Page images
PDF
EPUB

sance; les secondes vulgarisèrent leurs découvertes, et l'on en vit sortir les applications qu'on rapporte en général au quinzième siècle, et dont il fut illustré, quoiqu'elles fussent bien antérieures à cette époque, telles que la boussole et les verres grossissans, qui datent du treizième; la poudre à canon, l'imprimerie, la découverte du Cap de Bonne-Espérance et de l'Amérique, etc.

En France, les deux époques sont encore plus tranchées peutêtre, parce que leurs différences sont indiquées par des faits moins généraux. La première époque vit s'opérer la révolution des communes, et disparaître le servage; dans la seconde, toutes les individualités seigneuriales furent confisquées au profit de l'unité monarchique. Enfin les deux époques furent séparées par un siècle de désordres effroyables, au milieu duquel naquit, comme intérêt du pouvoir royal, l'évidente nécessité de renverser toutes les seigneuries indépendantes qui occupaient le sol français. Nous allons parcourir rapidement l'histoire de ces deux époques dans les deux chapitres suivans.

CHAPITRE II.

HISTOIRE DE FRANCE DU ONZIÈME AU QUINZIÈME SIÈCLE.

1

Au fur et à mesure que nous approchons des temps modernes, les événemens se pressent et se multiplient, et cette complication rend plus nécessaire, à la clarté de notre exposition, l'emploi des divisions. Nous partagerons donc la matière de ce chapitre en trois sections artificielles; car, il n'en est point ici comme dans quelques chapitres précédens, où le sujet présentait des successions de temps nettement différenciées. Dans cette période première de la troisième race, toutes choses sont continues, si

T. I.

7

1

multanées et croissantes; tout au plus, peut-on apercevoir, vers le quinzième siècle, l'occasion d'une de ces divisions naturelles que nous avons si souvent rencontrées précédemment. Dans une première section, nous nous occuperons de la constitution de la monarchie capétienne, et, à cette occasion, nous nommerons ses premiers représentans; dans une seconde 'section, nous nous occuperons de la révolution des communes et de l'abolition du servage, et nous citerons les Rois dont les noms présidèrent particulièrement à ces grands changemens; enfin, dans une troisième section, nous exposerons l'histoire de la révolte générale des feudataires de la couronne de France contre l'unité, des seigneurs contre le Roi.

I. Hugues Capet, en montant sur le trône, apporta à la couronne une force réelle. Il ajouta d'abord au domaine royal qui était réduit à la possession de la ville de Laon, le duché de France qui se composait des comtés de Paris et d'Orléans. En outre, il était l'élu des principaux seigneurs français, et, en recueillant leur serment de vassalité, il s'acquit le dévoûment et le concours de toute la puissance militaire dont ils disposaient. Ainsi, dès le premier jour de son installation, le nouveau Roi se trouva le représentant d'une puissance déjà redoutable.

En effet, conformément au capitulaire de Charles-le-Chauve, de 877, que nous avons cité, chaque commandant de cité, de bourg ou de province, avait converti son fief, son bénéfice ou sa fonction en propriété, et l'avait transmis à titre de possession héréditaire. Dans les cités où il y avait des Comtes, le Comte s'était approprié le gouvernement de la cité et les droits qui y étaient attachés, et en avait fait un apanage de famille. Dans les cités où il n'y avait que des Évêques, ceux-ci avaient joué le rôle des Comtes; ils avaient mis l'évêché à la place de la famille. Quelquefois il arriva que le Comte et l'Évêque se partagèrent la ville. Or, en quoi consistaient les bénéfices de cette possession? Ils se composaient du cens ou des tailles payés par les citoyens ; de l'avantage de commander les bourgs militaires qui étaient situés sur le terri

toire de la cité, ou les soldats bénéficiaires qui habitaient dans son propre sein; enfin du droit de tenir des plaids, de réglementer et de rendre la justice : c'était donc une véritable souveraineté. Aussi le désir de la conserver comme possession de famille fit-il que plusieurs Évêques vinrent à se marier, crimes que les foudres de l'Église eurent même quelque peine à réprimer. Les seigneurs des bourgs militaires imitèrent leurs Comtes, les abbés et les curés leurs Évêques; en sorte que le commandement des soldats casati, et le gouvernement des villages élevés sur les terres des églises et des abbayes, devinrent des propriétés attachées aux familles, aux églises ou aux abbayes. Ainsi, lorsque Hugues montà sur le trône, il se trouva que la société était une vaste hiérarchie de propriétaires, qui comprenait, en s'élargissant, depuis. le plus grand jusqu'au plus petit, et réalisait un système complet de conservation, fondé sur l'intérêt et la subordination des possesseurs de fiefs.

De ce que les fiefs étaient devenus des propriétés, il en résulta qu'ils purent être vendus et achetés, aliénés de toute manière, partagés entre héritiers, qu'ils purent même appartenir à des femmes, ainsi que l'on en a quelques exemples. Il en résulta encore que la privation du fief, quel qu'en fut le motif, lorsqu'elle avait lieu comme tradition des usages suivis sous les deux premières races, fut une véritable confiscation. Ainsi la terre qui, jusqu'à ce jour, n'avait été qu'un apanage, tendait à devenir marchandise, et le droit de confiscation se trouva établi.

[ocr errors]

L'hérédité par ordre de primogéniture n'était pas encore en usage. Le possesseur disposait souverainement de son fief, et le transmettait selon son bon plaisir. Le droit d'aînesse s'établit plus tard, à l'imitation de la loi adoptée dans la succession royale.

Ce fut, en effet, sous la race des Capet que fut fondé le principe de l'hérédité de la couronne, non seulement de mâle en mâle, comme dans les siècles précédens, mais encore par ordre de primogéniture. Cet usage nouveau fut établi évidemment avec le sentiment de sa future utilité aux intérêts du pays. On voulu!

par-là mettre un terme aux guerres de succession qui avaient ruiné la fortune de la France et celle des dynasties antérieures. Pour la première fois, le sentiment de famille fut sacrifié au sentiment public, et ce ne fut pas cependant sans peine que cette institution devint loi de l'État. Il fallut que Hugues Capet associat à la couronne Robert son premier fils, et que celui-ci à son tour s'associât Henri, l'aîné de ses enfans. Encore il arriva à celui-ci que la royauté lui fut disputée, et que le partage lui fut demandé au nom d'un de ses frères. Il est vrai que ce fut sans succès, et que ce fut aussi la dernière fois que l'on voulut appliquer à la succession de la couronne les usages admis pour l'hérédité des propriétés particulières.

L'établissement du droit d'aînesse fut la source de grands avantages pour la France, et contribua puissamment à l'édification de l'unité. Hugues Capet, au reste, porta la même intelligence de conservation dans tous ses actes: ainsi, lorsqu'il adopta Paris pour capitale, il n'est pas douteux que ce fut par calcul. En effet, cette cité avait alors une grande importance, autant par sa situation, comme position militaire, que par sa nombreuse et riche population. Comme position militaire, elle commandait tout le cours de la Seine et de la Marne, c'est-à-dire deux grandes voies de communication qui unissaient de vastes provinces; elle était le point central de tout le territoire de la vieille France, de celui qui était situé entre la Meuse et la Loire.Sa population s'était accrue, non pastant encore par le commerce qu'elle entretenait à l'aide des rivières sur lesquelles elle était assise, que par le concours de tous ceux qui étaient venus se réfugier dans l'asyle imprenable qu'elle leur offrait pendant les troubles du dixième siècle. Il fallait que le nombre de ses citoyens fût considérable, puisqu'ils suffirent à former, presqu'à eux seuls, un corps d'armée assez puissant pour repousser une invasion faite par Othon II, en 978, à la tête de ses Allemands, et pour le forcer à une retraite qui lui fut fatale. Paris, d'ailleurs, devait jouir d'une grande renommée et, par suite, d'une grande influence sur l'opinion du peuple des cités. Elle avait noblement repoussé toutes les attaques des ennemis du

pays, depuis celle des Huns, au cinquième siècle, jusqu'à celle des Normands; elle avait conservé intactes toutes ses anciennes immunités; enfin, elle était le théâtre et l'origine de la gloire de la nouvelle famille royale. Aussi Hugues Capet ne la choisit pas seulement comme le lieu de son séjour personnel; íl en fit la capitale du royaume, èn transmettant à ses enfans l'attachement calculé qu'il lui portait. Ce fut même en partie pour avoir été infidèle à cette tradition de famille qu'arrivèrent les malheurs qui signalèrent le règne de Charles VI dans le commencement du quinzième siècle.

Hugues Capet mourut en 996, laissant Robert, son fils aîné, Roi de France. Robert mourut en 1031, laissant aussi Henri Ier, son fils aîné, roi de France. A Henri succéda Philippe Ier, en 1060, et à Philippe, Louis-le-Gros, en 1108. A cette dernière époque, les provinces qui appartenaient à la couronne se composaient de l'île de France, d'une partie de la Picardie, du Soissonnais, du Sénonnois, de l'Orléanais, du Maine, du Berri, du Limousin, du Forez et du Béarn; c'est-à-dire que le domaine royal n'était guère plus étendu qu'à la mort du chef de la troisième race.

Quant à l'étendue de la communauté féodale qui, sous le nom de France, formait un seul État uni par les devoirs du vasselage, il comprenait tout ce qui est enfermé entre les Pyrénées, la Méditerranée, l'Océan et les Alpes, jusqu'aux cours du Doubs et de la Meuse.

Ces princes, en effet, et surtout les trois premiers, ne firent point de guerres considérables. Ils s'occupèrent presque uniquement d'affermir les lois de la vassalité, et d'apaiser les que-. relles qui armaient les grands feudataires les uns contre les autres. L'Église se réunit aux Rois dans ce but. Aux Conciles de Bourges et de Limoges, en 1031, les guerres privées furent défendues sous peine d'excommunication. Le réglement de cette pacification, qui fut connu sous le nom de trève de Dieu, fut arrêté en Concile, en 1044. Aussi la France rentra dans les voies de la prospérité, et se trouva assez riche et assez peuplée

« PreviousContinue »