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excellent, les charmes d'une beauté rare et la taille la plus brillante et la plus avantageuse. Son goût exquis, bien reconnu par son frere, et par tous ceux qui ont eu quelque relation avec elle, l'avoit rendue le juge-né de ses Ouvrages, qu'il soumettoit à son examen, avant de les publier.

Cette femme intéressante, si bien faite pour partager la gloire de GRESSET, à laquelle il l'a, en quelque sorte, associée, en l'appellant sa Minerve, dans son Epître, a eu la douleur de le voir mourir, et elle ne lui a pas survécu d'un an.

GRESSET, dans les premiers jours du mois de Juin 1777, se trouva surpris par quelques accès de fievre intermittente et rémittente, qui ne furent pas arrêtés à tems; et, quoiqu'il fût fort robuste, il succomba, le 16 du même mois, au quatrieme accès, n'étant encore que dans sa soixante-huitieme année, et sans qu'il soit né aucun enfant de son mariage.

On sait qu'il eut toujours beaucoup de Religion, et l'on ne peut douter qu'il ne soit mort pénétré des mêmes sentimens. Ils l'avoient porté dans ses dernieres années à sacrifier plusieurs Ouvrages qu'il avoit achevés, et à en abandonner d'autres

d'autres qu'il avoit commencés, en recommendant que l'on ne publiât jamais ce qui pourroit en rester après sa mort. Ses volontés n'ont été que trop scrupuleusement respectées à cet égard, et nous avons perdu des Ouvrages précieux.

Deux Comédies toutes faites, dont l'une, intitulée Le secret de la Comédie, avoit été lue, par lui, à deux de ses amis, bons connoisseurs, qui assurent que jamais rien de plus gai et de plus plaisant n'a été donné au Théatre; mais qui n'en font pas connoître davantage le sujet. L'autre, dont on ne connoît que le titre seulement, portoit celui du Monde comme il est.

Un cinquieme et un sixieme Chants du Poëme de Vert-Vert.

Le cinquieme, intitulé L'ouvroir, Ou Le Laboratoire de nos Sœurs, est de ces deux derniers Chants le seul connu. GRESSET l'avoit lu à une séance publique de l'Académie d'Amiens, en 1753, et à la Cour, en 1775, lorsqu'il y alla en qualité de Directeur trimestrier de l'Académie Françoise, à la tête de cette Compagnie, pour haranguer le Roi et la Reine sur leur avénement au trône.

B

Ce cinquieme Chant de Vert-Vert, à ce que nous assurent ceux qui l'ont entendu, étoit le chef-d'œuvre de GRESSET, et son morceau de prédilection. On n'a pu en conserver qu'une centaine de vers, qui n'ont point assez de liaison pour qu'on puisse les donner au Public.

Ce Chant, nous dit-on, étoit l'histoire abrégée de toutes les occupations, de toutes les petitesses, de toutes les grimaces d'un Couvent ; et il étoit terminé par le récit d'une représentation de la Tragédie d'Athalie, qu'on y donnoit, à l'occasion de l'année jubilaire de la Mere supérieure. On avoit choisi pour remplir le rôle du jeune Roi Joas une jeune Religieuse, bien fraîche et bien jolie; mais le malheur avoit voulu qu'une maladie, qui lui étoit survenue subitement, l'enlevât au moment où l'on devoit jouer la Piece. Une vieille Mere Cunégonde, qui ce jour-là perdoit sa derniere dent, vouloit remplacer la jeune Religieuse; ce qui excitoit une réclamation de tout le noviciat. La cause étoit portée devant le Sanhedrin embéguiné. Il étoit décidé qu'on ne devoit pas contredire la révérende douairiere, de peur que son mécontentement ne troublât la

fête ; et elle l'emportoit sur toutes les novices. Ce tableau, ajoute-t-on, étoit digne de Calot.

Une Épître, adressée au Marquis de Chauvelin, et dans laquelle GRESSET peignoit tous les détails d'une Abbaye, pouvoit faire, dit-on encore, le pendant de L'Ouvroir.

La famille de GRESSET a conservé les manuscrits d'un Poëme, en quatre Chants, intitulé Le Gazerin, et d'un, en dix Chants, qui a pour titre, Le Parrain magnifique.

Le premier de ces deux Poëmes, dont nous ne connoissons point le sujet, et qui est d'une foible exécution, à ce qu'on nous assure, est trop peu propre à ajouter à la réputation de son Auteur, pour que l'on hasarde de le publier.

Quant au second, qui, nous dit-on, est composé d'environ trois mille vers, des raisons particulieres en empêchent la publication. Voici quelle en est la fable.

Un Abbé, d'un grand nom, mais qui est fort peu généreux, a promis de tenir sur les fonts. baptismaux le fils d'un de ses gens d'affaires. Le moment arrivé, l'Abbé pense que, s'il représente en personne, cela pourra lui coûter cher,

Il prend donc le parti prudent de se faire remplacer par le Maire d'une petite Ville voisine de son Abbaye. Ce Maire est un homme qui joue l'important, et qui se trouve tout enorgueilli de l'honneur que lui fait l'Abbé. Il dresse un état fort ample et fort détaillé de toutes les cérémonies et de tous les frais du baptême, et il en fait monter la dépense à une très-grosse somme. Il présente cet état à l'Abbé, qui réduit mesquinement la somme à vingt-sept livres dix sols.

C'est sur ce mince fonds que GRESSET a brodé ses dix Chants, dont plusieurs sont parfaits, et qui ont tous des débuts remplis de la plus belle et de la plus riche Poésie. On trouve dans tout le Poëme une critique fine et ingénieuse, beaucoup plus de gaieté que dans aucun des Ouvrages connus de GRESSET, des portraits de main de maître; surtout, celui du Parrain, celui du Maire son substitut, celui de la femme de ce Maire, et celui d'un laquais du Parrain. Enfin, à quelques longueurs près, qu'il seroit aisé de retrancher, cet Ouvrage est digne des plus beaux jours de son charmant Au

teur.

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