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SIDNEY, l'interrompant.

va, mon pauvre Dumont, je ne suis que trop sage?

DUMONT.

Et,
, pour nourrir l'ennui qui vous tient investi,
Vous entretenez-là votre plus grave ami?

Ce n'est qu'un Philosophe. Au lieu de cette épître,
Qui traite sûrement quelque ennuyeux chapitre,
Que ne griffonnez-vous quelques propos plaisans
A ces autres amis toujours foux et brillans,
Qui n'ont pas le travers de réfléchir sans cesse ?
SIDNEY,

Pour des soins importans à lui seul je m'adresse.
Tous ces autres amis, réunis par l'humeur,
Liés par les plaisirs, tiennent peu par le cœur.
Je me fie au seul d'eux que je trouve estimable.
L'homme qui pense est seul un ami véritable.

DUMON T.

Du moins, en vous quittant, je prétends vous laisser
En bonne compagnie. On vient de m'adresser
Une Nymphe affligée, et qui, lasse du monde,
Cache dans ce désert sa tristesse profonde.
Cela sent l'aventure!... Elle veut, m'a-t-on dit,

De ses petits malheurs vous faire le récit.

Outre qu'elle est en pleurs, on dit qu'elle est char

mante.

Si cela va son train, gardez-moi la suivante.
Vous savez là-dessus les usages d'honneur?

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C'est, parbleu! du solide, et tel qu'on n'en tient

gueres.

J'ai lâché, pour nous deux, quelques préliminaires. Ne vous exposez pas à les désespérer,

Et, pour tuer le tems, laissez-vous adorer.

Irai-je, en votre nom, comme l'honneur l'ordonne, Leur dire....

SIDNEY, l'interrompant.

Laisse-moi. Je ne veux voir personne.

DUMON T.

Oh! pour le coup, Monsieur, je vous tiens trépassé Vous ne sentez plus rien.

SIDNEY, se levant et emportant ce qu'il vient d'écrire

Attends-moi, j'ai laissé

Un papier important....

( Il sort. )

SCENE

VII.

DUMONT, seul.

Je n'y puis rien connoître

La tête, par ma foi! tourne à mon pauvre maître,

Et me voilà, tout seul, chargé de la raison
Et du gouvernement de toute la maison.

Il est blasé sur tout, tandis qu'un pauvre diable

Comme moi, goûte tout, trouve tout admirable.

On est fort malheureux avec de pareils rats!

Je suis donc heureux, moi? Je ne m'en doutois pas ! Il partira, s'il veut que je me mette en route;

(Refléchiffant.) (Appellant. )

Et sa lettre.... Attendez.... Henri!

HENRI, derriere le Théatre.

Monsieur !

Écoute....

(A part. )

DUMONT, appellant.

Il a beau commander, je ne partirai pas.

Son air m'alarme trop pour le quitter d'un pas!

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Il faut aller à Londre, et porter une lettre.

HENRI.

Deux, Monsieur, s'il le faut.

(A part.)

DUMON T.

On va te la remettre...

Il est malade ou fou; peut-être, tous les deux.... Quel est donc le malheur de tous ces gens heureux: Ils nagent en pleine cau; quel diable les arrête

HENRI.

Tenez, Monsieur Dumont, je ne suis qu'une bête;
Mais voyant notre maître, et rêvant, à part moi,
J'estime, en ruminant, avoir trouvé pourquoi.
Étant chez feu Monsieur, j'ons vu la compagnies
J'ons entendu causer le monde, dans la vie.
Tous ces grands Seigneurs-là ne sont jamais plaisans.
Ils n'ont pas l'air joyeux; ils attristent les gens.
Comme ils sont toujours bien, leur joie est toute usées
Vous ne les voyez plus jetter une risée.

Il leur faudroit du mal et du travail, par fois.
Pour rire d'un bon cœur, parlez-moi d'un Bourgeois
Mais, pour en revenir au mal de notre maître,
Je fommes, voyez-vous ? pour nous y bien connoître,
Puisque j'ons vu son pere aller le même train.

Il fera, tout de même, une mauvaise fin,
Si cela continue, et ce scroit dommage

Qu'un si brave Seigneur, si bon maître, si sage...
DUMONT, l'interrompant.

Oui, vraiment.... Mais, dis-moi, qu'avoit son pere?

HENRI.

Le mal qui tue ici ceux qui se portont bien.

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Rien

Ah! ma foi! qui l'entendra, l'expliques

Je ne sais si chez vous c'est la même rubrique
Comme en ce pays-ci; mais je voyons des gens
Qu'on ne soupçonnoit pas d'être foux en dedans,

Qui, sans aucun sujet, fans nulle maladie,
Plantont-là brusquement toute la compagnie ;
Et, de leur petit pas, s'en vont chez les défunts,
Sans prendre de témoins, de peur des importuns.
Tenez, défunt son pere, honneur soit à son ame,
C'étoit un homme d'or, humain comme une femme,
Semblable à son enfant comme deux gouttes d'iau;
Si bien donc qu'il s'en vint dans ce même châtiau.
Jadis il me parloit, il avoit l'ame bonne;
Or il ne parloit plus pour moi, ni pour personne..
Mais la parole est libre, et cela n'étoit rien.

Je le voyions varmeil, comme s'il étoit bien.
Point du tout: un biau jour il dormit comme un diable,
Si bien qu'il dort encore. On trouva sur sa tablo
Un certain brinborion, où l'on sut débrouiller

Qu'il s'étoit endormi, pour ne plus s'éveiller.
C'étoit un grand esprit!

DUM ON T.

C'étoit un très-sot homme!

Le fils pourroit fort bien faire le second tome.... Laisse-moi faire.... Il vient.... Allons, va t'apprêter.

Reviens vîte.

(Henri sort.)

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