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Si nous avions long-tems à rêver dans ce gîte,
Faites-moi le plaisir de me l'apprendre vîte,
Vu que si nous restons quatre jours seulement,
Je voudrois m'arranger, faire mon testament,
Me mettre en regle... Enfin, Monsieur, je vous le jure
Je ne puis plus tenir dans cette sépulture.
Etant seul on raisonne; on bâille en raisonnant,
Et l'ennui ne vaut rien à mon tempérament.

SIDNEY.

Une table, une plume.

Dumont lui approche une table, sur laquelle il y a tout ce qu'il faut pour écrire.)

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SIDNEY, seul, s'asseyant près de la table.

DEPUIS

EPUIS qu'à ce parti mon esprit s'est rangé, Du poids de mes ennuis je me sens soulage. Nulle chaîne, en effet, n'arrête une ame ferme ;

Et les maux ne sont rien quand on en voit le terme... (Il se met à écrire,)

(Après avoir écrit quelques lignes. )

O vous que j'adorai, dont j'aurois toujours dû
Chérir le tendre amour, les graces, la vertu,
Vous, dont mon inconstance empoisonna la vie,
Si vous vivez encor, ma chere Rosalie,

Vous verrez que mon cœur regretta nos liens !
Des mains de mon ami vous recevrez mes biens.

Il ne trahira point les soins dont ma tendresse

Le charge, en expirant, dans ces traits que je laisse. (Il continue d'écrire.)

SCENE V I.

DUM O. N T, SIDNEY.

DUMONT.

MA requête, Monsieur, touchant notre retour,

(A quoi vous répondrez, on ne sait pas le jour) (Il met les lettres sur la table.) (A part.)

M'avoit fait oublier ce paquet.... Il envoie, Sans doute, un homme à Londre; usons de cette voie. (Il prend une plume qu'il taille.)

SIDNEY, écrivant.

Que vas-tu faire?

DUMONT.

Moi? mes dépêches. Parbleu !

Il faut mander, du moins, que je suis en ce licu.

Croyez-vous qu'on n'ait point aussi ses connoissances?
Vous m'avez fait manquer à toutes bienséances:
Partir sans dire adieu, se gîter sans dire où!
Dans ma société l'on me prend pour un fou!
D'ailleurs, quitter ainsi la bonne compagnie,
Monsieur, c'est être mort au milieu de sa vie.
Vous avez, il est vrai, des voisins amusans,
D'agréables Seigneurs, des campagnards plaisans,
Qui vous diront du neuf sur de vieilles gazettes;
Cela fera, vraiment, des visites parfaites!

SIDNEY.

Console-toi, demain Londres te reverra.

DUMONT.

Vous me ressuscitez! j'étois mort sans cela!

SIDNEY, continuant d'écrire.

Tu ne te fais donc point au pays où nous sommes ?

DUMONT.

Moi j'aime les pays où l'on trouve des hommes,
Quel diable de jargon! Je ne vous connois plus.
Vous ne m'aviez pas fait au métier de reclus.
Depuis votre retour du voyage de France,
Où mon goût près de vous me mit par préférence,
Je n'avois pas encor regretté mon pays:

Je me trouvois à Londre aussi-bien qu'à Paris.
J'étois, dans le grand monde, employé près des Belles,
Je portois vos billets; j'étois bien reçu d'elles.
De l'amant en quartier on aime le coureur.
Je remplissois la charge avec assez d'honneur.
En un mot, je menois un train de vie honnête,
Mais ici je me rouille, et je me trouve bête,

Ma foi nous faisons bien de partir promptement
Et d'aller à la Cour, notre unique élément....
Mais, puisque nous partons, qu'est-il besoin d'écrire?

SIDNEY.

Tu pars; je reste,

moi.

DUMONT.

Quel chagrin vous inspire

Ce changement d'humeur, cette haine de tout,
Et l'étrange projet de s'ennuyer par goût?
Je devine, à-peu-près, d'où vient cette retraite :
Oui, c'est quelque noirceur que l'on vous aura faite.
Quelque femme, abrégeant son éternelle ardeur,
S'est-elle résignée à votre successeur ?

Il est piquant pour moi, qui n'ai point de querelles,
Et suis en pleine paix avec toutes nos Belles,
D'être forcé de vivre en ours, en hébêté,

Parce que vous boudez, ou qu'on vous a quitté! SIDNEY, sans l'écouter.

Chez Milord Hamilton tu porteras ma lettre.

DUMONT.

C'est de lui le paquet qu'on vient de me remettre. Sur l'adresse, du moins, je l'imagine ainsi.

SIDNEY.

Comment! par quel hasard me sait-il donc ici ?

Il lit bas une des lettres du paquet, et laisse les autres sans les ouvrir.)

(Après avoir lu.)

Il me mande qu'il vient; mais j'ai quelques affaires Que je voudrois finir en ces lieux solitaires.

Il faut, en te hâtant, l'empêcher de partir.

DUMONT.

DUMON T.

Et vous laisser ici rêver, sécher, maigrir,
Entretenir des murs, des hiboux et des hêtres?...
Mais j'ai vu quelquefois que vous lisiez vos lettres...
(Il lit bas les adresses des lettres fermées. )

Après les avoir lues toutes, et lui en présentant une.)
Ou je suis bien trompé, Monsieur, ou celle-ci
Est de quelque importance; elle est de la Cour.
(Sidney prend la lettre et la lit bas. ).

SIDNEY, après avoir lu.

Et j'ai ce Régiment....

DUMONT.

Oui,

Je ne me sens pas d'aise!... Allons, Monsieur, je vais préparer votre chaise. Sans doute, nous partons. Il faut remercier.... Mais quel est ce mysterę? Il est bien singulier Qu'après tant de desirs, de poursuites, d'attente, Obtenant, à la fin, l'objet qui vous contente, Vous paroissiez l'apprendre avec tant de froideur! SIDNEY, se remettant à écrire,

Es-tu prêt à partir? J'ai fait.

DUMONT.

Sur mon honneur,

Je reste confondu! Cet état insensible,

Votre air froid, tout cela m'est incompréhensible;
Et,
si, jusqu'à présent, je ne vous avois vu
Un maintien raisonnable, un bon-sens reconnu,
Franchement, je croirois.... excusez ce langage

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