Vous n'êtes pas méchant, et vous ne pouvez l'être.
Quelquefois, je le sais, vous voulez le paroître.
Vous êtes, comme un autre, emporté, violent,
Et vous vous fâchez même assez honnêtement;
Mais, au fonds, la bonté fait votre caractere.
Vous aimez qu'on vous aime; et je vous en révere.
GERONT E.

Ma sœur vient; tu vas voir si j'ai tant de douceur,
Et si je suis si bon !

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Ah! Dieux!.... Parlez plus bas, mon frere, je vous

prie!

GERONTE.

Ih! pourquoi, s'il vous plaît ?

FLORISE.

Je suis anéantie:

Je n'ai pas fermé l'œil, et vous criez si fort....

GERONTE, bas, à Lisette.

Lisette, elle est malade.

LISETTE, bas.

Voilà donc ce courage?

Et vous, vous êtes mort.

FLORIS E.

Allez savoir, Lisette,

(Voyant que Lisette hésite à lui obéir.)

Si l'on peut voir Cléon.... Faut-il que je répete?

( Lisette sort. }

JE

SCENE I V.

FLORISE, GERONT E.

FLORIS E.

E ne sais ce que j'ai, tout m'excede aujourd'hui ! Aussi, c'est vous.... hier....

GÉRONTE, l'interrompant.

Quoi donc ?

FLORIS E.

Oui, tout l'ennui

Que vous m'avez causé sur ce beau mariage,
Dont je ne vois pas bien l'important avantage;
Tous vos propos sans fin m'ont occupé l'esprit,
Au point que j'ai passé la plus mauvaise nuit.

GERONTE.

Mais, ma sœur, ce parti....

ELORISE, l'interrompant.

Finissons-là, de grace!

Allez-vous m'en parler? Je vous cede la place.

GERONTE.

Un moment.... Je ne veux....

FLORISE, l'interrompant.

Tenez, j'ai de l'humeur,

Et je vous répondrois, peut-être, avec aigreur.
Vous savez que je n'ai dè desirs que les vôtres ?
Mais, s'il faut quelquefois prendre l'avis des autres,
Je crois que c'est sur-tout dans cette occasion.
Eh bien, sur cette affaire entretenez Cléon.
C'est un ami sensé, qui voit bien, qui vous aime.
S'il approuve ce choix, j'y souscrirai moi-même;
Mais je ne pense pas, à parler sans détours,
Qu'il soit de votre avis, comme il en est toujours.
D'ailleurs, qui vous a fait hâter cette promesse ?
Tout bien considéré, je ne vois rien qui presse.
«Oh! mais ( me dites-vous) on nous chicannera:
>> Ce seront des procès!... » Eh! bien, on plaidera.
Faut-il qu'un intérêt d'argent, une misere

Nous fasse ainsi brusquer une importante affaire ?
Cessez de m'en parler, cela m'excede.

GERONTE.

Je ne dis rien; c'est vous....

Moi ?

FLORISE, l'interrompant.

Belle alliance!

GÉRONTE.

Eh! quoi?...

FLORISE, l'interrompant.

La mere de Valere est maussade, ennuyeuse,
Sans usage du monde; une femme odieuse!

Que voulez-vous qu'on dise à de pareils oisons?
GÉRONTE.

C'est une femme simple, et sans prétentions,
Qui, veillant sur ses biens....

FLORISE, l'interrompent.

La belle emplette encore

Que ce Valere! Un fat, qui s'aime, qui s'adore.
GERONTE.

L'agrément de cet âge en couvre les défauts.
Eh! qui donc n'est pas fat? Tout l'est, jusques aux

sots....

Mais le tems remédie aux torts de la jeunesse.

FLORISE.

Non, il peut rester fat. N'en voit-on pas, sans cesse,
Qui jusqu'à cinquante ans gardent l'air éventé,
Et sont les vétérans de la fatuité?

GERONTE.

Laissons cela. Cléon sera donc notre arbitre....
Je veux vous demander, sur un autre chapitre,
Un peu de complaisance, et j'espere, ma sœur....
FLORISE, l'interrompant.

Ah! vous savez trop bien tous vos droits sur mon cœur!

Ariste doit ici....

GÉRONTE.

FLORISE, l'interrompant.

Votre Ariste m'assomme.

C'est, je vous l'avoûrai, le plus plat honnête homme...

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