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endroits de ses Mémoires. Ce sont des deux parts le même sens et presque les mêmes expressions. Ainsi, d'après Riouffe, Brissot était habituellement grave et réfléchi (p. 210 du premier volume de la collection de Nougaret); Gensonné était recueilli en lui-même (ibid); Vergniaud« tantôt grave et tantôt moins sérieux faisait quelquefois jouir les prisonniers des derniers accens de cette éloquence sublime qui étaient déjà perdus pour l'univers, puisque les barbares l'empêchaient de parler. › Voilà les couleurs et les traits épars du tableau de M. Thiers. Quant à Ducos, les vers que l'historien lui fait chanter sont le pot-pourri que nous avons plus haut rapporté. Riouffe ne mentionne pas plus cette circonstance que celle d'un repas commun. A la vẻrité, il parle des saillies de Ducos qui interrompirent, de fois à autre, les chants des Girondins pendant leur dernière nuit, et ce sera là probablement ce qui aura donné à M. Thiers l'occasion de placer les vers de Ducos, vers sur la nature desquels il est permis au lecteur de conjecturer tout ce qu'il veut, attendu que ce point n'est nullement expliqué. Mais si la chanson dont il s'agit eût été désignée par son titre, par le premier venu de ses couplets, c'eût été se condamner à ne pouvoir écrire: Leur dernière nuit fut sublime, » qualification, qui eût paru, en effet, fort singulière, si l'on eût cité immédiatement le potpourri de Ducos parmi les chants de cette nuit. — Tout ce qui a été dit sur la manière dont les Girondins passèrent la nuit du 31 octobre au 1er novembre est un commentaire de Riouffe. Le commentaire tout-à-fait fabuleux est celui intitulé: Dernier Banquet des Girondins.

Les Girondins moururent avec courage. J. Boileau montra seul quelque faiblesse; au reste, cette exception fut aperçue et notée à peine. On ne fut pas plus attentif à la ferme contenance de ses compagnons, à une époque où tous les condamnés pour cause politique marchaient à la mort avec une égale assurance, ou ne remarquait que ceux auxquels la guillotine inspirait une grande terreur. La mort de Custine fit sensation entre toutes celles du même genre. On ne comprenait pas qu'un

soldat pût défaillir à tel point à l'aspect de l'échafaud. Certains hébertistes et certains dantonistes firent oublier la honte de Custine.

Nous passons aux notices sur les principales condamnations qui suivirent celles des Girondins.

le

MARIE-OLYMPE DE GOUGES, veuve Aubry, âgée de 28 ans, native de Montauban, fut condamnée à la peine de mort, 2 novembre (12 brumaire). Une brochure ayant pour titre : Les trois Urnes, ou le Salut de la patrie; deux placards intitulés, l'un Olympe de Gouges, défenseur de Louis Capet, l'autre, Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire, et quelques manuscrits au nombre desquels La France sauvée, ou le Tyran détrôné, furent les pièces produites contre elle par l'accusation. Dans la brochure Les trois Urnes, etc., publiée après la révolution du 31 mai, Olympe de Gouges invitait le peuple à se réunir en assemblées primaires, et à émettre son vou, soit sur le gouvernement monarchique, soit sur le gouvernement fédéraliste, soit sur la République une et indivisible. Cet appel mettait en question toutes les révolutions accomplies depuis 1789. Mais on n'eût point recherché cet écrit, si l'auteur n'eût visé à se donner une grande importance politique, et ne fût revenue à la charge par des affiches et par des placards, c'est-à-dire par le genre de publicité qui tombait directement sous les yeux du peuple, et qui excitait par conséquent toute la sollicitude des comités révolutionnaires de la capitale. Olympe de Gouges fut dénoncée par son propre afficheur. Cette femme, qui avait fondé des clubs, qui avait voulu défendre Louis XVI, et qui convoquait les assemblées primaires après le 31 mai, avoua tous ses écrits et tous ses actes; mais elle ne put les expliquer que par des phrases oratoires, et persista à dire qu'elle était et avait toujours été bonne citoyenne, qu'elle n'avait jamais intrigué. › Ainsi parle le bulletin du tribunal révolutionnaire, et il ajoute :

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Pour sa défense, l'accusée a dit qu'elle s'était ruinée pour propager les principes de la révolution, qu'elle était la fondatrice des sociétés populaires de son sexe, etc. Pendant le

T. XXXI.

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résumé des charges fait par l'accusateur public, l'accusée, sur les faits qu'elle entendait articuler contre elle, faisait sans cesse des minauderies; tantôt elle haussait les épaules, puis elle joignait les mains, et levait les yeux vers le plafond de la salle; puis elle passait tout d'un coup dans un geste expressif, manifestant l'étonnement, puis regardant ensuite l'auditoire, elle souriait aux spectateurs, etc. On déplore, en lisant ce procès, de voir qu'il a suffi à une femme, qui ne manquait pas d'ailleurs de sentimens généreux, de se montrer imprudente et vaine, pour encourir une sentence capitale. Malheureusement il fallait alors prendre les gens, non pas selon la valeur contre-révolutionnaire qu'ils avaient, mais selon celle qu'ils se donnaient, et les juger comme ils se posaient eux-mêmes. — Avant le prononcé du jugement, Olympe-de-Gouges, interpellée de déclarer si elle avait quelques observations à faire sur l'application de la loi, répondit au tribunal: Mes ennemis n'auront pas la gloire de voir couler mon sang; je suis enceinte, et je donnerai à la République un citoyen ou une citoyenne. Le même jour elle fut visitée, et sa déclaration ayant été reconnue inexacte, elle fut conduite à l'échafaud. (Bulletin du trib. révol., n. 66 et 67, deuxième partie.)

ADAM-LUX, âgé de 27 ans dix mois, député extraordinaire de la Convention germanique, séant à Mayence, natif d'Opinbourg, pays de l'électorat de Mayence, demeurant à Ostenk, vis-à-vis Mayence, logé à Paris, rue des Moulins, hôtel des Patriotes-Hollandais, fut condamné à mort le 4 novembre (14 brumaire). — Envoyé à Paris, où il arriva le 30 mars 1793, pour demander la réunion de Mayence à la France, Adam Lux se lia avec Guadet et Pétion. Après l'insurrection du 31 mai, il conçut le projet d'aller se suicider à la barre de la Convention, où il devait préalablement déposer un discours dans lequel il présentait son suicide comme un acte de désespoir politique. Cette pièce, saisie dans ses papiers, et produite au procès, était une diatribe sanglante contre la Montagne; Adam Lux y disait que la dictature de Roland était le seul

moyen de salut pour la République. Il avait écrit, le 6 juin, à Guadet et à Pétion, pour les informer de ce projet. Ils l'en détournèrent; mais il leur écrivit une seconde lettre dans laquelle il leur déclarait persister, se promettant que son action aurait un immense résultat. Il terminait en les priant de vouloir bien, après sa mort, se rappeler qu'il laissait sans pain sa femme et ses enfans. Lorsque Marat eut été assassiné, Adam-Lux publia un placard en l'honneur de Charlotte Corday; il fut arrêté aussitôt. S'appuyant sur la dernière phrase de la lettre

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de l'accusé à Guadet et à Pétion, le président du tribunal dirigea les débats de manière à prouver que le suicide projeté par Adam-Lux annonçait, de sa part, l'intention de soutirer de l'argent à la section, par la manifestation de son dévouement à son parti. Interrogé sur ses moyens d'existence, Adam-Lux répondit que la Convention lui avait accordé une indemnité. On lui demanda alors « comment lui, qui disait dans une de ses lettres ne pas avoir de pain, non plus que sa famille, avait pu prodiguer 60 ou 80 francs pour faire imprimer les placards qu'on lui représentait. Il affirma néanmoins en avoir payé les frais. Le président compara ensuite les premiers écrits de l'ac cusé, ses lettres à Guadet et à Pétion, et son projet de discours à la Convention, avec le placard sur Charlotte Corday; et ayant constaté que les premiers étaient rédigés en un français barbare, tandis que le dernier était parfaitement correct, il en inféra que celui-ci n'était pas de la composition d'Adam-Lux. De plus, il signala une identité complète entre certaines expressions des pamphlets venus de Caen et celle-ci du placard: L'assassinat est un crime, mais celle qui a assassiné Marat ne peut qu'occuper une place distinguée dans l'histoire, à côté de Brutus. - La guil totine est un autel. Adam-Lux, interpellé de déclarer si depuis le 6 juin dernier, jusqu'au 19 juillet suivant, il s'était occupé de faire une étude de la langue française, et si cette affiche ne lui aurait pas été envoyée de Caen pour être placardée dans Paris,> répondit qu'il avait lu des livres, et qu'il etait l'unique rédacteur du placard. Lorsqu'on en vint à sa proposition de

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confier la dictature à Roland, le président lui demanda s'il connaissait la loi qui défendait de proposer la dictature; l'accusé répondit qu'il la connaissait. Comment connaissiez-vous Roland? R. Je ne le connaissais que par ses écrits. Comment avez-vous pu donner le titre de vertueux à un homme qui, après avoir enlevé les papiers de l'armoire de fer, vint à la Convention apporter ces mêmes papiers, et dit qu'il ne les avait pas examinés, et puis après dit qu'il y avait dans ces papiers de quoi confondre les anarchistes, ce qui alors prouvait qu'il les avait examinés? — R. Je n'ai suivi en cela que l'impulsion de ma conscience et de mon opinion. La déclaration du jury fut unanime; Adam-Lux, condamné à la peine de mort, fut exécuté le même jour, à 5 heures du soir. ( Bulletin du tribunal révolution., n. 69 et 70, deuxième partie.)

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Affaire d'Égalité, ci-devant duc d'Orléans, et de Coustard.

Nos lecteurs se rappellent qu'après latrahison de Dumourier, partagée par Égalité fils (le duc de Chartres, Égalité père, répondant à Barbaroux, qui imputait cette conspiration au parti d'Orléans, s'écria: Si mon fils l'est (un traître), je vois d'ici l'image de Brutus. Plus tard, ses liaisons avec la Montagne ayant été dénoncées par Vergniaud, Robespierre demanda sa traduction au tribunal révolutionnaire avec sa famille. Bientôt on décréta sa translation à Marseille. Là, interrogé à diverses reprises, il fut gardé en prison jusqu'après le rapport d'Amar sur les Girondins. Compris dans cet acte d'accusation, de nouveaux ordres le ramenèrent à Paris. Il comparut devant le tribunal révolutionnaire le 6 novembre (16 brumaire), avec Coustard. Quoique le procès de ces deux accusés ne présente pas un grand intérêt, comme le compte-rendu n'en existe ni dans le Moniteur, ni dans le Républicain français, les deux grands journaux de l'époque ; et comme cette dernière page de la vie du duc d'Orléans ne peut pas rester sans document historique, nous transcrivons littéralement la courte notice du Bulletin du tribunal révolutionnaire, n. 73, et 74 de la deuxième partie.

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