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Aussi, bientôt les ténèbres de son esprit s'épaissirent, et sa foi s'éteignit. Elle avoua depuis, elle-même, qu'elle l'avoit tellement perdue, que lorsqu'on parloit des mystères de la Religion, elle avoit peine à retenir ces ris dédaigneux qu'excitent les personnes simples, à qui on voit croire des choses impossibles. C'eût été, ajoutoit-elle, pour moi le plus grand de tous les miracles, que de me faire fermement croire le Christianisme. Elle crut néanmoins, touchée des instructions d'un saint Abbé: elle soumit son esprit fier et indocile au joug de la foi. Ses mœurs qui avoient changé sa croyance, changèrent aussi avec elle. La lumière qui éclairoit son esprit, purifia son cœur. Elle mena toujours depuis la conduite la plus régulière, et consacra tout le reste de sa vie aux exercices de piété et aux bonnes œuvres,

On l'a dit souvent, parce qu'il est vrai la Religion ne peut s'allier avec une vie dissolue. Pour étouffer les remords de la conscience et vivre tranquillement dans le crime, on commence par douter des vérités les plus certaines, et l'on finit par ne rien croire. C'est presque toujours la voix secrète et honteuse des passions qui dicte les jugemens qu'on porte contre la Religion. Si elle ne proposoit que des mystères audessus de la raison, sans y ajouter des règles

et des maximes qui gênent, l'incrédulité seroit rare. Qu'on permette aux hommes de suivre tous les penchans de leur cœur ils consentiront sans peine à croire tout ce qu'on voudra. Mais les passions, qui ne sont propres qu'à nous jeter dans l'erreur, sont-elles donc des oracles qu'on doive écouter, et des guides qu'il faille suivre dans une chose si importante?

N'a-t-on pas droit aussi d'en conclure que le nombre des véritables incrédules est beaucoup plus petit, même aujourd'hui, qu'on ne le croit, et que les partisans de l'impiété n'aiment à le publier et à le faire croire, que pour avoir lieu de s'en autoriser et de s'en applaudir? car il ne faut pas regarder comme tels tous ceux qui souhaitent qu'une Religion, qui captive le cœur encore plus que l'esprit, soit fausse; tous ceux qui éloignent par une distraction continuelle des pensées importunes, qui se plaisent à former, à chercher des doutes, que, dans des momens d'ivresse, ils prennent pour des jugemens fixes et arrêtés. On ne peut disconvenir que cette sorte d'incrédulité ne soit trèscommune. Tous ceux qui veulent vivre au gré de leurs passions, sont incrédules en ce sens, ou en danger de le devenir.

Mais l'incrédulité réelle et véritable ne doit pas être seulement l'effet de la révolte

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d'un cœur irrité contre la loi qui le gêne, de l'agitation d'une conscience qui se reproche ses désordres et en appréhende la punition: elle doit venir de la persuasion d'un esprit qui connoît les preuves de la Religion et ne les trouve pas concluantes qui lui oppose des objections plus fortes que les preuves dont elle s'appuie, qui a examiné avec soin les différens systêmes, et s'en est choisi un où il croit appercevoir plus de vraisemblance et de solidité que dans le Christianisme. Voilà, dit un illustre et respectable Auteur (*), les véritables in

(*) M. Le Franc, Évêque du Puy, et depuis Archevêque de Vienne en Dauphiné, né à Montauban en 1714. Un esprit éclairé, dit M. Sabathier, une raison droite, une littérature étendue, une théologie lumineuse, un style pur, facile et souvent élégant, sont les principaux traits qui dominent dans ses ouvrages, dont la plupart ont pour objet la défense de la Religion contre les attaques des Incrédules. Celui qui a pour titre, l'Incrédulité convaincue par les Prophéties, est un des meilleurs livres qu'on ait faits en ce genre. On y trouve une logique pressante, et des raisonnemens aussi clairs que profonds, qui ne laissent rien à desirer au lecteur. Cet ouvrage est le plus sûr préservatif contre la séduction des écrits philosophiques, ainsi que son Instruction pastorale sur la prétendue philosophie des Incrédules modernes, la Religion vengée de l'incrédulité par l'incrédulité elle-même, Questions diverses sur l'incrédulité. C'est

crédules, et je ne nie pas qu'il ne puissey en avoir de cette espèce. Mais je soutiens que leur nombre est infiniment moindre qu'il ne paroît l'être, et que ne le publient ceux qui sont intéressés à l'exagérer.

Je retranche d'abord du nombre des vrais incrédules, ces ames oisives et voluptueuses, ces esprits volages et dissipés, qui de leur plaisir font leur plus importante ou plutôt leur unique occupation, qui ne lisent point ou ne lisent que pour s'amuser, qui n'ont de discernement et de pénétration que pour se procurer une vie commode et agréable, et non pour s'appliquer à des études sérieuses. Une personne de ce caractère (et le monde n'en est-il pas rempli?) a beau m'assurer qu'elle ne croit pas, et qu'elle ne demande pour croire que des motifs capables de la convaincre; je lui réponds qu'elle croit plus qu'elle ne feint ou qu'elle ne s'imagine de croire, et qu'elle a plus besoin d'être touchée que d'être convaincue.

ce dernier ouvrage que nous citons ici et que nous citerons encore plus d'une fois. On peut juger de importance de ces Questions par leur titre : Y a-t-il beaucoup de véritables Incrédules? Quelle est l'origine de l'incrédulité ? Les Incrédules sont - ils des esprits forts? L'incrédulité est-elle compatible avec la probité ? L'incrédulité est-elle pernicieuse à l'État?

Non;

Non, elle n'est pas véritablement incré dule: car pour mériter ce nom, il faut faire au moins un examen superficiel de la Religion, comparer les objections et les preuves,' poser des principes, en tirer des conséquences, et embrasser enfin un système d'incrédu lité. Cette personne est-elle capable de toutes cès démarches? A-t-elle considéré avec quelque attention les motifs qu'on peut apporter pour et contre le Christianisme? A-t-elle lu, je ne dis pas ces petites brochures qui la divertissent aux dépens d'une Religion qu'elle n'aime point, mais quelques-uns des ou vrages dogmatiques, où une matière si importante est traitée avec le sérieux qu'elle mérite? C'est en demander trop à une per sonne ennemie de toute espèce d'application, esclave de ses plaisirs, emportée par le tourbillon du monde. Si elle secoue le joug de la Religion Chrétienne, c'est uniquement parce qu'il est trop dur et trop pesant pour elle. La foi dont le sceau lui a été imprimé dans le Baptême, que l'édu cation a développée et affermie dans son cœur, y demeure malgré elle. Pour rendre à sa foi son activité, pour faire cesser tous ses doutes, il n'est pas nécessaire de la convaincre par de nouvelles démonstrations qu'elle eût ignorées jusqu'alors. Que Dieu la dégoûte du monde et de ses biens fri Tome III.

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