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couverte d'une conspiration à Rochefort, et par la résistance qu'opposèrent aux Vendéens les habitans de Granville. Dix of ficiers de marine, du nombre de ceux qui avaient livre Toulon aux Anglais, abordèrent en novembre à Rochefort sur le vaisseau l'Apollon, afin d'y machiner une trahison. Dénonces à Laignelot et à Lequinio, représentans en mission dans cette ville, ils furent saisis à temps et livrés au tribunal révolutionnaire. Les Vendéens avaient choisi le moment (14 novembre 24 brumaire) où les conspirateurs, venus de Toulon, pratiquaient des intelligences dans Rochefort, pour tenter le siége de Granville. Les habitans unis à la garnison se défendirent vaillamment: ils mirent eux-mêmes le feu aux maisons des faubourgs; et après trois jours d'attaque, les royalistes furent forcés de se retirer. La flotte anglaise qui croisait, pendant cette expédition, à la vue des îles de Jersey, rentra aussitôt dans ses ports. Les Vendéens obtinrent encore quelques succès à Dol, mais leurs affaires allèrent toujours en déclinant depuis la levée du siége de Granville. Décidés à repasser la Loire, ils attaquèrent Angers le 5 décembre (15 frimaire). Le général Beaupui, qui y commandait, se fit porter blessé sur les remparts. Laroche-Jacquelin et Stofflet se bornèrent à une démonstration, et se jetèrent d'Angers sur le Mans dont ils se rendirent maîtres. Là, suivis par les généraux républicains, attaqués au dehors et dans la ville, pressés par Westermann, à qui on avait de nouveau confié un commandement, les Vendéens furent taillés en pièces. Dix-huit mille soldats, femmes, enfans, vieillards, furent massacrés pendant et après le combat. Laroche-Jacquelin, échappé au carnage avec quelques cavaliers, recueillit les débris de l'armée, et essaya de passer la Loire à Ancenis, sur des radeaux. A peine touchait-il le bord opposé avec son avant-garde, le reste attaqué, fuit à Savenay; là (22 décembre-2 nivôse) cette troupe, sans chef, fut atteinte et détruite. L'île de Noirmoutier, où s'étaient réfugiés Charrette et d'Elbée mourant, fut prise le 3 janvier (14 nivôse). D'Elbée fut porté au lieu du supplice et fusillé dans son fauteuil. On put croire la guerre de l'Ouest éteinte; mais les colonnes

dites infernales et Carrier devaient susciter encore long-temps dans ce pays les colères et les convulsions du désespoir.

- Pendant les derniers jours de décembre 1793, les séances de la Convention furent presque entièrement consacrées à la lecture des dépêches qui annonçaient les événemens sur lesquels nous venons de réunir de courtes narrations. En outre de cette lecture, la Convention s'occupa d'un petit nombre d'autres objets, dont voici les principaux.

Le 25 décembre (5 nivôse), le comité de salut public adressa aux départemens la circulaire suivante, sur le génie des lois révolutionnaires et sur les réformes de l'ancienne organisation.

Le comité de salut public aux départemens.

• Les législateurs ont refondu la statue de la loi, pour lui imprimer les formes révolutionnaires.

› Les défectuosités qui tenaient aux erreurs, ou plutôt aux crimes des premiers ouvriers, sont effacées; mais tout ce qu'il y avait de traits purs est conservé; la matière n'a pas été brisée, elle n'a été que remaniée. En portant une main ferme sur les vices de l'administration, la Convention s'est proposé aussi de remettre en valeur, pour la République, toutes les vertus des administrateurs.

› Ils ne pouvaient les développer entières telle avait été la tactique astucieuse de ceux qui conspirent contre les lois dans leur sanctuaire même, que les ressorts de la machine politique avaient été combinés de manière à en paralyser ou à en briser le jeu.

› Les premiers législateurs avaient jeté, dans un ordre apparent, les germes d'un désordre futur; ils avaient infusé, pour ainsi dire, les principes du fédéralisme dans l'organisation même des autorités destinées à le combattre un jour.

› Les grandes masses d'administration, placées de distance en distance, devaient pencher par leur composition vers un système d'isolement, de résistance ou d'inertie; n'ayant qu'une communication faible, interrompue, avec les extrémités et le centre, elles en étaient détachées moins par l'effort des hommes que

par celui de la chose qui les pressait et les attirait en sens con

traire.

» Ce n'est pas assez : l'exécution de la loi se trouvait ralentie et neutralisée en passant et en s'arrêtant successivement sur chaque anneau de la chaîne hiérarchique des administrations. Le câble révolutionnaire, aminci en quelque sorte dans cette longue filière, n'avait plus de consistance; tandis qu'il doit être lancé avec violence, et, touchant en un instant les extrémités au moindre signe du législateur, lier, rattacher tout fortement au centre du gouvernement.

› Telles ont été les causes qui ont appelé sur la viciosité de l'ancienne organisation, la main réformatrice.

› L'intensité révolutionnaire ne peut s'exercer que dans un libre espace, voilà pourquoi le législateur écarte sur la route tout ce qui n'est point guide, tout ce qui est obstacle.

› Vous ferez donc un sacrifice utile à la chose publique et à vous-mêmes, en rejetant de vos fonctions tout ce qui ne pouvait s'exercer qu'au détriment de la patrie, contre elle, et par conséquent contre vous.

› Jusqu'ici on a épuré les hommes, il restait à épurer les choses.

› Vous devez vous honorer d'avoir à donner à la mère-patrie. Que des hommes vulgaires, que des ames rétrécies, plus occupées de la sphère étroite où rampent leurs pensées, que des vastes intérêts du salut public, ne voient là qu'une perte de pouvoir; que ces enfans de l'ambition ne se dessaisissent qu'en pleurant du hochet qu'ils caressaient; mais vous, républicains, ne voyez dans le pouvoir qu'un instrument d'être utile; ne l'estil plus, il faut le poser ou le changer. Malheur à celui qui, dans un poste élevé, n'a pas l'ame plus élevée encore, et qui descendu, se trouve moins grand qu'auparavant!

› Vous l'avez appris d'ailleurs, et vos ames pénétrées de cette vérité sauront la pratiquer. Les hommes ne sont rien, la patrie seule est tout; elle commande, obéissez. Quel homme, pour un objet idolâtré, n'est point prêt à tout entreprendre à son moin

T. XXXI.

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dre signe!..... Hommes libres, si la Républiquè à toutes vos affections; si vous la portez dans votre cœur, ce jour sera pour vous le plus beau de votre vie, puisque vous élèverez l'intérêt public sur les débris de vos propres intérêts et de vos faiblesses même, supposé que vos esprits généreux puissent en concevoir.

» Mesurez d'ailleurs la carrière nouvelle qui s'ouvre devant vous; elle offre à ceux qui ne peuvent déposer le besoin de travailler au bonheur de leurs concitoyens, un champ bien large

encore.

› Les liens de la société, tout ce qui la soutient, tout ce qui l'enrichit et l'embellit, sont confiés à vos soins. Votre essence première tendait à vous séparer les autres membres du corps politique; vous y êtes ramenés et plus fortement attachés que jamais par vos fonctions nouvelles. Rappeler, sous la surveillance et d'après l'impulsion des autorités supérieures, aux sources publiques la dette du citoyen envers l'état qui lui confère ce titre et lui en assure les glorieuses prérogatives; affermir ainsi le nerf national; porter un œil indicateur sur tous les moyens d'amélioration; tracer au commerce des routes nouvelles, lui donner un caractère national en lui imprimant de la grandeur, et en le tirant de la fange mercantile dans laquelle s'agitent les vices les plus dégradans et les plus ennemis de la liberté; fertiliser le sol, augmenter ses produits; faciliter ses débouchés; ajouter aux présens de la nature les bienfaits de l'industrie; doubler en quelque sorte cette dernière, et augmenter alors la somme du bonheur; faire sortir du travail les mœurs et l'extirpation de la mendicité, qui est une espèce de dénonciation vivante contre le gouvernement; être, en un mot, les ouvriers de la prospérité publique; telle est la masse imposante de vos devoirs.

› Ces fonctions d'édilité, en quelque sorte, d'ordre, d'administration toute paternelle et de paix, auraient été troublées et entravées, si la surveillance des lois révolutionnaires vous eût été confiée.

. Ces deux attributions se repoussent, s'écartent et sont incompatibles par essence.

» Le génie des lois révolutionnaires est de planer sans être retardé dans son essor : il eût été moins rapide, en multipliant les cercles autour de lui.

» Ces considérations ont dicté les articles V et VI de la troisième section du décret en date du 14 frimaire (4 décembre).

› La loi doit être promulguée dans les vingt-quatre heures qui suivent la réception.

Elle doit être exécutée dans le délai de trois jours, à compter de la publication du décret.

› Ici se montre l'intention du législateur: ce n'est pas assez d'avoir trouvé le topique, il faut l'appliquer sur-le-champ ; il veut réaliser dans sa plus énergique précision cette pensée: Le peuple a dit, que la loi existe, et la loi exista. Il veut enfin que la nouvelle création sociale sorte en un clin d'oeil du chaos: que lui faut-il pour cela? sa volonté toute puissante.

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› Votre sphère est déterminée, parcourez-la religieusement; hors de là un abîme est ouvert, où tombent ceux qui reculent ou qui se précipitent.

Les articles XVI, XVII, XXI de la troisième section, les articles XI et XIII de la seconde section, marquent vos limites.

› Votre amour pour le bien public suffirait pour vous courber sous ces obligations impérieuses.

› Pour nous, citoyens, nous aimons à croire que de vrais républicains se déterminent moins par la vue de la peine qui suit l'infraction, que par celle du bien public qui résulte de l'obéissance aux lois destinées à l'assurer.

⚫ Salut et fraternité.

Signé ROBESPIERRE, BILLAUD-VARENNES, CARNOT, C.-A. PRIEUR, B. BARRERE, L. LINDET et CoUTHON: >

Le 26 décembre (6 nivôse), Barrère, au nom du comité de salut public, fit un rapport suivi d'un projet de décret, par le quel une commission, prise dans ce comité et dans celui de sûreté

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