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traité d'imbécille Prieur (de la Marne), qui ne savait qu'enfermer les suspects, etc.... Ma conférence avec lui serait trop longue à détailler. C'est encore Carrier qui, par un acte public, défendit de reconnaître un de ses collègues pour représentant du peuple; et cet arrêté, que je t'ai envoyé, était, dans toute la force du terme, contre-révolutionnaire. Il faut, sans délai, rappeler Carrier, et envoyer à Nantes quelqu'un qui réveille l'énergie du peuple et le rende à lui-même. Il faut, sans délai, charger un général, sous sa responsabilité, d'exterminer, à terme fixe, les restes des rebelles : vous chargez bien un corps constitué d'exécuter un décret à terme fixe, et le rendez responsable de l'exécution; faites-en de même pour les généraux. La limite du consulat, chez les Romains, a empêché bien des campagnes de se prolonger limitez aussi le généralat; il le faut, ou vous avez un nouveau système de trahisons inévitables.

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› Réponds-moi, je te prie, à la Rochelle. Je t'ai donné des détails sur nos généraux, sur Carrier et sur Nantes ; les patriotes que je t'ai adressés te diront le reste. Ne perdons point de temps; sauvons un port important; rendons une masse de citoyens nombreuse au bonheur et à la liberté; déjouons nos ennemis et nos généraux, et finissons la Vendée.

› Dis-moi, je te prie, si tu as reçu ma dernière lettre datée de Nantes, où je te parlais de la mesure très-instante du troc des patriotes de Paris appelés dans les départemens, et des patriotes des départemens appelés à Paris. Signé : JULLIEN.

› Nota. L'exemple du secrétaire de Carrier, qui reçoit, avec la hauteur d'un ci-devant valet de ci-devant ministre, les députations d'une société populaire, et les exemples multipliés, qu'il serait trop long de rapporter ici, de maints secrétaires que j'ai vus, me font croire très-utile d'interdire à ces messieurs de prendre un caractère public, et de signer les arrêtés des représentans du peuple : ils ne s'identifieront plus avec la représentation nationale, et ne pourront plus la compromettre. Fais part de cette observation au comité. Signé : J. »

Carrier se présenta le 21 février (3 ventose) au scrutin épuratoire ouvert chez les Jacobins. Collot fut son répondant. Il fit l'éloge de la bravoure de Carrier, de son patriotisme, et confirma le témoignage favorable que Carrier lui-même venait de rendre à Westermann, à Ronssin, à Rossignol et à Santerre. Il rappela que Westermann était au 10 août devant le château des Tuileries, et qu'il avait aidé à jeter dans la poussière le trône et le tyran. ‹ Il eût été heureux pour lui, ajouta-t-il, qu'il fût mort dans ces jours glorieux ; il eût été immortel; et aujourd'hui l'on ne sait comment il finira.... Un général a beau être brave; s'il peut causer quelques divisions entre les armées et les représentans, il faut l'écarter.... Que Westermann étudie Rossignol, alors il pourra reconquérir notre estime. >

Westermann était dantoniste. La manière dont en parlent ici Carrier et Collot, ultra-révolutionnaires l'un et l'autre, prouve que les deux factions ne s'excluaient pas absolument ; elle prouve qu'elles n'étaient point séparées comme deux principes contraires, comme le bien et le mal. L'intérêt seul les divisait, l'égoïsme était donc leur relation commune, et ce qui était un champ de bataille aujourd'hui qu'on songeait à se disputer une proie, pouvait devenir à chaque instant une base d'opérations communes, s'il s'agissait jamais de se défendre contre une guerre faite par le principe du devoir au principe de l'intérêt. Le pacte entre les hébertistes et les dantonistes au 9 thermidor est en germe dans les paroles de Collot, au sujet de Westermann, comme la nécessité d'où naîtra ce parti d'escrocs et de brigands, est posée par le jugement de Robespierre sur ce même personnage, qu'il appelle un homme décrié parmi les escrocs eux-mêmes; couvert des blessures que lui a faites, non le fer des ennemis, mais le glaive de la justice; absous de tous les crimes aux yeux de ses pareils, par quelques succès partiels, obtenus dans la Vendée, exagérés par lui-même avec une impudence rare; mais destitué par le comité de salut public, comme un intrigant dangereux ct coupable. › (Projet de rapport sur la faction Fabre-d'Églantine.) Le 24 février ( 6 ventose), une lettre adressée aux Jacobins 21

T. XXXI.

de Paris par les satellites de Fouché, donna encore occasion à Collot-d'Herbois d'exposer les persécutions et les tracasseries dont on accablait chaque jour les patriotes occupés à régénérer Commune-Affranchie. » Il exalta la constance admirable de la commission temporaire et les sacrifices faits pendant quatre mois par la commission révolutionnaire (le tribunal des Sept); car, dit-il, c'est faire de grands sacrifices que d'oublier sa sensibilité physique pour ne songer qu'à son pays. Or, les membres de › — ces deux commissions étaient des hébertistes furibonds.

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Ce qui put achever de faire croire à ceux de Paris que l'hébertisme était plus que jamais à l'ordre du jour, ce fut l'étrange façon dont Collot-d'Herbois interpréta à la tribune des Jacobins le 26 février (8 ventose), le rapport fait le matin par Saint-Just à la Convention. Vous sentez, dit l'orateur, combien la publi› cation de la loi qui investit le comité de sûreté générale » du pouvoir de mettre en liberté les patriotes détenus, à la charge par eux de rendre compte de leur conduite, depuis le 1er mai 1789, va déjouer de complots; quelle force » elle va donner aux amis de la liberté. Ils vont se retrou

ver dans leur véritable élément; ils vont se replonger dans » la révolution, pour en sortir avec une vigueur nouvelle...... » On a proposé des pardons; mais les patriotes ne sont » pas assez faibles pour y songer. » Il n'y avait pas à en douter, c'était les Savard, les Grammont, les Duret, les Lapallu et autres hébertistes incarcérés qui allaient bénéficier du décret porté à la demande du comité de salut public, et dont l'intention était de se replonger dans la révolution.

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Collot-d'Herbois avait fini son discours, et il allait descendre de la tribune, lorsque le président annonça une députation de la société des Cordeliers venant jurer union à celle des Jacobins. Ce rapprochement était l'œuvre de Collot et de son ami Carrier. Aussi Collot félicita-t-il les patriotes de ce nouveau sujet de joie qui venait flatter leur ame. Voyez, dit-il, combien nous avons de forces, lorsque nous sommes unis! Nous venons de frapper nos ennemis au cœur; ils sont perdus dès

› —

l'instant que nous nous rallions. Le président, Lavicomterie, donna l'accolade fraternelle aux Cordeliers, et l'alliance parut scellée.

Robespierre n'assistait pas depuis quelques jours aux séances des Jacobins; il était malade, ainsi que nous l'apprennent des pièces imprimées à la suite du rapport de Courtois (1). Collot gouvernait le club, parce que c'était la seule influence révolutionnaire de premier ordre qui s'y trouvait alors. Il n'est pas à

(1) Courtois réunit, comme une preuve de la tyrannie de Robespierre, les démarches faites par quelques sections pendant une légère maladie qu'il eut vers la fin de pluviose, et qui dura pendant les premiers jours de ventose (dernière quinzaine de février). Voici les pièces citées par Courtois; il est probable qu'il en existait un grand nombre d'autres de la même nature, et que celles-ci sont un chois.

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■ DEPUTATIONS DES SOCIÉTÉS POPULAIRES DES SECTIONS ENVOYÉES A ROBESPIERRE. -Section de l'Unitė. – Extrait du registre des délibérations de la société populaire. — Présidence du citoyen Darroux. Séance du 29 pluviose.— « L'assemblée générale de ladite société, sur la motion d'un membre qui annonce qué les citoyens Robespierre et Couthon sont malades, a arrêté qu'elle nomme commissaires, pour s'informer de la santé de ces deux représentans, les citoyens Genty, Louisa, Minet et Lucas, et qu'ils se transporteront au domicile de ces deux représentans, à cet effet, et rendront compte à la société de l'état de leur santé qui doit être chère à tous les bons républicains. Pour extrait conforme, signé DARROUX, président ; CHAMBRE, secrétaire. »

• Section des Piques. · Assemblée des jeunes républicains. — Le 29¢ jour de pluviose. - « Les jeunes citoyens Cerf et Marche sont députés pour aller s'informer de la santé du citoyen Robespierre, accompagnés du citoyen Petit et du citoyen Perrier qui a demandé la parole pour cet objet, brûlant de la plus grande amitié et fraternité pour un de nos plus dignes montagnards et républicains. Signé CHATEL, président; GIRARD, secrétaire. »

N. B. « On trouve sur un petit morceau de papier la note suivante :

» Une députation de la société populaire Du TEMPLE, composée de six membres revêtus des pouvoirs de la société, s'est présentée pour savoir des nouvelles du citoyen Robespierre dont elle a appris, bier, la maladie par un de ses membres. - 8 ventose, deuxième année. »

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« Section de la Fraternité. Le 9 centose, l'an deuxième. - Société poplaire. Extrait du procès-verbal de la séance de ce jour. — La société arrête qu'elle nomme le citoyen Lebout commissaire à l'effet de se transporter, au nom de la société, chez le citoyen Robespierre pour savoir de ses nouvelles. Pour extrait, signé CHRÉTIEN, secrétaire. »

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Société popu

Section de la Fraternité. Le 11 ventosè, l'an deuxième. laire. Extrait du procès-verbal de la séance de ce jour. La société arrête qu'elle nomme le citoyen Fremiol commissaire, afin de se rendre chez le citoyen Robespierre pour savoir de ses nouvelles et lui en rendre compte. Pour extrait, signé, RIVAULT, secrétaire. »

supposer que si Robespierre, que nous avons vu faire refuser une députation pour réclamer Vincent, eût été présent aux séances que nous venons d'analyser, les choses s'y fussent passées comme elles s'y passèrent à l'égard de Carrier, de Westermann et des Cordeliers.

Forts de l'attitude que semblaient prendre les Jacobins sous l'influence momentanée de Collot-d'Herbois; forts des nouvelles parvenues de Lyon, et de l'accueil qu'elles avaient reçus; poussés à se replonger dans la révolution, par la manière dont ils avaient entendu interpréter le rapport de Saint-Just, les Cordeliers se mirent en besogne dès le 27 février (9 ventose); en trois séances ils conclurent à l'insurrection.

CLUB DES CORDELIERS. Séance du 27 février (9 ventose). -‹ La société entend la lecture d'un arrêté de la société populaire des Défenseurs des droits de l'homme et du citoyen, relatif aux écrits publiés par Philippeaux et Camille-Desmoulins. Cette lecture excite de vifs applaudissemens. — L'arrêté suivant est pris à l'unanimité.

› La société dite Club des Cordeliers, ayant entendu la lecture d'un arrêté de la société populaire des Défenseurs des droits de l'homme, amis de la liberté, en date du 18 pluviose;

› Considérant que l'opinion publique est le tribunal irréfragable où doivent être jugés les mandataires infidèles du peuple; que la vérité, la franchise et l'exactitude qui le caractérisent, établissent le concours de l'union des idées qui se rencontrent entre les vrais patriotes, puisqu'elles sont en tout conformes à celles déjà développées par elle à celle des Amis de la liberté et de l'égalité, a arrêté à l'unanimité, et au milieu des applaudissemens les plus réitérés, que celui dont il venait de lui être donné communication, serait imprimé et affiché à ses frais. »

Séance du 2 mars (12 ventose). — « Il s'est principalement agi dans cette séance de l'arrestation du patriote Marchand, incarcéré par ordre du comité révolutionnaire de la section. Plusieurs membres ont établi que ce patriote n'a été poursuivi que pour s'être exprimé à la tribune des Cordeliers sur différens ob

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