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plus frivoles, cet homme si amoureux de lui-même, méprisera les avis des plus habiles Médecins, oubliera ce qu'une fâcheuse expérience lui a souvent appris, et risquera tout pour se satisfaire. Quelle étonnante contradiction! aimer passionnément sa santé, et se permettre ce qu'on sait lui devoir être pernicieux. Ainsi la passion est-elle dans les hommes plus forte que la raison elle les fait agir contre leurs véritables intérêts qu'ils connoissent. Fautil être surpris que la foi n'ait pas sur eux plus d'empire que la raison ?

Elle doit même naturellement en avoir beaucoup moins. Les biens et les maux de cette vie sont sensibles et en quelque sorte palpables. ils touchent plus vivement que des objets quoique mille fois plus intéressans, mais sur lesquels les sens et l'imagination n'ont aucune prise, tels que sont ceux qu'offre la Religion. Les maux dont elle menace sont extrêmes, les biens qu'elle promet sont immenses; mais ces biens et ces maux sont réservés pour une autre vie. Tel est l'homme : ce qu'il n'apperçoit que dans un lointain il le compte pour rien, en comparaison des joies et des douleurs présentes. Ce n'est pas l'importance de l'objet qui le détermine alors; c'est l'action de cet objet, d'autant

plus vive qu'elle est plus prochaine. Au contraire, sa sensibilité diminue à mesure que les biens et les maux s'éloignent de lui; et si cet éloignement se prolonge jusqu'après la mort, si les biens qu'on lui promet, si les maux dont on le menace sont invisibles; quoiqu'ils soient infinis, ils ne font sur lui qu'une légère impression. Que sera-ce, s'il ne s'occupe point de ces objets, si dignes de son attention ? Si toujours fugitif de lui-même, il n'a ni le loisir ni la volonté de méditer dans le silence de ses passions les grandes vérités du Christianisme; de bonne foi, quel effet veut-on que ces vérités, avec toute leur force et leur importance, produisent sur des hommes qui n'y pensent jamais Il faut de fréquentes et de profondes réflexions, pour les graver dans nos cœurs dont elles combattent tous les penchans les ames les plus vertueuses avec une attention continuelle à ces vérités, après toutes les victoires remportées sur ellesmêmes, ont encore mille peines à s'élever au-dessus des sens par ces sublimes vues et à en faire la règle de leur conduite. Que sera-ce de ceux qui les ont mises dans un parfait oubli? Leur incrédulité prétendue n'est donc autre chose qu'indifférence pour le salut éternel, oubli des vérités de l'Evans

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gile; et dans quelques-unes, haine contre la Religion qui les condamne, et ce qui en est une conséquence naturelle, desir qu'elle soit fausse.

C'est ce desir sacrilége, plus rare autrefois et devenu commun dans le siècle où nous sommes, qui enfante et fait lire avec tant d'avidité, tous ces ouvrages de ténèbres, ces pamphlets impies, méprisés par des lecteurs instruits, mais qui étonnent les simples et charment les libertins par leur audace ou par un faux étalage d'érudition et de philosophie. Mais, tandis que ses ennemis se déchaînent ouvertement contre la Religion, conviendroit-il à ceux qui l'aiment de garder un lâche silence? Plus la perversion est grande et s'accroît, plus il doivent s'efforcer d'en arrêter le cours et les progrès.

Un des meilleurs moyens pour cela peut-être, et des plus efficaces, c'est de dévoiler le mystère secret de l'incrédulité, et en remontant à la source, de faire voir que, généralement parlant, c'est dans la corruption du coeur qu'il faut l'aller chercher, sans attendre ni exiger des incrédules qu'ils en conviennent, ce qui seroit trop humiliant et trop mal-adroit; il suffira de les engager à rentrer en eux-mêmes et à y interroger leur propre conscience:

peut-être leur fera-t-elle rendre hommage à la vérité, par une espèce d'aveu bien glorieux pour elle. On prémunira du moins les foibles contre la force de la séduction, en leur inspirant une juste horreur pour une doctrine, qui ne doit presque toujours sa honteuse et coupable origine qu'à des passions souvent criminelles, comme le montre clairement l'estimable Auteur que nous avons cité. Cette discussion est trop importante et d'une trop grande utilité, pour que nous ne nous arrêtions pas un moment à l'examiner et à l'approfondir avec lui.

On peut d'abord poser comme un principe certain, qu'il y a dans les incrédules une double opposition à la Religion Chrétienne l'une qui regarde les dogmes, l'autre qui regarde la morale. Ils ne croient pas ce qu'elle leur enseigne comme des vérités révélées : ils ne pratiquent pas ce qu'elle prescrit comme des commandemens divins. Il s'agit de savoir laquelle de ces deux oppositions est la cause de l'autre. Ont-ils commencé par ne pas croire les dogmes, et ont-ils passé de là à ne pas vivre conformément aux règles du Christianisme ou bien ont-ils commencé par s'écarter de ces règles, et ont-ils été entraînés par cette démarche à nier la vérité

des dogmes? Je ne crains point d'avancer, qu'à parler en général, c'est l'opposition à la morale Chrétienne qui précède, et qui produit dans les incrédules l'opposition à la doctrine de Jésus-Christ. Développons l'esprit et le cœur de l'homme : confrontons l'un et l'autre avec la Religion Chrétienne. On verra ce qui a dû plus naturellement éloigner de cette Religion ceux qui l'ont d'abord crue, et qui ont ensuite cessé de la croire.

Il y a dans l'homme deux principes d'opposition au Christianisme. L'un est l'indocilité de son esprit, pour qui des mystères incompréhensibles sont des absurdités incroyables. L'autre est la dépravation de son cœur trop dominé par l'amour propre, trop attaché aux créatures, pour embrasser une loi, dont le premier commandement est d'aimer Dieu par dessus toutes choses, et de lui sacrifier, s'il le faut, ses penchans et ses passions les plus chères. C'est le cœur qui, plus rebelle et plus indomptable que l'esprit, a secoué le premier le joug du Christianisme. Si une foi spéculative avoit suffi, s'il n'eût fallu tirer des mystères révélés aucune conséquence pour les mœurs, si la loi ajoutée à ces mystères avoit été plus favorable aux passions et plus indulgente à nos desirs

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