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L'arrivage de ce jour est le second de la saison, qui durera jusqu'au milieu d'octobre. Nous ne devons plus nous étonner maintenant que les sauterelles, les criquets pullulent à l'envi.

29. Vent N.-E. Beau temps; les Bergeronnettes grises passent en abondance.

30. Toujours beau temps, chaud. La maturité des raisins. marche à souhait. Vent N. E. Les passages de Becs-Fins continuent. Les Rouges-Gorges chantent à gorge déployée.

REFLEXIONS

C'est en plein cœur d'un hiver rigoureux, rare, que l'année dernière nous avons arrêté, au 31 décembre 1890, la relation de nos observations sur les passages d'oiseaux.

C'est au milieu d'un va-el-vient continuel de palmipèdes et d'échassiers que les chasseurs et les amateurs de Sauvagine ont pu garnir leur garde-manger, et les musées enrichir leurs collections.

Partout accueillie à coups de fusil, incessamment pourchassée, la gent emplumée voyageuse, s'est montrée d'une abondance exceptionnelle, aussi, a-t-elle laissé de nombreux témoignages de sa présence parmi nous.

C'est qu'en effet, l'hiver 1890-91 peut être au point de vue ornithologique, le seul dont nous nous occupions en ce moment, considéré comme exceptionnel.

Oiseaux nageurs de toutes sortes, canards, sarcelles, fuligules, harles, plongeons et grèbes, oies et cygnes, goëlands et sternes, que nous avions observés en décembre ont continué en compagnie d'échassiers, de coureurs, à séjourner dans nos contrées pendant le mois de janvier et même au delà.

Leur séjour dans notre région était nécessité par l'impossibilité dans laquelle se trouvaient ces voyageurs, de rentrer dans leurs pays d'origine, où les glaces et les neiges leur cachaient toute nourriture.

A la moindre élévation de température tout le convoi de cette gent emplumée se mettait en marche vers le nord, avec autant de promptitude qu'elle en mettait à regagner le midi à la moindre reprise du froid.

Après avoir assisté à ces départs, à ces tentatives de retour, il était facile de présager une nouvelle reprise des gelées, en voyant ces oiseaux revenir.

Aussi, dès les premiers jours de janvier, le dégel ne continue-t-il pas, et le thermomètre descend de nouveau avec accompagnement de neige.

C'est à cette époque, le 4, que trois Hibous Brachyotes sont tués sur le territoire de Ligny-le-Châtel.

Le Brachyote ne peut être assurément considéré comme un oiseau rare. Ce qui constitue un fait exceptionnel, c'est la présence de ce nocturne dans nos pays dans cette saison, en pleine rigueur d'un froid qui lui-même était tout à fait anormal. - Cette apparition en troupe, dans les départements du centre de la France, est si rare, si anormale, que nous ne l'avons trouvée mentionnée nulle part.

Degland et tous les auteurs que nous connaissons se bornent à dire et à reconnaître que cet oiseau est assez abondant en France au moment de ses migrations d'automne, dans le courant des mois de septembre et d'octobre, mois pendant lesquels il est assez répandu partout; c'est dans les luzernes que les chasseurs le rencontrent le plus souvent; mais en plein hiver, après des froids comme ceux de décembre dernier, ce fait anormal doit être signalé.

Ce Hibou Brachyote, vulgairement Hibou à courtes oreilles est répandu sur toute la surface de la terre, la nouvelle Hollande exceptée. C'est sur le sol qu'il habite, ne le quittant que pour entreprendre des voyages incroyables, à l'automne, et c'est alors que nous le rencontrons dans les champs, les prairies artificielles, les buissons, toujours isolément, jamais en bande, comme il vient de se montrer; faisant sa principale nourriture des taupes, des grenouilles, de grands insectes, rats, souris, mulots, rarement de petits oiseaux, il est, en somme, un oiseau utile qui doit être respecté par le chasseur.

Certains naturalistes prétendent qu'il niche sous terre (Islande), dans les trous, les nids abandonnés le plus souvent, et sur le gravier, sur la terre, fait peu connu. La nidification sous terre a été observée par le capitaine anglais Neely en Islande; s'emparant des terriers des lapins dans lesquels il semble vivre, il y rentre lorsqu'une cause d'inquiétude survient. (Constatation du capitaine Portloch).

D'un autre côté, le docteur Allain Labouyste, suivant M. O. des Murs dit : « Dans les rochers d'Orléansville, on rencontre cette espèce de Chouette qui vit en compagnie dans les terriers. Pendant le jour, on en trouve quelquefois qui sont groupés autour de leur habitation; mais ils disparaissent immédiatement sous terre à l'approche du danger ».

Mais le fait de la migration en troupe n'avait jamais été signalé dans aucun ouvrage avant ces observations qui sont pleines d'intérêt, intérêt qui eût été plus grand encore, si la personne qui

a été chargée de préparer ces oiseaux avait eu le soin d'ouvrir leur estomac pour en constater le contenu.

Pendant toute la première quinzaine du mois de janvier, le froid continue, la terre est gelée profondément, aussi les Corbeaux Freux qui sont tués en grandes quantités pendant ces jours à température sibérienne ont-ils la base du bec garnie de plumes, la teinte blanche des petites écailles, pellicules épidermiques, que l'on y voit d'ordinaire ayant disparu, remplacée par la couleur noire des plumes qui commencent à pousser à leur place.

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Cette observation de changement de teinte de la base du bec des Freux vient à l'appui de celle qui a été faite, à savoir que cette couleur blanche doit être attribuée simplement à l'usure des plumes qui la garnissent, usure devenue nulle par suite de la résistance de la terre durcie par la gelée, de l'impossibilité dans laquelle se trouvent ces corvidés d'y faire pénétrer leur bec à la recherche des grains de blé ou d'autres. — Aussi tous ces oiseaux sur lesquels quelques chasseurs tirent dans l'espérance de garnir leur pot-au-feu, sont-ils d'une maigreur telle qu'ils pourraient être considérés comme un mets canonique.

C'est dans ce mois qu'il nous a été donné d'observer un fait qui n'a qu'un rapport très éloigné avec l'ornithologie, c'est l'arrêt pendant plusieurs jours de toute circulation en voitures sur nos chemins déblaviers ou ruraux. Cet arrêt de la circulation dans la campagne autrement qu'à pied, dure depuis le 25 novembre, jour où les froids ont commencé, le 3 décembre suivant la neige tombait abondante, et depuis elle couvre la terre.

Sans la précaution prise par la voirie (ce dont il faut la féliciter), de faire passer le traineau chasse-neige qui, sur les grandes routes, pratiquait une large brèche donnant passage aux voitures, le même arrêt de circulation se serait produit.

La fonte de la neige refoulée sur les bords de cette brèche a constitué un parement de glace qui dure depuis plus d'un mois, et sur lequel il n'est pas prudent de s'aventurer sans prendre de grandes précautions, nécessitées par sa double déclivité.

C'est la fonte de neige qui a rendu nos chemins déblaviers impraticables depuis le même temps. Dans ce mois nous avons vu des gens rentrant du bois à la brouette, les voitures ne pouvant accéder aux ventes pour le charroi de ce combustible, — et, c'est sur un parcours de trois kilomètres au moins qu'il fallait pousser cette brouette.

N'oublions pas de rappeler ici le braconnage effréné qui s'est pratiqué pendant toutes ces neiges, les colleteurs et les affùteurs s'en sont donné, vous pouvez le croire, honnêtes chasseurs,

!

nos frères, et tout cela, la plupart du temps sous le fallacieux prétexte d'aller à l'affût aux Canards. Il est si agréable de porter un fusil et de courir sus aux oies sauvages qui n'ont pas quitté notre vallée pendant tout ce mois de froidure dont la terminaison ne parait pas prochaine.

Revenons un instant aux colleteurs dont la nouvelle manière de procéder diffère de celle des anciens. Ces derniers se contentaient de placer dans le lieu qu'ils avaient choisi, vingt, trente collets, mais leurs descendants procèdent actuellement d'une façon beaucoup plus large, ces Messieurs aussi veulent faire grand, et c'est par pose de cent cinquante, deux cents, trois cents collets et plus qu'ils agissent.

Et nunc erudimini, vous tous qui devez avoir souci de la conservation de notre gibier français !

Avec la continuation du froid, les Cygnes sauvages se montrent dans notre vallée, quelques grandes Outardes ont été vues et tuées.

Depuis l'hiver 1829-1830 la présence des Cygnes n'avait pas été observée, même pendant celui de 1879-80.

Moins heureux que les chasseurs de la vallée de l'Yonne, ceux de la vallée du Serein n'ont pu atteindre ce beau gibier.

Le genre Cygne est constitué par trois espèces qui toutes habitent les régions les plus froides de l'Europe. Ce sont le Cygne sauvage (Cygnus ferus), le Cygne de Bewick (Cygnus minor), et enfin le Cygne domestique (Cygnus mansuetus).

Bien que monogames, ils vivent en troupe une partie de l'année, et d'habitudes essentiellement aquatiques, ils préfèrent les embouchures des grands fleuves, les lacs salés à l'intérieur des terres. Herbivores à l'ordinaire, ils ne dédaignent pas les poissons, ils en sont même friands, et grâce à leur long cou il ne leur est pas difficile de les atteindre sous l'eau; aussi, croyons nous que malgré la beauté de leur plumage, la majesté de leur port, de leur nage, doit-on les proscrire de tout étang, de toute pièce d'eau où l'on veut avoir du poisson.

Une seule espèce a été tuée dans nos pays, le Cygne sauvage ordinaire, du moins c'est le seul dont il nous ait été donné de voir la dépouille.

Il est une observation qu'il est bon de rappeler au sujet des deux premières espèces de ces oiseaux. C'est que chez elles le sternum est creux et présente une cavité dans laquelle se loge la trachée-artère qui se contourne en une double circonvolution avant de se rendre dans le poumon.

Cette particularité ne s'observe pas chez le Cygne domestique.

La Grande Outarde, dite encore Outarde barbue, à cause d'une touffe de plumes à barbes effilées, longues et déliées qu'elle porte de chaque côté et un peu au-dessous de la mandibule inférieure a été autrefois assez commune en France, particulièrement dans la Champagne pouilleuse; mais maintenant pour l'Europe, c'est en Russie, en Moldavie, en Valachie, et quelques autres pays comme la Hongrie, qu'elle se rencontre habituellement. C'est un oiseau voyageur, mais à migrations irrégulières et difficiles à déterminer. Ce que l'on doit remarquer et noter tout particulièrement, c'est que fréquentant les plaines arides, sèches, les plateaux pour ainsi dire incultes dans ses pays d'habitat ordinaire, c'est dans les plaines basses, aux bords des rivières, des fleuves, des canaux, qu'il se montre chez nous.

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La température est devenue cruelle pour les pigeons ramiers qui meurent de faim et de froid. - En hiver ordinaire, ces pauvres oiseaux ont pour satisfaire leur appétit, les colzas, les choux, les navettes; mais aujourd'hui rien de tout cela; tout leur manque. A l'examen des organes digestifs de l'un d'eux, mort de froid dans notre jardin, nous trouvons le jabot et les premières voies gorgées de bile qui débordait du reste à la commissure des deux mandibules. Chez tous les oiseaux morts de cette façon, nous avons toujours coustaté la présence dans ces organes d'une grande quantité de bile et de mucosités.

Chez le Pic-Vert, notamment, ces dernières provenant des glandes salivaires ont une consistance très épaisse, gluante.

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Comme les autres chasseurs, nous avons couru les oies, nous les avons attendues à l'affût, et un beau soir, au pied d'un peuplier, à deux kilomètres de notre habitation, nous espérions tirer un ou plusieurs voliers d'oies ou de canards, depuis longtemps déjà notre faction était commencée, la nuit arrivait, et c'était la seule chose que nous ayons vue venir. Cependant trois ou quatre Chouettes Chevèche se réveillent et commencent à s'approcher de notre poste d'observation; alors, pour nous distraire, nous cherchons à imiter le cri du mâle, - excellente idée, car bientôt notre solitude est charmée par plusieurs de ces oiseaux qui, à notre appel accourent au dessus de notre tête. Une petite conversation s'engage entre nous, laquelle aurait pu durer longtemps malgré la nuit close, si à un moment, une demidouzaine de pies tombant sur les chouettes n'étaient venues interrompre quelque peu nos épanchements; il nous a suffi de nous montrer pour amener la fuite de ces importuns.

Jusqu'à ce jour nous ignorions que l'on pùt faire venir ces strigidés à l'appel aussi bien que le Scops. - Comme lui, ces oiseaux

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