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haine que par la justice, en sorte que les hébertistes paraîtront vaincus et non punis, et que les dantonistes périront réellement par une réaction hébertiste que leurs imprudences n'auront que trop justifiée. Si les Jacobins eussent tenu et dirigé le glaive de la loi, il n'y aurait eu ni dantonistes, ni hébertistes, mais une tourbe de scélérats amassée dans les deux camps, et livrée au bourreau au nom de la morale. Parce que ces exécutions furent des compromis, des concessions politiques, les Jacobins furent toujours obligés de recevoir jusqu'à un certain point les conditions des auxiliaires qui consentaient à leur donner la majorité. Aussi Robespierre ne put-il demander tous les ultra-révolutionnaires, ni sauver aucun indulgent. On a beaucoup remarqué dans la séance du 9 thermidor ce mot de Garnier de l'Aube : • Le sang de Danton l'étouffe!» et on n'a pas fait attention à cette phrase que Billaud-Varennes prononça quelques instans auparavant : « La première fois que je dénonçai Danton au comité, Robespierre se leva comme un furieux, en disant que je voulais perdre les meilleurs patriotes. Voilà la vérité historique.

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Nous entrerons dans l'année 1794, en commençant par la ligne des faits anti-religieux, et nous signalerons les actes par lesquels il fut résisté aux athées, ainsi que l'influence dont ces actes émanaient.

Vers la fin de 1793, on joua à l'Opéra, théâtre dont la police appartenait à la commune, une mascarade stupide, sur laquelle le Républicain français, n° CDVIII, nous fournit le renseignement suivant: Dans cette pièce, on chantait une grand'messe. L'acteur célébrant entonnait le Pater noster, et les accompagnemens et les chœurs mettaient tout en usage pour ridiculiser la cérémonie représentée. >

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Le 22 décembre (2 nivôse) parut un arrêté du comité de salut public, dont la teneur suit :

Le comité de salut public voulant déconcerter les mancuvres des contre-révolutionnaires pratiquées pour troubler la tranquillité publique, en provoquant les querelles religieuses;

T. XXXI

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» Voulant faire respecter le décret rendu le 16 frimaire, par la Convention nationale, pour maintenir la paix et la liberté des cultes;

» Fait défense au théâtre de l'Opéra, et à tous autres, de représenter la pièce intitulée : Le Tombeau des imposteurs, et Inauguration du temple de la Vérité, et toutes celles qui pourraient tendre au même but, sous les peines portées par les décrets précédens contre ceux qui abusent du théâtre pour favoriser les vues des ennemis de la Révolution.

Signé au registre : Ro

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BESPIERRE; B. BARRÈRE; A. PRIEUR; BILLAUD-VARENNES ; CARNOT; R. LINDET; COLLOT-D'HERBOIS. » — La manière dont est placée la signature de Robespierre prouve qu'il était l'auteur et l'éditeur responsable de cet arrêté.

Le 1er janvier (12 nivôse), la Convention reçut une lettre d'André Dumont, dont voici les principaux passages : « Une » nouvelle lumière a éclairé tout ce pays (les départemens de » la Somme, du Pas-de-Calais et de l'Oise); les projets des » scélérats ont été déjoués; tous, ou grande partie, sont montés » en charrette, et l'union des patriotes en a été le résultat. Ab>> beville jouit du calme et de la gaîté. Plus d'églises à Montagne

sur-Mer; les saints et saintes ont été brûlés. A Boulogne, la » célèbre, très-incompréhensible et très-sainte Vierge noire, » que les Anglais n'avaient pu brûler, a été jetée dans le bûcher, » et réduite en cendres sans miracle', aux cris universels de » Vive la Montagne! A quelques intrigans près, et tous les prê» tres et nobles, je crois avoir tout converti. »

Albitte l'aîné, en mission dans les départemens de l'Ain et du Mont-Blanc, où il fit détruire un grand nombre de clochers, écrivait de Bourg : « Cette commune, dont la plupart des habitans s'étaient laissé égarer par des malveillans, est enfin régénérée; les faux patriotes sont en état d'arrestation, le fanatisme et la superstition abandonnent le champ de bataille à la raison. » Il terminait sa lettre en annonçant l'envoi de 38 marcs d'argenterie et beaucoup d'effets précieux qui avaient été découverts dans la maison d'un particulier, tué pendant le siége de la

ville de Lyon, et portant les armes contre sa patrie. (Séance de la Convention du 8 janvier (19 nivôse).

Malgré le zèle de proscription déployé contre le culte, il ne faudrait pas croire cependant qu'il ne se manisfestât pas de vives résistances. La Convention rendit le décret suivant, le 14 janvier (25 nivôse):

• Sur la dénonciation faite par la société populaire d'Étampes, relativement à des rassemblemens nombreux et dangereux qui se sont élevés dans quelques municipalités de ce district, sous prétexte de culte religieux, et où nombre d'officiers municipaux se rendent en écharpe;

La Convention nationale décrète le renvoi de la dénonciation au comité de salut public, où ceux de ses membres qui auront des lumières et des renseignemens à donner sur le culte, sont invités à se rendre, afin que le comité puisse présenter incessamment un rapport général sur tout ce qui intéresse le culte religieux; décrète en outre l'insertion au Bulletin du présent décret. »

C'était aux sentimens du genre de ceux qui soulevaient les populations des campagnes aux environs même de Paris, c'était aux convictions religieuses froissées que s'adressaient les manifestes de la coalition où les défenseurs de la République étaient peints comme des régicides, des hérétiques, des impies, et où les bons Français étaient invités à se réunir sous les drapeaux de Louis XVII. De nombreux écrits de ce genre étaient alors répandus en France, dans les provinces méridionales surtout, par la cour de Madrid et par celle de Londres, ainsi que nous l'apprend une lettre à la Convention (séance du 15 janvier (26 nivôse), écrite de l'armée des Pyrénées-Occidentales, par les représentans Pinet et Monestier. Mais si les paysans, tout en bénissant la révolution, disaient leurs prières, voulaient leurs curés, et s'insurgeaient pour conserver le culte cas tholique, comme le témoigné un des mémoires sur les prisons plus haut analysés, n'était-ce pas préparer le chemin à toutes les intelligences que la contre-révolution tentait parmi eux, que

d'insulter à leur croyance, et d'en poursuivre l'anéantissement?

Le 23 janvier (4 pluviôse), la Convention recevait une nouvelle lettre d'André Dumont : « Les prêtres, disait-il, ont voulu se lever, mais ce mouvement a tourné contre eux; les confessionnaux ont été convertis en guérites; les chaires ne servent plus qu'à la lecture des lois ; les églises sont converties en halles, et le peuple va acheter sa nourriture là où depuis des siècles il allait avaler le poison.»

Les principes au nom desquels l'on devait faire cesser ces criminels abus de pouvoir, furent développés par Robespierre à la séance du 5 février (17 pluviôse). Mais parce qu'il généralisa la question, parce que, tout en proclamant et en définissant le but révolutionnaire, il y rapporta pour les juger les actes des divers partis, nous allons en faire d'abord l'histoire; nous transcrirons ensuite les conclusions de Robespierre.

A la séance de la Convention du 1er janvier (12 pluviôse), les dantonistes recommencèrent contre les agens du pouvoir exécutif, c'est-à-dire contre le comité de salut public, les attaques systématiques qu'avaient interrompues un instant la nouvelle de la prise de Toulon, et les victoires des armées du Rhin et de la Moselle. Au nom du comité des marchés, Charlier fit un rapport sur le mauvais état des fournitures pour l'habillement des troupes, et l'assemblée décréta les fournisseurs d'accusation. Billaud-Varennes demanda qu'au cas où le tribunal révolutionnaire les trouverait coupables, ils fussent envoyés à l'armée pour y être exécutés en sa présence. Bourdon (de l'Oise) prit la parole:

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Bourdon de l'Oise. « Je ne m'oppose pas à la proposition de Billaud; au contraire je l'appuie. Mais, citoyens, il est temps enfin que la responsabilité ministérielle ne soit plus un vain mot dont on se joue avec indécence. Je demande que l'adjoint du ministre de la guerre, chargé de surveiller l'équipement des troupes de la République, soit envoyé au tribunal révolutionnaire. >

Cet adjoint du ministre, dont Bourdon demandait l'acte d'ac

cusation, était son ennemi personnel, Daubigny, contre lequel nous lui avons déjà vu obtenir un décret le 24 septembre précédent. Alors il fut absous par le tribunal révolutionnaire; et lorsque le ministre de la guerre en informa la Convention (30 septembre), Robespierre et Saint-Just montèrent à la tribune pour attester le civisme et les vertus privées de Daubigny. Bourdon profitait maintenant de l'occasion de le faire décréter parce qu'il venait de publier contre lui une brochure mentionnée dans le projet de rapport de Robespierre sur la faction Fabred'Églantine.

La Convention adopta la proposition de Billaud-Varennes et celle de Bourdon. Billaud demanda et fit décréter, par extension de la sienne, que tout général condamné par le tribunal révolutionnaire fût exécuté à la tête de l'armée qu'il aurait commandée. Robespierre se présenta pour défendre Daubigny ; il essaya en même temps de faire remettre en question tous les décrets de détail obtenus à la suite des motions par lesquelles tant d'intérêts et tant de passions contraires concouraient depuis quelque temps à disputer l'initiative au pouvoir.

Robespierre dit : « La joie que vos victoires viennent de faire éclater dans le sein de cette assemblée ne doit point être troublée par l'idée qu'un patriote a été persécuté par vous. On vient de faire traduire au tribunal révolutionnaire un homme zélé pour la République, un homme dont le nom rappelle des services. signalés rendus à la patrie, et qui, dans ce moment, est le coopérateur du comité de salut public, et qui dirige presque seul les opérations militaires; je veux parler de Daubigny. Vous avez dù vous apercevoir, citoyens, lors de sa nomination, combien Daubigny avait d'ennemis. Par quelle fatalité un patriote a-t-il à craindre quand les ennemis de la patrie respirent en paix? Je demande que le décret soit rapporté ; en supposant que le fait qui l'a provoqué fût réel, l'organisation du département de Daubigny est telle, qu'il ne peut connaître que par la dénonciation qu'on lui en fait les dilapidations qui peuvent se commettre. D'ailleurs, les faits peuvent n'avoir pas été assez approfondis,

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