Page images
PDF
EPUB

chercher sans pouvoir découvrir le fleu de sa retraite. Il fait pourtant ses dispositions testamentaires en sa faveur, et charge un de ses amis, nommé Hamilton, de les exécuter, s'il parvient à la trouver. Il veut envoyer Dumont, valet-de-chambre François, qui est à son service, porter à Hamilton, à Londres, le paquet contenant ses dernieres volontés; mais Dumont ne peut consentir à le quitter dans l'état d'accablement où il le voit. Sans, cependant, en connoître la cause, il en redoute les effets pour son maître, qu'il aime. Sidney, piqué du refus de Dumont, le congédie et envoie Henri, son jardinier, faire cette commission. Pendant ce tems, la Cour a donné un Régiment à Sidney, sans qu'il l'ait sollicité, et même à son insu. Hamilton, apprenant cette nouvelle à Londres, vient en féliciter son ami à la campagne, au moment où Henri s'est mis en chemin pour lui porter le paquet de Sidney, qui doit, selon son projet, n'être déja plus lorsqu'il le recevra. Henri sait à la premiere poste, le passage d'Hamilton, et il revient au Château lui remettre le paquet, A la lecture de ce qu'il contient, Hamilton est déso

lé, et il emploie tout ce que la raison et l'éloquence peuvent lui suggérer pour combattre le funeste dessein de son ami, sans pouvoir l'y faire renoncer. Mais Dumont, quoique disgracié par son maître, veille toujours sur lui, et s'attache à mettre en défaut tous les moyens dont i pourroit se servir pour s'ôter la vie. Il a enlevé ses pistolets et a changé, furtivement, contre un autre sans danger, un breuvage qu'il lui a vu préparer et qui lui a paru suspect. En effet, Sidney prend le breuvage, bien persuadé qu'il est empoisonné. Cependant, Rosalie, qui, depuis qu'il l'a abandonnée, n'a pas cessé de l'aimer et lui est toujours restée fidelle, est venue, dès ce fatal moment, se retirer chez une de ses parentes, dans une Terre, voisine de celle de Sidney. Elle apprend qu'il est à son Château, et elle lui fait demander un entretien, par la jeune Mathurine, fille de Henri. Hamilton, instruit de cette démarche de Rosalie, espere en tirer parti pour ramener Sidney à la raison, et il ménage cette entrevue. Sidney revoit Rosalie avec plaisir; mais il déclare qu'il est trop tard, croyant que le breuvage qu'il a pris va lui ravir, pour

toujours, cette chere vue. Mais Dumont pa roît, et lui fait connoître le service qu'il lui a rendu, en le sauvant, malgré lui. Sidney, pénétré de la fidélité à toute épreuve de Rosalie, de l'amitié éclairée d'Hamilton et du zele, si intéressant, de Dumont, leur en témoigne sa sensibilité, en abjurant le coupable projet qu'il avoit de terminer sa vie, et en faisant celui de la passer avec eux et de la rendre aussi heureuse qu'il dépendra de lui; et il épouse Rosalie, pour commencer à mettre ce nouveau projet à exécution.

JUGEMENS ET ANECDOTES

SUR

SIDN

E Y.

[ocr errors]

MALGRÉ le double désavantage de la guerre

et de la saison où l'on étoit lors de la nouveauté de cette Piece, les représentations en furent suivies avec assez d'affluence pour en décider le succès; et les applaudissemens qu'elle reçut continuellement en constaterent le mérite, dit le Mercure de France, du mois de Mai 1745 : extrait envoyé aux Auteurs, par un anonyme... L'exposition claire et naturelle du sujet et des caracteres, leur disposition et leur ordonnance, la marche de l'action, les gradations et les nuances de l'intérêt qui en est l'ame et le ressort, le touchant des situations la précision et la justesse du dialogue, la noblesse et la pureté de style, toujours soutenu par l'esprit

,

n'a

et par le sentiment, dans un ton neuf, saillant et philosophique; voilà ce que l'on a applaudi dans Sidney.... Son objet est de peindre un de ces travers de l'humanité, qui tient plus au sentiment qu'à l'esprit, et sur lequel la raison n'a point de prise; une de ces maladies de l'ame, dont un caractere malheureux est le principe, et dont la plus funeste catastrophe est la conséquence. Sidney, jeune, riche, aimable, livré avec emportement, plus par oisiveté que par goût à toutes les passions de son âge, mais dont l'esprit fait pour être occupé, trouvé que du vuide dans la dissipation, nous représente le caractere, la façon de penser et les différentes situations d'un homme dans qui l'habitude, l'abus et la lassitude des plaisirs et du bonheur ont usé le sentiment, qui n'en a plus d'autre que l'ennui de soi même et le dégoût de la vie. Il en est si pénétré, que raisonnant conséquemment d'après cette funeste apathie, il prend, de sens-froid, la résolution d'abréger des jours qui lui sont à charge; il y persiste avec une opiniâtreté aussi tranquille qu'invincible à la raison et à l'amitié : il n'imagine

[ocr errors]
« PreviousContinue »