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GRESSET, dans sa retraite, n'avoit pas cessé de cultiver les Lettres; et, indépendamment des Poëmes dont nous venons de parler, chaque année le voyoit fournir quelques Épîtres, quelques Pieces fugitives, qu'on inséroit dans les Journaux et dans les Recueils annuels. Chaque année aussi il composoit pour l'Académie d'Amiens quelques Discours oratoires, sur des sujets importans; et quand le sort le nommoit Directeur de l'Académie Françoise, il venoit en remplir les fonctions pendant son trimestre. Ce fut lui qui, en cette qualité, répondit, en 1754, 1755 et 1774, aux Discours de réception de Boissy, de d'Alembert et de M. Suard.

A cette derniere époque de son Directorat, GRESSET commença à signaler moins son talent pour la peinture des mœurs de la Capitale; talent que, jusques-là, on avoit si justement admiré dans la plupart de ses Ouvrages, et particu liérement dans sa Comédie du Méchant. Son long séjour dans la Province lui avoit fait perdre la trace des nuances si fugitives de nos révolutions de modes, dans les usages et même dans la langue. En répondant au Discours de M. Suard,

écrits, n'y ont jamais reçu la moindre atteinte. Sa réputation a, depuis long-tems, engagé l'Académie Françoise à le recevoir au nombre de ses Membres, et nous l'avons vu, avec satisfaction, nous offrir, en qualité de Directeur, les hommages de cette Académie, la premiere fois que nous avons bien voulu l'admettre à nous les présenter, à l'occasion de notre avénement à la Couronne. Nous savons, d'ailleurs, qu'il est issu d'une famille honnête de notre ville d'Amiens; que son ayeul et son pere y ont rempli différentes Charges Municipales, et qu'ils y ont toujours, ainsi que le sieur GRESSET, luimême, vécu de cette maniere honorable qui, en rapprochant de la Noblesse, est, en quelque sorte, un degré pour y monter. A ces causes

&c. »

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Deux ans après cette époque, c'est à-dire, fort peu de tems avant la mort de GRESSET, au commencement de 1777, le Roi le fit Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, et MONSIEUR le nomma Historiographe de l'Ordre de Saint-La

zare.

Personne n'étoit plus digne que GRESSET de toutes ces faveurs, car il les reçut sans les avoir

sollicitées; et, si la mort n'étoit venu le ravir à tant d'honneurs, il auroit su en jouir sans remords, comme sans ostentation.

Il faisoit tout le bien qu'il pouvoit faire. Il avoit consacré à des pauvres connus le produit entier d'une maison de campagne, appellé le Pinceau, qu'il possédoit à une demi-lieue d'Amiens, et où il alloit tous les jours, en été comme en hiver ; mais, après sa mort, on a découvert une multitude de nécessiteux qu'il avoit secourus, dans le plus grand secret, pendant une longue suite d'années. Aussi sa perte fut-elle regardée comme une calamité publique, dans la ville d'Amiens. Le Corps Municipal et l'Académie assisterent à ses obseques, en grand cortége; et un anonyme composa pour ce Poëte aimable ce distique, qui lui convient si bien :

Nunc lepidique sales lugent, veneresque pudice;
Sed prohibent mores, ingeniumque mori.

On a prétendu que GRESSET avoit eu le dessein d'achever le charmant Conte des Quatre Facardins d'Hamilton, et même qu'il s'étoit occupé de cette entreprise; mais il paroît qu'il n'est resté aucune trace de ce travail dans ses papiers.

Il existe entre les mains de ses parens un trèsgrand nombre de ses Lettres manuscrites et dont le Recueil seroit digue de figurer à côté

de ses Ouvrages. Elles sont,

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nous dit - on, pleines de gaieté, de finesse et d'esprit, sans affectation et sans recherche. C'est le modele du style épistolaire, le naturel le plus pur et l'enjouement le plus vrai, enveloppant toujours une saine morale et quelquefois une critique utile; mais sans que l'on y voie d'humeur contre personne. Il ne fut jaloux d'aucun Auteur; et, malgré les plaisanteries piquantes que Voltaire s'est permises contre lui, dans le Pauvre diable, à l'occasion de sa retraite à Amiens et de sa renonciation au genre dramatique, il n'a jamais cessé de rendre hommage aux talens de ce grand Ecrivain, et de lui donner des louanges toutes les fois qu'il en a eu l'occasion, soit dans la conversation, soit dans ses correspondances familieres.

L'Académie d'Amiens, non contente d'avoir célébré elle-même la mémoire de GRESSET, dans un Eloge public, Ouvrage de M. Baron, Secrétaire de cette Compagnie, a proposé encore pour sujet d'un de ses prix l'Eloge de

celui qu'elle regardoit comme son fondateur. Un grand nombre d'Ouvrages, tant en vers qu'en prose, a été envoyé au concours remis pen

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dant deux années de suite mais aucun n'a paru digne du sujet, et, par conséquent, aucun n'a obtenu le prix.

Plusieurs de ces Eloges ont été publiés; et il a paru, en outre, une Vie de Gresset, par le Pere Daire, Bibliothécaire des Célestins, imprimée à Paris, en 1779, chez Charles-Pierre Breton, rue Saint-Victor, in-12.

L'Académie d'Amiens a renoncé au premier genre d'hommage qu'elle vouloit rendre à GRESSET; mais elle lui en a substitué un autre, d'un genre non moins honorable pour sa mémoire. Elle desiroit que l'éloquence célébrât les vertus et les talens de celui qu'elle regrette; elle a chargé le ciseau de lui en reproduire les traits sur le marbre, et ce buste chéri, sans cesse exposé sous ses yeux, lui rappellera sans cesse le modele des vertus et l'homme à talens dont elle déplore la perte. Il sera toujours présent au milieu d'elle. Il continuera d'éclairer ses travaux; et cette Présidence perpétuelle, qu'un excès de modestie lui fit refuser,

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