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citoyennes Rosambeau, la citoyenne Gasville. La seconde pièce, faite à l'occasion du désarmement général des prisonniers, a pour but de prouver qu'il est impossible de désarmer le beau sexe de Port-Libre, parce qu'il faudrait pour cela enlever tous ses charmes. › Ce morceau tout entier n'est autre chose que la justification de ce madrigal à l'égard de chaque prisonnière. La comtesse de Beaufort, maîtresse de Julien de Toulouse, y est appelée une seconde Sapho. (Histoire des prisons, t. II, p. 192 et suivantes.)

Saint-Lazare. La courte notice renfermée sur cette prison dans la collection de Nougaret renferme infiniment plus de vers que de prose. Nous n'y trouvons digne de remarque que le nom du poëte Boucher, dont nous avons recueilli la polémique dans l'histoire de l'assemblée législative. Il attendit dans cette maison le jugement où il lui fut demandé compte de son influence sur les clubistes de la Sainte-Chapelle. Avant d'aller à l'échafaud, il se fit peindre par Savée, et envoya son portrait à sa femme et à ses enfans, avec un quatrain. Le général Beysser fit aussi un couplet après sa condamnation. Voilà tout ce que nous fournit l'histoire de Saint-Lazare. (Histoire des prisons, t. II, p. 131.)

Maison d'arrêt de larue de Sèvres. Cette prison était en apparence moins prison que beaucoup d'autres; sa position à l'encoignure du boulevard, le jardin dans lequel on se pro

menait alors, donnait à la malheureuse société qui y était détenue une apparence de liberté, et annonçait que cette maison renfermait plus de gens voués à la haine qu'à la mortelle vengeance du parti opprimant. - Le 7 thermidor, pour la première › fois, on vint y prendre des détenus pour les conduire à la Conciergerie. (Histoire des prisons, t. II, p. 140. )

Maison d'arrêt des Carmes. Ce mémoire est de la même main que celui sur la maison du Port-Libre. L'auteur avait été transféré de cette dernière prison dans celle des Carmes, en compagnie de Coittant, Laroche, Quoinal et Vigée, le 7 messidor

(25 juin) 1794. Le régime habituel du lieu est ainsi raconté par

notre auteur:

Ici les corridors ne sont point éclairés; on n'a pas toujours la jouissance du jardin; l'on n'a pu long-temps entrevoir les femmes que par leurs fenêtres, qui sont détenues au nombre de vingt, et ne mangent au réfectoire qu'après les hommes (1). Les corridors sont vernis; quoique spacieux, ils sont peu aérés et infectés par le méphitisme des latrines. Les fenêtres sont bouchées aux trois quarts, de sorte qu'on ne reçoit le jour que d'en haut. C'est directement une prison de force dans toute son horreur. Les détenus ne soignent pas leur personne comme à Port-Libre; ils sont décolletés, pour la plupart sans cravate, en chemise, en pantalon, malpropres, les jambes nues, un mouchoir autour de la tête, point peignés, la barbe longue. Les femmes, nos tristes, compagnes d'infortune, sombres, rêveuses, sont vêtues d'une petite robe, ou d'un pierrot, tantôt d'une couleur, tantôt d'une autre. Du reste, on est assez bien nourri; à l'unique repas du réfectoire, nous avons le pain à discrétion, et chacun une demi-bouteille de vin. Mais notre concierge est dur, rébarbatif. (Livre cité, t. II, p. 351.)

Maison d'arrêt Duplessis. Cet ancien college recevait tous les détenus qui ne pouvaient trouver place à la Conciergerie. Comme on y enfermait aussi les accusés qui arrivaient des départemens, bientôt on fut obligé de percer les murs qui touchaient au collége Louis-le-Grand, et ces deux édifices ne formaient plus qu'une seule et même prison. Ce n'étaient plus ici de simples suspects, c'étaient des prévenus de conspirations, voués pour la plupart à une mort certaine. Aussi le régime était-il plus sévère que chez les suspects. Les prisonniers étaient fouillés en entrant; toute communication avec le dehors leur était interdite, et ils avaient pour geôlier un certain Haly, homme dur et intraitable, qui les rançonnait ordinairement. Cependant, ceux qui sor

(1) On pourrait croire que ce sont les fenêtres qui sont détenues au nombre de vingt, et qui ne mangent au réfectoire qu'après les hommes; mais nous transrivons fidèlement. (Note des auteurs.)

taient de la Conciergerie bénissaient presque leur destinée, puisqu'au moins ils trouvaient dans leur nouvelle demeure un lit pour se reposer, et ils n'étaient pas entassés, comme dans l'autre maison, sur une paille pourrie que l'on renouvelait fort rarement. L'auteur du mémoire d'où ces lignes sont extraites paraft grave et sérieux. ( Liv. cit., t. III, p. 65. ) Aussi ses plaintes ne sont nullement exagérées, et il ne fait pas de vers. Il n'en est pas de même de l'auteur d'un autre mémoire sur le même sujet ; celui-ci est un vrai littérateur, digne de la société du Port-Libre. Il voit en noir le plus souvent, mais il lui échappe des réflexions comme celle-ci : Malgré la vigilance des guichetiers, les assignats passaient dans les paquets de linge, dans les semelles des souliers, et je n'ose dire où, quand mademoiselle Beaulieu voulait bien s'en charger.» (Liv. cit., t. III, p. 62.)

Maison d'arrêt Talaru. L'hôtel du marquis de Talaru, situé rue de Richelieu, avait été converti en prison par la section Lepelletier. Le propriétaire de la maison, ex-premier maître d'hôtel de Marie-Antoinette, y occupait une chambre à part au prix de 18 liv. de location par jour. L'auteur du mémoire que nous suivons ici, logeait, lui huitième, dans un beau salon au rezde-chaussée; la part de chacun revenait à 4 liv. par jour, ce qui faisait un total annuel de 10,520 liv. Les autres pièces de l'hôtel étaient louées dans la même proportion. Que devenaient, s'écrie notre auteur, ces loyers concussionnaires » et entre qui se partageait le gâteau? Je n'ai jamais été du secret, et je ne puis vous en rien dire. Voici ce qu'il dit du régime de la prison:

« Je trouvai en y entrant un tout autre ordre de choses que celui auquel je m'étais attendu. Je croyais toutes les maisons d'arrét, à cette époque, à peu près également resserrées et traitées avec la même rigueur. Je me figurais l'isolement et la gamelle partout. Ici je trouvai, non-seulement les communications des prisonniers entre eux parfaitement libres: tous se visitaient, circulaient de chambre en chambre, sans aucune difficulté; mais même les communications assez faciles avec le dehors. Je vis les uns recevoir leurs femmes, leurs enfants; les autres, leurs

amis, leurs maîtresses. La société me parut agréable dans les deux sexes. On jouait sa partie, on faisait bonne chère. Si ce n'était pas l'image de la liberté, c'était celle du moins de l'égalité et de la fraternité. » ( Liv. cit., t. III, p. 92. ).

Picpus. Tous les détenus renfermés à Picpus, dans la maison d'arrêt de Blanchard ont eu à se louer de cet honnéte concierge. Doux, serviable, humain, il ne pouvait convenir au régime de la tyrannie. (Liv. cit., t. III, p. 203.) - Cette courte notice nous apprend que dans le printemps les communications avec l'extérieur étaient parfaitement libres, mais qu'un prisonnier s'étant évadé, les autres furent un peu plus resserrés.

L'Abbaye. — La collection de Nougaret ne renferme sur cette prison qu'un mémoire fait par un anonyme qui y était gardé au secret, et qui ne nous apprend rien de général, si ce n'est que le gouvernement accordait cinquante sous par jour à chaque détenu.

Sainte-Pélagie. - Cette prison était en grande partie consacrée aux détenus républicains. C'est là que furent réunis dans les six premiers mois de 1794 trois cent cinquante prisonniers, environ, hébertistes ou dantonistes, ou bien coupables de quelques malversations personnelles dans des emplois publics. L'administrateur de police Marino y fut renfermé. Il parvint à organiser un club dans son corridor, quoique tout le monde y fût au secret et dans sa cellule. Malgré l'épaisseur des portes, en élevant un peu la voix, on était entendu d'un bout du corridor à l'autre. Pour être reçu membre de cé club, il suffisait de n'être ni faux témoin, ni fabricateur d'assignats. A l'aide de cette invention, on s'instruisait réciproquement et avec ordre de tout ce qu'on avait appris des porte-clefs dans le courant de la journée; et pour n'être compris ni des gardiens, ni des darmes, au lieu de dire : j'ai appris telle chose, on disait : j'ai révé telle chose. Il paraît cependant qu'il y avait à SaintePélagie des prisonniers d'une autre espèce. Nous lisons en effet, dans le même mémoire: (Liv. cit., t. II, p. 127) ‹ Un jour

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Cortey, l'épicier, qui se trouvait de complicité avec le ci-devant comte Laval-Montmorency, l'ex-marquis de Pons, Sombrueil, tous prévenus de conspiration et guillotinés depuis, faisait des signaux à travers la fenêtre du corridor, à la ci-devant princesse de Monaco, et lui envoyait des baisers. Le marquis de Pons, qui était présent, lui dit avec hauteur: « Il faut que vous soyez › bien mal élevé, monsieur Cortey, pour vous familiariser avec » une personne de ce rang-là; il n'est pas étonnant qu'on veuille › vous guillotiner avec nous, parce que vous nous traitez en › égal. ›

Luxembourg. - Le Luxembourg, où l'on renferma d'abord les députés prévenus de fédéralisme, ne devint prison pour les autres citoyens qu'au 20 vendémiaire, époque à laquelle on y conduisit des Anglais et des Anglaises. C'est par ces étrangers que fut reçu le brillant contingent des suspects de la section de Grenelle. Des enfans, des adolescens, quelques cidevant dames du haut parage, traînant à leur suite de fringantes femmes-de-chambre; des nobles avec leurs domestiques, et quelques plébéiens honnêtes et pauvres arrivèrent au nombre de près de cinquante, sur les dix heures du soir, à la lueur d'une quantité prodigieuse de flambeaux, escortés par un bataillon entier, après avoir traversé à pied les rues de Paris processionnellement.

› Le concierge, nommé Benoît, septuagénaire, plus respectable encore par ses vertus que par son âge, les reçut avec humanité; il n'avait pas de lits à leur offrir, mais on voyait qu'il souffrait plus encore que ceux auxquels il ne pouvait présenter que les quatre murailles.

› Chacun se prête un mutuel secours; les blouses, les redin gotes et manteaux servent de matelas pour reposer la chair délicate des dames, et le gentilhomme se trouve fort heureux de bivouaquer sur une chaise à côté du sans-culotte.

› Dès le lendemain chacun reçut son lit de sangle, son matelas, de l'épaisseur d'une omelette soufflée, et le traversin économique.

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