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lon, deux cents hommes à ma disposition, et quatre cents autres qui ont servi sous moi dans la légion, et ce sont ceux-là des gens de cœur et de courage qui nous seconderont bien, et sur lesquels nous pouvons bien certainement compter.

» Le témoin Laflotte continue:

› Dillon disait que la femme Chaumette avait paru dans la cour de la prison, avait donné à son mari des témoignages publics de satisfaction, et lui avait fait des signes propres à lui faire comprendre que lui et ses camarades d'infortune touchaient à leur délivrance; le témoin ajoute. Pour connaître davantage toutes les ressources des conjurés, j'observais à Dillon qu'il lui fallait de l'argent pour soudoyer tout son monde; et à ce sujet, je lui offris une somme de mille écus dont je pouvais disposer; il me répondit: Nous avons tous les fonds nécessaires pour exécuter nos projets ; mais dans le cas où nous en aurions besoin, nous aurons recours aux mille écus que vous nous proposez; mais surtout, point d'indiscrétion, et alors notre projet ne peut avoir qu'un plein succès. Il me dit encore qu'il savait de Simon que les choses allaient au mieux; que le peuple s'indignait de voir des patriotes zélés traduits au tribunal révolutionnaire, et menacés de partager le sort des ennemis de la patrie.

› Le président à Dillon. Avez-vous écrit une lettre dont vous avez fait lecture à deux citoyens? l'avez-vous présentée à Lambert, qui a refusé de la porter, et n'avez-vous pas eu soin, sur les observations de ce Lambert, de couper votre signature? et à qui adressiez-vous cette lettre?

R. J'adressais cette lettre à la femme Camille, à laquelle j'avais de grandes obligations pour quelques services reçus d'elle; je lui mandais : « Femme vertueuse, ne perds pas courage; ton affaire et la mienne sont en bon train, et bientôt les coupables seront punis, et les innocens triompheront. >

› Le président. Lambert, cette lettre vous a-t-elle été présentée, et vous en êtes-vous chargé?

, R. Dillon m'a proposé de la porter à son adresse, et en a coupé la signature.

» D. Pourquoi vous en êtes-vous chargé, et pourquoi n'en avez-vous pas fait part au concierge? votre but était sans doute de procurer à ce détenu des communications au dehors, prohibées par la loi?

› R. Je me suis défendu de tout mon pouvoir de porter cette lettre; mais Dillon l'a glissée furtivement dans ma poche; aussitôt que je m'en aperçus, je la lui remis; il voulait me forcer à exécuter cette commission; je persistai dans mes refus, et il ne m'aurait pas été possible de communiquer cette lettre à qui que ce soit, parce que Dillon, sans doute, déconcerté de mes refus, en conçut des craintes, et mit la lettre en morceaux.

› L'accusateur public à Lambert. Mais votre devoir, lorsque cette lettre vous fut présentée une première fois, était de vous empresser de la communiquer aux surveillans de la maison d'arrêt; et à défaut de cette communication, vous deviez au moins dénoncer toutes les tentatives criminelles de Dillon, pour vous corrompre.

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Le président à la veuve Camille. Avez-vous reçu la lettre de Dillon?

› R. Je n'en ai reçu aucune.

› D. Dillon, avez-vous dit que Danton et autres accusés avaient refusé de parler, et avaient déclaré ne vouloir s'expliquer qu'en présence des membres du comité de salut public?

› R. Je l'ai dit, d'après le bruit de toute la cour.

› D. Avez-vous dit que le décret de la Convention qui ordonnait de passer à l'ordre du jour sur les différentes demandes des accusés avait produit dans le public la plus grande fermentation, que l'on s'était même porté en foule au tribunal révolutionnaire, et qu'il y avait du monde jusque sur les ponts?

› Je n'ai point tenu de pareils propos.

› Le président. Mais au moins vous ne pouviez nier avoir allumé le feu de la révolte dans les prisons?

> R. Le témoin entendu en a imposé au tribunal, et je nie tous les faits qu'il m'impute.

› D. Avez-vous dit que le projet était d'égorger les membres de la Convention, et tous ces enragés de Jacobins?

› R. J'ai dit que je tenais ce propos de Simon le député.

› Le témoin demande la parole: il déclare que l'accusé Dillon ne lui a pas annoncé le projet dont il a rendu compte au tribunal, comme le tenant de Simon, mais bien comme en ayant une connaissance personnelle, et devant être le principal moteur de ces

assassinats.

» D. Avez-vous dit aussi que c'était le moment de résister à l'oppression?

» R. J'ai dit que, si les journées du mois de septembre se renouvelaient dans les prisons, il était du devoir d'un homme courageux de défendre ses jours, et de demander à être entendu et jugé avant de se laisser immoler.

› D. N'avez-vous pas envoyé 3,000 liv. à la femme Desmoulins?

» R. Tous ces faits sont imaginés à plaisir par Laflotte; le jour que j'ai conversé avec lui, il était un peu échauffé par les liqueurs, et cependant il avait apporté des citrons pour préparer du punch. Il ne serait pas étonnant que sa tête, qui était un peu exaltée ce jour-là, ne permît pas aujourd'hui à sa mémoire de rendre les faits tels qu'ils se sont passés.

» D. Femme Desmoulins, vous a-t-on envoyé 3,000 livres ? › R. Je n'ai rien reçu.

» D. Connaissiez-vous Dillon? Aviez-vous quelques liaisons avec lui? Est-il venu quelquefois chez vous?

› R. J'ai vu quelquefois Dillon, il m'a obligée en différentes rencontres; mais il est venu rarement chez moi.

› D. Simon, avez-vous proposé plusieurs plans, tous tendant à vous ouvrir les portes des prisons, à vous faciliter les moyens de pénétrer dans les comités de salut public, et à vous procurer la liberté aux dépens de la vie des patriotes.

› R. Je n'ai jamais formé de pareils plans, le fait n'est ni vrai, ni vraisemblable; car c'est le propre d'un conspirateur, pour peu

T. XXXII.

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intelligent qu'on veuille le supposer, de bien sonder son monde auparavant de s'y livrer. Or, je n'ai vu Laflotte que très-superficiellement. Je n'ai eu avec lui aucune intimité, et je soutiens ne lui avoir tenu aucuns propos ressemblans à ceux énoncés en sa 'déposition.

» D. Avez-vous dit que vous aviez vu la femme de Chaumette, d'une manière à ne pas pouvoir vous y tromper, faire des signes à son mari, par lesquels elle lui indiquait qu'il pouvait être tranquille, et qu'il n'avait rien à craindre?

› R. Je n'ai point dit avoir vu la femme Chaumette, mais bien Chaumette son mari, qui m'a rendu compte des espérances qu'il avait conçues depuis la visite de sa femme, et ce n'est que d'après lui que j'en ai parlé.

» Le président à Chaumette. Avez-vous dit à Simon avoir vu votre femme, qui vous avait donné des espérances, telles que celles dont Simon vient de rendre compte au tribunal?

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› R. J'ai effectivement témoigné à Simon la satisfaction que j'éprouvais d'avoir eu la visite de ma femme, qui m'avait fait espérer de n'être point compliqué dans l'affaire d'Hébert.

› L'accusateur public. Il est bien étonnant que vous ayez compris, au geste de votre femme, que vous n'étiez point compliqué dans l'affaire d'Hébert.

› R. J'en ai jugé ainsi à l'air joyeux de ma femme.

> D. Simon, d'où teniez-vous les projets dont vous avez fait part au témoin?

› R. J'ai déjà dit que je n'avais jamais formé de semblables projets, et je persiste à le soutenir. J'ai dit seulement que l'affaire de Danton paraissait donner de grandes inquiétudes à Dillon, qui prétendait que c'était faire la guerre aux patriotes, et détruire la liberté ; que les suites de ces vexations ne pouvaient être que très-dangereuses, et qu'il en résulterait des mouvemens extraordinaires qui pourraient conduire le peuple à se porter de nouveau aux prisons, et à en massacrer les détenus. J'ai rencontré, ce jour-là, Benoît, qui m'a dit que Dillon avait déjeuné fortement,

que son cerveau paraissait un peu blessé, et qu'il était plongé depuis quelques jours dans la plus grande mélancolie.

» Le président à Dillon. Est-il vrai que vous ayez témoigné des inquiétudes à Simon sur le sort des prisonniers, et des suites fàcheuses qui, selon vous, devaient résulter de l'instruction du procès d'Hébert?

» R. Le fait est de toute fausseté. Je n'ai dit à Simon que des choses insignifiantes; je ne lui ai parlé que conditionnellement du parti que je prendrais, si les prisons étaient attaquées, sans cependant le préjuger; je lui ai dit que, s'il m'était permis d'émettre mon vœu dans les assemblées, je demanderais que les prisonniers, dans le cas d'une insurrection, fussent les premiers exposés au coup de feu, et j'en donne pour preuve le citoyen Meunier, auquel j'en ai ouvert l'avis. Je savais que je devais être cité au tribunal, et même massacré par le peuple, s'il venait à s'insurger; et c'est ce qui me faisait dire que, si le massacre des prisons se renouvelait, je demanderais à être jugé ou être conduit vers l'ennemi, et à essuyer tout le feu de son artillerie.

› L'accusateur public. Il est de toute évidence que Dillon avoue toutes les machinations qui lui sont reprochées : tous ses efforts se bornent à les colorer, à leur donner des explications forcées, mais les jurés sauront bien distinguer la vérité, exempte de toute tergiversation, d'avec le mensonge, qui cherche à s'envelopper de mille subterfuges.

> D. Dillon, n'avez-vous point communiqué à Thouret vos plans de contre-révolution, et surtout vos intelligences avec la veuve Camille, et toutes les démarches qu'elle était chargée de faire, pour seconder vos projets, tout l'argent que vous l'aviez chargée de semer dans le public, pour augmenter le nombre de vos partisans ?

» R. Je n'ai parlé à Thouret d'aucun genre de conspiration; et, lorsque j'ai eu le bonheur d'obliger la veuve Camille, je n'en ai rien exigé de contraire au bien public.

» L'accusateur public à Dillon. Comment justifierez-vous la proclamation dont vous chargiez Lanoue, à l'époque du

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