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tant, comme par le passé, dans toutes les caisses générales et particulières, à Paris seulemeut.

>Fait défenses sa majesté à tous porteurs de faire aucune poursuite jusqu'au 1er janvier prochain, pour le paiement en espèces desdits billets. Fait pareillement défense à tous notaires ou huissiers de faire aucuns protêts ou d'autres poursuites jusqu'au 1er janvier prochain, pour raison des lettres de change ou billets, dont le paiement aura été réellement offert en billets de la caisse d'escompte sa majesté se réservant, et à son conseil, la connaissance de toutes poursuites et contestations concernant l'exécution du présent arrêt, et icelles interdisant à toutes ses cours et autres juges.

» Idem, en faveur de la caisse d'escompte.

>Sa majesté se proposant de donner de nouvelles marques de sa protection à un établissement que l'exactitude et l'utilité de ses services lui ont rendu recommandable; le roi interprétant en tant que de besoin l'article V de l'arrêt rendu en icelui le 16 du présent mois, a déclaré et déclare n'avoir entendu comprendre dans les dispositions dudit article, les intérêts du dépôt de soixante-dix millions remis au trésor royal par la caisse d'escompte, en exécution de l'arrêt du 18 février 1787; ordonne que lesdits intérêts continueront d'être payés comme par le passé, en deniers comptans pour la totalité, sans que, pour quelque prétexte que ce soit, aucuns billets du trésor royal puissent entrer dans l'acquittement desdits intérêts, non plus que du capital, le cas de la remise dudit dépôt arrrivant. »

Ces deux opérations furent l'origine de la crise affreuse que la mauvaise récolte des blés compliquait par avance des plus sinistres présages. Le 25 août 1788, de Brienne fut renvoyé, emportant pour près de huit cent mille livres de pensions et de bénéfices. Deux jours après, Lamoignon remit les sceaux au roi, et les parlemens, qui vaquaient depuis cinq mois, rentrérent aussitôt en fonctions.

Le départ de ces deux ministres fit éclater à Paris la joie la plus vive on demanda au lieutenant de police la permission de

s'amuser, et la foule, réunie à la place Dauphine, promena dans les rues un mannequin vêtu d'une robe d'évêque, dont trois cinquièmes étaient de satin, et les deux autres de papier, en dérision de l'édit du 16 août. Il fut jugé et condamné au feu; on arrêta un ecclésiastique qui passait, on le surnomma l'abbé de Vermont, et on le contraignit de confesser le mannequin, lequel fut ensuite brûlé en grande cérémonie.

Le lendemain le peuple voulut recommencer : Dubois, commandant du guet, s'y opposa, et provoqua par une charge au sabre et à la baïonnette, la plus furieuse émeute qu'on eût encore vue. A l'aspect des morts et des blessés, le peuple, quoique sans armes, mit en fuite le guet; le corps-de-garde du PontNeuf fut forcé, les soldats dépouillés et leurs vêtemens brûlés. On se répandit dans la ville, incendiant les corps-de-garde isolés, et, à la nuit, l'émeute se porta à la place de Grève, où elle fut accueillie par les décharges redoublées des troupes qu'on y avait postées. Pendant la nuit, les cadavres furent jetés à la Seine. Au jour, le calme régnait à Paris.

La retraite de Lamoignon donna lieu aux mêmes scènes : on le brûla comme l'archevêque, après avoir ordonné qu'il serait sursis quarante jours à son exécution, par allusion à son ordonnance sur la jurisprudence criminelle. Des brigands, dit-on, et des hommes soudoyés par les ennemis personnels des ex-ministres, se mêlèrent à la foule et l'excitèrent à la vengeance. On partit de la place Dauphine pour aller mettre le feu à leurs hôtels et à la maison de Dubois. Les troupes accoururent, et la rue SaintDominique, ainsi que la rue Meslée, furent inondées de sang. Sur la dénonciation de ces assassinats, le parlement manda le chef du guet, et le major qui comparut en son nom montra des ordres supérieurs. Quant à Dubois, sa sûreté personnelle l'obligea de quitter Paris.

Necker avait repris les finances. Il fit rapporter, par arrêt du 14 septembre, l'ordonnance du 16 août, et s'occupa sans relâche de la grande question des États-généraux. Le 8 août, le roi en avait fixé la convocation au 1er mai 1789; une déclaration du 23

septembre en ordonna l'assemblée pour le mois de janvier. Le parlement prétendait qu'ils devaient avoir lieu en la forme de 1614, et cette demande livrait décidément le motif honteux de sa conduite, laquelle nous paraît exactement caractérisée dans cet extrait d'un pamphlet de l'époque.

CATÉCHISME DES PARLEMENS : 1788.

D. Qu'êtes-vous de votre nature?

R. Nous sommes des officiers du roi, chargés de rendre justice à ses peuples.

D. Qu'aspirez-vous à devenir?

R. Les législateurs, et par conséquent les maîtres de l'État. D. Comment pourriez-vous en devenir les maîtres?

R. Parce qu'ayant le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, il n'y aura rien qui puisse nous résister.

D. Comment vous y prendrez-vous pour en venir là?

R. Nous aurons une conduite diverse avec le roi, le clergé, la noblesse et le peuple.

D. Comment vous conduirez-vous d'abord avec le roi?

R. Nous tâcherons de lui ôter la confiance de la nation, en nous opposant à toutes ses volontés, en persuadant aux peuples que nous sommes leurs défenseurs, et que c'est pour le bien que nous refusons d'enregistrer les impôts.

D. Le peuple ne verra-t-il pas que vous ne vous êtes refusés aux impôts, que parce qu'il vous les aurait fallu payer vous-mêmes?

R. Non, parce que nous lui ferons prendre le change, en disant qu'il n'y a que la nation qui puisse consentir les impôts, et nous demanderons les États-Généraux.

D. Si, malheureusement pour vous, le roi vous prend au mot, et que les États-Généraux soient convoqués, comment vous en tirerez-vous?

R. Nous chicanerons sur la forme, et nous demanderons la forme de 1614.

D. Pourquoi cela?

R. Parce que, selon cette forme, le tiers-état sera représenté par des gens de loi; ce qui nous donnera la prépondérance.

D. Mais les gens de loi vous haïssent?

R. S'ils nous haïssent, ils nous craignent, et nous les ferons plier à nos volontés, etc., etc., etc.

La forme à suivre pour la composition des États-généraux fut soumise à une seconde assemblée des notables, réunie à Versailles, le 3 de décembre. Malgré la censure, une foule d'ouvrages plus ou moins démocratiques, plus ou moins inspirés du sentiment et de la science des intérêts nouveaux, avaient profondément creusé cette matière. Le Moniteur, journal périodique attribué à Condorcet, Brissot et Clavière, paraissait secrètement dès 1788; Antonnelle, depuis conventionnel, venait de publier son Catéchisme du tiers-état; les écrits de Mirabeau, de Target, de Thouret et de beaucoup d'autres, étaient dans toutes les mains. Les assemblées libres qui s'étaient déjà tenues dans plusieurs provinces, réclamaient, par une foule d'adresses et de supplications, le vote par tête, le doublement de la représentation du tiers-état et la liberté illimitée des élections. Les notables se séparèrent, laissant indécises les questions auxquelles le gouvernement attachait le plus d'importance. Ces questions étaient :

1o Faut-il que le nombre des députés aux États-généraux soit le même pour tous les bailliages indistinctement, ou ce nombre doit-il être différent selon l'étendue de la population?

2o Faut-il que le nombre des députés du tiers-état soit égal à celui des deux autres ordres réunis, ou ce nombre ne doit-il composer que la troisième partie de l'assemblée?

Après le rapport du ministre des finances, ce qui concernait les députés fut ainsi résolu par arrêt du Conseil :

« Les députés aux prochains États-généraux seront au moins

au nombre de mille.

Ce nombre sera formé, autant qu'il sera possible, en raison composée de la population et des contributions de chaque bailliage.

› Le nombre des députés du tiers-état sera égal à celui des

deux autres ordres réunis, et cette proportion sera établie par les lettres de convocation.»

Il était évident que les divers intérêts particuliers qui divisaient la France, la royauté, la noblesse, le clergé, forcés d'admettre aux bénéfices de l'égoïsme l'intérêt colossal du tiers-état, s'arrangeaient de manière à particulariser cet intérêt autant que possible. Le système électoral fut conçu dans cet esprit. Il est facile de prévoir à la lecture des articles qui concernent l'élection du tiers-état, dans le réglement général, qu'elle ne produirait qu'une représentation étrangère aux besoins généraux, et que par suite, elle ne prendrait pas la révolution à son sommet.

Nous terminerons cet aperçu des causes qui la préparèrent, par la citation du Mémoire présenté au roi par les princes, mémoire dans lequel sont rejetées toutes les vues libérales de l'assemblée des notables, et par celle du réglement de convocation des États-généraux.

MÉMOIRE PRÉSENTÉ AU ROI PAR MONSEIGNEUR COMTE D'ARTOIS, M. LE PRINCE DE CONDÉ, M. LE DUC DE BOURBON, M. LE DUC D'ENGHIEN ET M. LE PRINCE DE CONTI.

Lorsque votre majesté a défendu aux notables de s'occuper du mémoire que leur avait remis M. le prince de Conti, votre majesté a déclaré aux princes de son sang que, quand ils voudraient lui dire ce qui peut être utile au bien de son service et de l'Etat, ils pouvaient s'adresser à elle.

› Le comte d'Artois, le prince de Condé, le duc de Bourbon, le duc d'Enghien et le prince de Conti croient de leur devoir de répondre à cette invitation de votre majesté.

› C'est, en effet, aux princes de votre sang qui, par leur rang, sont les premiers de vos sujets; par leur état, vos conseillers nés; par leurs droits, intéressés à défendre les vôtres: c'est à eux surtout qu'il appartient de vous dire la vérité, et ils croient vous devoir également le compte de leurs sentimens et de leurs pensées,

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