Page images
PDF
EPUB

tribunal que dans le langage allemand de Luckner, marcher sur Paris, c'était dire venir à Paris et rien de plus.

L'un des jurés observe que les faits sont trop connus, pour que l'accusé cherche à les déguiser; que d'après les preuves acquises il n'est pas plus permis de douter de la trahison de Lucket de sa coalition avec nos ennemis intérieurs et extérieurs, que de celle de La Fayette et de Dumourier, qui se sont dépouillés du masque imposteur dont ils s'étaient couverts, se sont annoncés comme des Coriolan, sans en avoir les funestes talens.

ner,

» Le président à l'accusé. Lors de votre abdication des fonctions épiscopales, comment vous êtes-vous comporté; et ne vouliez-vous pas exciter la guerre civile, faire en France une nouvelle Vendée?

» R. Ma démarche a été commandée par les circonstances: c'était le 27 frimaire, époque du vœu réuni des quarante-huit sections, pour la clôture des églises; Clootz et Pereyra vinrent me trouver à onze heures du soir; j'étais couché et même déjà livré au sommeil. On m'annonce des fonctionnaires publics, qui ont des choses importantes à me communiquer, je me lève, je les reçois; ils me disent que c'est le moment de se sacrifier pour la chose publique, qu'ils viennent me demander ma démission du poste d'évêque. Invité d'abjurer mon ministère, je réponds que je ne connais pas d'erreur dans ma religion, que je n'en ai point à abjurer, et que je m'y tiendrai collé. Mais, me réplique-t-on, il ne s'agit pas de discuter si vos principes religieux sont ou non fondes, il est seulement question de cesser vos fonctions; en ce cas, j'adhère volontiers à votre demande; le peuple m'a demandé, le peuple me renvoie, c'est le sort du domestique aux ordres de son maître. Je demandecependant à ceux qui viennent solliciter ma démission, le temps de consulter le conseil épiscopal, et je promets de faire ce qu'il décidera à la majorité. Conformément à la réponse de ce conseil, composé de dix-sept votans, dont quatorze pour l'affirmative, contre trois opinans d'une manière négative, je me présenté au département, j'y trouve les commissaires Momoro et Chaumette, et des envoyés de la Nièvre, et après un discours de

Momoro qui présidait la députation et portait pour elle la parole, discours auquel je répondis par un autre, explicatif de mes opinions et des motifs qui me faisaient agir, je donnai ma démission et remis mes lettres de prêtrise.

› Le président à l'accusé. Les motifs qui vous conduisaient n'étaient pas difficiles à saisir; votre réunion à Chaumette, aux commissaires de son département, à Momoro et autres pétitionnaires de la même faction, indiquait assez dans quel esprit se faisait votre démission, dans quel espoir perfide elle était offerte. Chaumette voulait exciter un mouvement violent, à tel prix que ce fut; ses mesures étaient assez bien combinées, car au même moment où il éveillait les fanatiques, les consciences timorées, en provoquant la clôture des églises et la cessation de tout culte, au lieu d'assujettir les prostituées à des travaux utiles, il les faisait toutes incarcérer, et soulevait ainsi la classe des libertins, de ces hommes immoraux, contre ce sexe honnête et décent, que le regard seul d'un impudique fait rougir; et bien certainement ces manœuvres criminelles n'étaient pas étrangères à l'accusé Gobel; sans doute il les partageait et se promettait bien d'en recueillir tout le fruit oserait-il le contester!

› R. En présentant ma démission, je n'ai fait que me rendre au vœu général suffisamment manifesté par les quarante-huit sections, par un agent national, et des représentans du peuple, que je n'avais pas droit de soupçonner; d'ailleurs je n'aurais pas consulté mes vicaires, ni recueilli scrupuleusement leur avis; j'ai déclaré publiquement qu'il ne pouvait y avoir d'autre culte que celai de la liberté, et ma conduite, depuis la révolution, ne s'est jamais démentie.

» Le président à l'accusé. Le vœu apparent des sections, les intrigues, les sollicitations de quelques hommes publics vendus aux malveillans, ne pouvaient être des autorités suffisantes pour vous déterminer à présenter votre démission, à venir parler contre les principes qui doivent vous être naturels ; il fallait attendre que la première des autorités se fût prononcée sur cette matière délicate, et lorsqu'elle se taisait sur la continuation, ou la cessation de

ce culte religieux, personne n'avait droit d'innover, et il n'est pas possible d'admettre qu'un prêtre d'origine, constitué en dignité, qui faisait cause commune avec le ci-devant haut clergé, ait dit de bonne foi qu'il ne connaissait d'autre culte que celui de la liberté. N'avez-vous pas demandé 50,000 livres pour payer vos dettes, vous qui aviez ci-devant un revenu annuel de 50,000 livres, et qui receviez encore un traitement de 6,000 livres : c'était sans doute pour donner aux pauvres ; ou pour traiter splendidement les Brissot, les Guadet, et autres de cette espèce?

>

› R. Mon établissement à Paris m'avait coûté beaucoup, et j'en dois encore quelque partie, et c'était pour acquitter ces engagemens, que je réclamais l'indemnité dont il s'agit. A l'égard de nion premier traitement de 50,000 mille livres, réduit ensuite à 6,000 livres, je puis dire avec vérité que les pauvres en ont eu la meilleure partie; et je le soutiens avec autant de confiance, que l'on m'en fait la demande d'une manière dérisoire : ma table fut toujours modestement servie, toujours les mets recherchés en furent exclus, et jamais je ne reçus personne en secret.

› Le président à l'accusé. Un évêque constitutionnel, bien pénétré de sa mission, ci-devant évangélique, et surtout des principes de la liberté et de l'égalité, devait s'interdire tout luxe, toute ostentation, se contenter d'un ameublement simple et peu dispendieux, et bien certainement un tel ameublement lui aurait épargné des dettes, et une demande injuste et ridicule.

» Plusieurs témoins ont déposé contre Dumas et Barbe, et les ont accusés d'avoir dit, dans un cabaret, en adressantla par ole aux buveurs : vous mangerez le son et nous la farine, vous verrez ce que vous n'avez pas encore vu, vous crocheterez la terre et vous égorgerez les chevaux.

› Les accusés Dumas et Barbe, interpellés sur la vérité ou fausseté de ces propos, les ont avoués en partie, et ils les expliquaient de la manière suivante.

> Il s'éleva, dans le cabaret où nous buvions, une dispute entre des postillons et le marchand de vin, parce que ce dernier vendait son vin seize sous; nous revenions de la Convention où il avait

été question du décret du maximum; et au sujet de la dispute produite par le prix exorbitant du vin, nous avons dit que dans douze jours, il y aurait une autre loi, et à cette observation, la femme du marchaud de vin répondit que le second maximum aurait le même sort que le premier.

⚫ Dumas et Barbe continuent ainsi :

» De toutes parts, on demandait des chevaux, de plus en plus ils devenaient rares, et c'est ce qui donna lieu de dire que les hommes bêcheraient la terre, faute de chevaux pour la labourer; nous avions d'ailleurs la tête un peu échauffée par plusieurs bouteilles de vin que nous avions bues ces faits et explications n'ont pas été contestés par les témoins, qui ont d'ailleurs` reconnu Dumas et Barbe pour patriotes.

› Il résulte de la déposition de Roux, contre l'accusé Chaumette, que dans les discussions relatives aux mesures à prendre pour l'arrivage des subsistances, ledit accusé traitait les laboureurs d'affameurs du peuple, qu'il s'arrogeait le pouvoir de signer des mandats d'amener, conjointement avec un nommé Brûlé.

› Le témoin ajoute que, nommé commissaire additionnel, pour vérifier un compte sur les subsistances, il fut reconnu qu'il avait été commis beaucoup de dilapidations, et que Chaumette les avait autorisées et partagées; il produit plusieurs pièces de conviction contre Gobel, et cite contre lui le témoignage du curé de Colombe.

› Les accusés Chaumette et Gobel, interpellés de s'expliquer sur les faits à eux imputés, se sont retranchés dans la dénégation, et ont présenté pour moyens de considérations, des motifs de haine et de vengeance du témoin.

>

› L'accusateur public à Chenaux. Quels ont été les motifs de votre conduite indiscrète dans votre section, comme membre du comité révolutionnaire? n'avez-vous pas approuvé l'insurrection proposée par Momoro? n'en avez-vous pas écrit à Châlons; et reconnaissez-vous la lettre qui vous est représentée?

» R. Cette lettre est bien la mienne; au premier aspect, elle

peut présenter des opinions erronées; mais pour peu que l'on rapproche cette lettre de mes autres écrits, et de mes motions journalières dans la section, on sera bientôt convaincu que je n'ai été égaré que par un excès de patriotisme, et que je n'ai point eu de mauvaises intentions; il est vrai que j'ai donné mon approbation à l'insurrection proposée par Momoro, et que j'en ai écrit ; mais toutes ces actions n'ont été dirigées que par un zèle mal entendu de patriotisme, mais par aucunes intentions perfides.

L'accusateur public à l'accusé. Quelle idée aviez-vous de l'arrestation de Momoro?

» R. J'ai témoigné quelque mécontentement de cette arrestation, ainsi que de celle d'Hébert et autres, parce qu'ils m'avaient paru patriotes; et que depuis leur incarcération, j'avais remarqué de la joie dans les aristocrates, et lorsque ces gens se réjouissaient, un patriote comme moi ne pouvait que s'attrister.

» L'accusateur public produit une lettre de Chenaux, en date du 4 ventôse; elle était ainsi conçue : « Les mesures révolutionnaires vont leur train, malgré les fédéralistes; il faudra donner une nouvelle force à la révolution; le pas de charge sonne dans tous les cœurs des patriotes; l'arrêt de mort de nos ennemis va se prononcer; nous partons pour ne nous arrêter qu'à la dernière borne de l'univers.

>> Ma profession de foi est de demeurer ferme à mon poste, et de suivre le courant de la révolution; c'est un vaisseau fortement agité par la tempête; mais, cependant, avec du courage, nous l'amènerons au port.» Voici une autre lettre de l'accusé Chenaux, en date du 18 ventôse. «Paris est toujours à la merci des intrigans ; mais encore un moment, et tous ces intrigans disparaîtront. En effet, n'est-ce pas le comble de l'imprudence, que de nous laisser gouverner par un Paré, un Desforges et un Destournelles. Allons exterminer les royalistes, qui entravent toutes nos opérations, et notre république alors deviendra universelle; le crêpe noir est encore sur les Droits de l'Homme; mais on va prendre les armes, et notre triomphe est assuré. ›

« PreviousContinue »