1 Il prend donc le parti prudent de se faire remplacer par le Maire d'une petite Ville voisine de son Abbaye. Ce Maire est un homme qui joue l'important, et qui se trouve tout enorgueilli de l'honneur que lui fait l'Abbé. Il dresse un état fort ample et fort détaillé de toutes les cérémonies et de tous les frais du baptême, et il en fait monter la dépense à une très-grosse somme. Il présente cet érat à l'Abbé, qui réduit mesquinement la somme à vingt-sept livres dix sols. C'est sur ce mince fonds que GRESS!T a brodé ses dix Chants, dont plusieurs sont parfaits , et qui ont tous des débuts remplis de la plus belle et de la plus riche Poésie. On trouve dans tout le Poëme une critique fine et ingénieuse, beaucoup plus de gaieté que dans aucun des Ouvrages connus de GRESSET, des portraits de main de maître ; surtout, celui du. Parrain , celui du Maire son substitut, celui de la femme de ce Maire , et celui d'un laquais du Parrain. Enfin, à quelques longueurs près , qu'il seroit aisé de retrancher, cet ouvrage est digne des plus beaux jours de son charmant Au teur. GRESSET, dans sa retraite , n'avoit pas cessé de cultiver les Lettres; et, indépendamment des Poëmes dont nous venons de parler , chaque année le voyoit fournir quelques Épîtres , quelques Pieces fugitives, qu’on inséroit dans les Journaux et dans les Recueils annuels. Chaque année aussi il composoit pour l'Académie d'Amiens quelques Discours oratoires , sur des sujets importans ; et quand le sort le nommoit Directeur de l'Académie Françoise, il venoit en remplir les fonctions pendant son trimestre. Ce fut lui qui , en cette qualité, répondit, en 1754, 1755 et 1774, aux Discours de réception de Boissy, de d'Alembert et de M. Suard. A cette derniere époque de son Directorat, GRESSET commença à signaler moins son talent pour la peinture des mæurs de la Capitale ; talent que, jusques-là, on avoit si justement admiré dans la plupart de ses Ouvrages , et particuliérement dans sa Comédie du Méchant. Son long séjour dans la Province lui avoit fait perdre la trace des nuances si fugitives de nos révolutions de modes , dans les usages et même dans la langue. En répondant au Discours de M. Suard, P écrits, n'y ont jamais reçu la moindre atteinte. Sa réputation a, depuis long - tems, engagé l'Académie Françoise à le recevoir au nombre de ses Membres, et nous l'avons vu , avec satisfaction, nous offrir , en qualité de Directeur , les hommages de cette Académie , la premiere fois que nous avons bien voulu l'admettre à nous les présenter, à l'occasion de notre avénement à la Couronne. Nous savons, d'ailleurs, qu'il est issu d'une famille' honnête de notre ville d'A. miens ; que son ayeul et son pere y ont rempli differentes Charges Municipales , et qu'ils y ont toujours, ainsi que le sieur GRESSET , lui. même, vécu de cette maniere honorable qui , en rapprochant de la Noblesse , est, en quelque sorte , un degré pour y monter. A ces causes , &c. » Deux ans après cette époque, c'est-à-dire , fort peu de tems avant la mort de ĜRESSET , au commencement de 1777, le Roi le fit Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, et MONSIEUR le nomma Historiographe de l'Ordre de Saint-Lac 2are. Personne n'étoit plus digne que GRESSET de toutes ces faveurs, car il les reçut sans les avoir sollicitées ; et, si la mort n'étoit venu le ravir à tant d'honneurs, il auroit su en jouir sans remords, comme sans ostentation. Il faisoit tout le bien qu'il pouvoit faire. Il avoit consacré à des pauvres connus le produit entier d'une maison de campagne, appellé le Pinceau, qu'il possédoit à une demi-lieue d'Amiens, et où il alloit tous les jours, en été comme en hiver ; inais, après sa mort, on a découvert une multitude de nécessitcux qu'il avoit secourus, dans le plus grand secret , pendant une longue suite d'années, Aussi sa perte fut-elle regardée comme une calamité publique, dans la ville d'Amiens. Le Corps Municipal et l'Académie assisterent à ses obscques, en grand cortége ; et un anonyme composa pour ce Poëte aimable ce distique, qui lui convient si bien : Nunc lepidique sales lugent, vencresque pudicæ ; Sed prohibent mores , ingeniumque mori. On a prétendu que GRESSET avoit eu le dessein d'achever le charmant Conte des Quatre Facardins d'Hamilton, et même qu'il s'étoit occupé de cette entreprise ; mais il paroît qu'il n'est resté aucune trace de ce travail dans ses papiers. > Il existe entre les mains de ses parens un très-, grand nombre de ses Lettres manuscrites , et dont le Recueil seroit digue de figurer à côté de ses Ouvrages. Elles sont nous dit-on, pleines de gaieté, de finesse et d'esprit , sans affectation et sans recherche. C'est le modele du style épistolaire , le naturel le plus pur et l'enjouement le plus vrai , enveloppant toujours une saine morale et quelquefois une critique utile ; mais sans que l'on y voie d'humeur contre personne. Il ne fut jaloux d'aucun Auteur ; et, malgré les plaisanteries piquantes que Voltaire s'est permises contre lui, dans le Pauvre diable , à l'occasion de sa retraite à Amiens et de sa renonciation au genre dramatique, il n'a jamais cessé de rendre hommage aux talens de ce grand Ecrivain , et de lui donner des louanges toutes les fois qu'il en a eu l'occasion , soit dans la conversation, soit dans ses correspondances familieres. L'Académie d'Amiens , non contente d'avoir célébré elle-inême la mémoire de GRESSET, dans un Eloge public , Ouvrage de M. Baron, Secrétaire de cette Compagnie , a proposé encore pour sujet d'un de ses prix l'Eloge de > > |