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cut un nombre infini d'éditions; mais beaucoup n'ont jamais été publiés, et plusieurs ont même été totalement supprimés par lui, quelque tems

avant sa mort.

ses mœurs,

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GRESSET, par la douceur et la simplicité de la candeur et la droiture de son caractere, la scrupuleuse exactitude de sa probité, se fit chérir de tous ceux qui le connurent; et il fut étroitement lié d'amitié avec un grand nombre de personnes des plus élevées par leur naissance et par leur rang, telles que l'Archevêque de Tours, M. de Rastignac, l'Evêque de Luçon, M. de Bussy, l'Evêque d'Amiens, M. d'Orléans de La Mothe, le Duc de Saint-Aignan les trois freres Chauvelin, l'Abbé, le Marquis et le Conseiller d'Etat, les deux Contrôleurs Généraux, M. Orry et M. de Boullongne, et beaucoup d'autres personnes recommandables par leurs dignités et leur considération dans le monde. Le Roi de Prusse, Frédéric II, qu'on a surnommé le Salomon du Nord, et que l'on pourroit en appeler aussi l'Auguste, le Tite-Live et l'Horace, eut une correspondance littéraire avec GRESSET. Il composa même une Ode à sa

louange, en réponse à une qu'il avoit reçue de lui, lors de son avénement au trône, en 1740, et il lui donna le titre d'honoraire de son Académie de Berlin, en l'engageant à s'aller fixer auprès de lui; mais GRESSET renonça à cet honet préféra sa famille et sa patrie à la Cour d'un grand Roi, si digne d'être préféré à tout.

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La Tragédie d'Edouard III, la Comédie de Sidney, et, sur-tout, celle du Méchant, VextVert, La Chartreuse, Les Ombres, l'Epitre au Pere Bougeant, l'Epître à sa Muse, les Imitations des Eglogues de Virgile, et quelques autres Ouvrages estimables que GRESSET avoit publiés, lui ouvrirent les portes de l'Académie Françoise, en 1748. Mais toutes ces distinctions flatteuses, tout ces honneurs accumulés ne purent jamais prévaloir dans son cœur contre l'amour du lieu de sa naissance. Ce sentiment exclusif l'avoit suivi par-tout. L'accueil qu'il reçut en tous lieux, l'amitié, qui s'empressoit toujours à voler au-devant de lui, les succès constans de toutes ses productions, les plaisirs de la jeunesse, rien ne put le distraire un instant du desir de retourner s'établir dans ce lieu qu'il ché

rissoit uniquement. Ses premiers Ouvrages composés loin de ce lieu, sont remplis de l'expression de ce desir, qu'il a conservé jusqu'au moment où il a pu y céder, sans retour.

Dès qu'il se vit rentré dans Amiens, il voulut signaler ce moment, qu'il regardoit comme le plus heureux de sa vie, par un bienfait à jamais mémorable pour ses concitoyens.

Aidé de l'entremise et du crédit qu'avoit à la Cour le Duc de Chaulnes, alors Gouverneur de la Province de Picardie, il obtint l'établissement d'une Société Littéraire, érigée en Académie des Sciences, Belles - Lettres et Arts dans la ville d'Amiens, en 1750, par des Lettres-Patentes du Roi, qui l'en nomma d'abord Président-perpétuel. Mais l'esprit d'égalité, d'indépendance, la sorte de fraternité, que GRESSET savoit devoir régner toujours dans ces assoctations, l'empêcherent d'accepter ce titre. Il se contenta de l'honneur d'être Membre, tout simplement, d'une Compagnie de Savans, de Littérateurs et d'hommes à talens, qui lui devoit l'existence, et dont, à toutes sortes d'égards, on pouvoit le regarder comme le Chef et le mo

dele. Grand exemple de modestie, qu'il faut d'autant plus louer qu'il sera peu suivi en pareil

cas.

Pendant la quinzaine d'années que GRESSET est resté à Paris, il avoit fait quelques petits voyages à Amiens, pour y voir sa famille. Dans un de ces voyages, il étoit devenu amoureux d'une Demoiselle Galland, fille d'un Négociant de cette Ville, qui en avoit été Maire, et de la même famille qu'Antoine Galland, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Professeur au Collége Royal, et célebre par sa connoissance profonde des Langues Orientales et par sa traduction des Contes Arabes des Mille et une Nuits.

Cette Demoiselle étoit d'un grand mérite, et joignoit à beaucoup d'esprit un caractere doux et enjoué. GRESSET demanda et obtint sa main. La bénédiction nuptiale leur fut donnée, le 22 Février 1751, par l'Évêque d'Amiens, qui jusqu'à sa mort, arrivée trois ans avant celle de GRESSET, l'honora de l'amitié la plus intime et la plus constante.

Une grande conformité de caractere et de goûts les attacha facilement l'un à l'autre. Ils

étoient tous les deux fort gais. Ils aimoient les Contes plaisans et les Épigrammes ; et ils avoient beaucoup de talent pour en faire. GRESSET a composé seul des milliers de Contes, qui étoient autant de petits Poëmes, variés à l'infini, et plus de dix mille Epigrammes, dans le nombre desquelles il y en avoit quelques-unes où le Marquis de Chauvelin avoit en quelque part; mais rien n'en a été conservé, et ces petits Ouvrages ne sont connus que des personnes qui les ont entendu réciter dans les sociétés dont ils faisoient les délices.

L'Évêque d'Amiens étoit le seul qui fût en état de lutter contre GRESSET dans le genre du Conte. Ils se trouvoient souvent ensemble chez le Duc de Chaulnes, avec lequel ils étoient fort liés, et ils y faisoient assaut à cette sorte d'escrime, pendant cinq à six heures de suite. On oublioit le dîner ou le souper pour les entendre. Ils excitoient dans tout le monde un rire qui alloit quelquefois jusqu'à la convulsion. GRESSET avoit surtout une facilité incroyable. Depuis l'âge de trente ans, il écrivoit currente calamo, en vers comine en prose.

Avec tant de moyens de briller dans le monde,

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