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que les mots de la langue, & même davantage, puifqu'il s'y trouve des caracteres propres à représenter non-feulement une idée, mais les idées collectives d'une phrafe entiere.

A l'égard de l'avantage fingulier qu'il attribue à fa méthode, qui eft de faire comprendre parfaitement à l'enfant tout ce qu'il lit, & de faire paffer dans fon ame fans difficulté toutes les impreffions qu'on veut qu'il éprouve, il nous paroît que cela n'eft vrai que pour les idées attachées aux mots qui représentent des objets réels, mais qu'il fera toujours difficile, ou plutôt impoffible, par quelque maniere que ce foit, de faire comprendre à un enfant une idée abftraite, & tout ce qui compose la métaphyfique de la langue. L'auteur veut enfin qu'on n'apprenne à l'enfant à diftinguer les fyllabes que lorfqu'il faura lire fans héfiter, & qu'on finiffe par les lettres dont les fyllabes font compofées. Ce dernier travail, dit-il, ne doit être qu'une affaire de trois ou quatre jours, & le préparera à l'écriture, laquelle doit néceffairement commencer par la formation des lettres. Tel eft ce fyf tême, qui nous a paru curieux, & appartenir à un efprit inventeur, qui ne s'en laiffe point imposer par l'habitude; l'auteur pourroit fe tromper, & mériter encore des éloges; c'eft ainfi que le génie procede dans fes découvertes, & celui qui ne fe demande pas raifon de tout, n'inventera jamais rien.

. Il est fi naturel à l'homme, de marcher dans les routes déja frayées, qu'il y a bien

peu d'efprits capables de foumettre à l'examen des ufages généralement reçus, & de douter des idées que tout le monde paroît avoir jugées en les adoptant, & qui toutefois peuvent encore être des erreurs. Il ne nous feroit pas difficile de faire quelques objections qui nous paroiffent raisonnables contre la méthode même; mais nous nous en croyons difpenfès : car quelle raifon peut-on opposer à l'expérience? Et les expériences que l'auteur a faites, lui ont prouvé qu'un enfant, à l'aide de fa méthode, fait lire au bout de trois mois. Comme nous fommes très-perfuadés de la fincérité de l'anonyme, nous ne pouvons que l'engager à fe défier des expériences faites par luimême; il eft poffible qu'il ait dû en partie ce fuccès prodigieux au zele de fes leçons & à des foins particuliers dans l'application de fa méthode, qu'on n'eft pas en droit d'attendre de tout autre que de l'inventeur.

Revenons à la grammaire univerfelle. L'auteur s'y propofe une méthode auffi expéditive qu'attrayante, d'après les principes qu'il a expofés dans fon traité fur la nouvelle maniere d'apprendre à lire, pour mettre fes éleves én état d'apprendre en peu de tems une langue étrangere quelconque, & même fans le fecours d'un maître, s'ils renoncent à la prononciation, qui ne peut s'acquérir autrement que par l'oreille. Il cite l'exemple d'une jeune dame qu'il a mife en état, après foixante leçons, d'entendre & d'expliquer l'Enéide, auffi bien qu'un écolier de feconde; & celui d'une autre da

me

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me qui, au bout de deux mois de converfation avec lui, compofoit correctement en italien, & parloit cette langue; enfin, l'exemple encore plus étonnant d'une jeune personne qui a appris, à l'âge de fept ans, à lire & à écrire, avec l'arithmétique fractionnaire, le latin, l'italien, & beaucoup d'allemand, en moins de trois ans. Ces exemples font propres à exciter la confiance des parens & des jeunes perfonnes ftudieufes, en faveur de la méthode nouvelle. Il faut favoir gré à l'auteur d'avoir commencé par donner la grammaire de la langue françoife, dont il fait la base de fa grammaire universelle; il en recommande avec soin l'étude, qui doit conduire à l'étude des langues étrangeres, & il a raifon d'affurer que c'eft parce qu'on ne fait pas bien fa propre langue, que l'on a tant de peine à en apprendre une autre. On conçoit qu'il y a une grammaire générale, commune à toutes les langues, lefquelles ne peuvent être compofées que des mêmes parties du difcours. Ce font ces parties du difcours qui font leurs principes élémen taires; l'auteur s'eft attaché à les raffembler par ordre, à les définir avec clarté, & à en tirer des regles qu'il rend fenfibles par autant d'applications à un grand nombre d'exemples. Il a écarté avec foin toute la métaphyfique de la langue, qui pourroit jetter de l'obfcurité dans fon ouvrage, n'a cherché que la clarté, en retranchant même ce qui doit s'apprendre uniquement par l'ufage, & a plutôt donné un abrégé de grammaire, qu'une grammaire vériTome 11.

E

table; mais cet abrégé même eft la fubftance des principes néceffaires; c'eft un ouvrage vé-. ritablement utile aux commençans, par l'ordre méthodique, d'où naît la facilité de l'inftruc tion, & par l'attention qu'a fans ceffe l'auteur de fe mettre à la portée de ceux qu'il veut inftruire, en ne les fuppofant pas inftruits de ce qu'ils ignorent. Ce défaut eft celui de plusieurs ouvrages fur la langue, très-favans & trèsprofonds, mais qui, par cette raison même, font peu à l'ufage de ceux pour qui ils font

fairs.

(Journal encyclopédique.)

UGOLINO Comte de'Gherardeschi, &c. Le comte Ugolin tragédie. In-8vo. avec cette épi

graphe.

Veftigia græca

Aufi deferere, & celebrare domeftica facta,

Baffano. 1779.

Horat. de art. poet.

Dans un tems où tous les efprits s'occu

pent du théatre, il peut être intéreffant de connoître les productions dramatiques d'une nation qui pouvant le difputer à fes rivales dans toutes les autres branches de littérature, n'a eu jufqu'à préfent que la gloire d'avoir fourni les premiers modeles du drame régulier (*), & d'a

(*) L'Orphée d'Ange Politien; la Sophonisbe du Triffin

&

voir ouvert à fes voifins la carriere où ils l'ont vaincue. C'est dans cette vue que nous nous fommes toujours attachés à annoncer & à faire connoître, autant que nous l'avons pu, les pieces de théatre qui ont paru en Italie dans ces dernieres années; la même raison nous engage à donner de cette nouvelle tragédie une analyfe fuccincte, mais pourtant affez détaillée, pour en faire faifir l'ensemble à nos lecteurs, & les faire juger de l'effet qu'elle peut produire. Ce n'eft pas la premiere fois qu'on a mis fur le théatre en Italie l'événement terrible qui fait le fujet de cette piece; les étrangers s'en font auffi emparés, & les Allemands ont deux tragédies fur ce fujet. Cela n'est pas étonnant, & d'après l'impreffion que fait cette affreufe hiftoire dans le récit énergique du Dante, on peut conjecturer que la représentation doit en être encore plus frappante. Cependant comme l'action principale fe paffe dans une tour dont on jetta la clef dans l'Arno, au rapport de Jean Villani, pour y faire mourir de faim le comte Ugolin avec fes deux fils & fes deux petits fils, il n'eft guere poffible d'accommoder ce fujet au théatre fans manquer à la vérité historique, & par conféquent fans affoiblir l'illufion & diminuer l'effet tragique, qui tient beaucoup dans ce cas à l'exactitude de l'imitation (*). La même diffi

(*) Il paroît donc que M. Ducis a tiré de cet évé nement tout le parti qu'on pouvoit en tirer au théa,

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