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eft-elle utile? De pareilles questions ont été faites fouvent dans les écoles; mais de nos jours on ne les fait plus, & on n'y répond plus; M. de Marque a bien voulu fe donner cette peine ; & ce n'eft affurément pas la partie de fon travail dont on lui faura plus de gré. On aimera mieux entendre raifonner le médecin, qui, après cette efpece de digreffion, revient aux devoirs des malades, auxquels il prefcrit l'obéiffance; il ne se borne pas à leur faire voir les risques qu'ils courent en manquant de docilité; il leur cite encore plufieurs paffages de l'écriture fainte, qui leur en fait un devoir. Ces autorités font fans doute respectables; mais on ne les écoute que lorfqu'on a de la confiance en fon médecin; & cette confiance, comme l'on fait, ne fe commande pas: on ne peut pas donner des préceptes fur cet article important; le choix d'un bon médecin la fera fans doute naître, & M. de Marque indique les moyens auxquels on peut le reconnoître. Il s'éleve contre l'opinion générale qui fe déclare en faveur d'un vieux médecin, parce qu'on le fuppofe avoir plus d'expérience; & il obferve qu'il peut s'en trouver dont les progrès ont été lents, & qui ne valent pas à 60 ans un médecin de 30 à 35 ans; à cet âge, il mérite la confiance publique; & depuis ce terme, tant que fon efprit conferve fa vigueur, il la mérite encore mieux.

M. de Marque ne manque pas de travailler auffi à prémunir fes malades contre les tempi

tiques. On fait avec quel empreffement la plu part femblent les rechercher & s'abandonner à eux, lorsqu'ils en ont besoin. » Qu'on pro» mene dans les rues, difoit un médecin, une » figure de bois, par le moyen de certains » refforts, en lui faifant dire caffe, manne, fe» né, &c. je fuis fûr qu'elle trouvera des pra »tiques, principalement fi elle a un peu de » mine car on mefure fur-tout le médecin » & le charlatan à la mine & aux autres gen» tilleffes du corps. C'est une chose surpre» nante, difoit St. Jérôme, ajoute M. de Mar» que, dont nous avons remarqué le goûr » pour l'autorité des peres de l'églife, que les » personnes de tout état, même celles du plus » bas métier, foient obligées de l'apprendre » avant de pouvoir l'exercer, & qu'il n'y ait » que la feule profeffion de la médecine qu'il »foit permis de pratiquer fans s'en être inf >>truit convenablement. « L'auteur, à cette occafion, cite la plaifanterie de Roquelaure, qui, pour prouver au roi que rien n'étoit plus commun que les médecins en France & à la cour, s'afflubla la tête d'un bonnet & d'une ferviette, & portant fa main à fa joue, alla fe placer dans les lieux les plus fréquentés du palais. Tous ceux qui paffoient, croyant qu'il avoit une fluxion, ne manquerent pas de le plaindre & de lui indiquer des remedes dont ils vantoient les effets miraculeux.

Parmi les devoirs du malade, l'auteur n'oublie pas celui de la reconnoiffance, & cela eft naturel. » Elle est, dit-il, fondée sur l'équité

la plus évidente, fur la loi du tien & du » mien, loi facrée & inviolable qui prefcrit auffi » qu'elle foit proportionnée aux facultés du » malade & aux fervices qui lui ont été ren » dus; mais, outre la récompense pécuniaire, » ajoute t-il, la reconnoiffance du malade em» braffe encore ce fentiment noble & géné »reux de la confcience, que confervent des » ames fenfibles qui ont reçu des services ou » des bienfaits. « Nous ne nous arrêterons pas fur les confeils que l'auteur donne à ceux qui affiftent, foignent & fervent les malades; ils font fans doute importans. » J'ai connu, » dit-il, un médecin qui répétoit souvent : Bon n Dieu, quand ferez-vous ceffer les défordres & n les infidélités des affiftans, afin que nous puif

fions avec quelque affurance rendre la fanté à » nos pauvres malades? Ce médecin étoit le » célebre Bordeu, dont les talens fupérieurs, » le zele ardent pour fon état, ont fait l'ad>> miration de tous ceux qui l'ont bien connu. «

Dans les derniers chapitres de l'ouvrage, où l'auteur préfente les devoirs du médecin envers le malade & les affiftans, il revient encore fur les qualités que doit avoir un médecin, & particuliérement fur les vertus morales qu'il doit réunir, comme la piété, le zele, l'activité, la complaisance, la douceur, l'affa bilité, la modeftie, le défintéreffement. Il cite à l'occafion de cette derniere vertu, le diftique que l'on fit pour fervir d'épitaphe à Sylvius, médecin célebre & profeffeur de la faculté de Paris.

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Sylvius hic fitus eft, gratis qui nihil fecit unquam : Mortuus & gratis quod legis ifta dolet. :

» Cy gît Sylvius, qui ne fit jamais rien pour » rien, & qui maintenant qu'il eft mort, pleure » de ce que tu lis gratis fon épitaphe. « Ce que M. de Marque, femble exiger le plus d'un médecin, c'est la prudence. Il confacre plufieurs chapitres pour recommander cette vertu aux jeunes médecins.

Le dernier chapitre n'eft pas le moins curieux; car on y traite affez au long de la fortune & de la réputation du médecin, deux chofes qui ne vont pas toujours ensemble. M. de Marque fe fâche contre certains hommes. dont l'injuftice eft fi marquée, qu'ils refufent même aux médecins, le mérite des cures qu'ils font, en les rapportant à Dieu, & qu'ils leur imputent tous les mauvais fuccès, laiffant à part alors la die vinité.

Ce petit ouvrage, quoique négligé pour le ftyle, contient d'excellentes réflexions & de très-bonnes inftructions fur la maniere dont fe doivent conduire le médecin, le malade & ceux qui le foignent. On doit le confidérer comme un recueil d'avis falutaires à la fanté, & de réflexions fouvent amufantes, capables de récréer le malade & les affiftans.

(Journal encyclopédique; Journal de littérature, des fciences & des arts; Journal de Nancy; Gazette falutaire.)

FABLI AUX, ou Contes du XIIe. & du XIIIe. fie cle, traduits ou extraits d'après divers manufcrits du temps, avec des notes hiftoriques & critiques, & les imitations qui ont été faites de ces contes; depuis leur origine jusqu'à nos jours. 3 vol. In-8vo. Prix, 15 liv. reliés. A Paris, chez Onfroy, libraire, quai des Auguftins. 1779.

Lorfqu

Orfque les feigneurs François eurent anéanti l'autorité royale, pour devenir eux-mêmes des tyrans plus odieux que le fouverain le plus defpotique; lorfque le royaume fe trouva divifé en mille gouvernemens particuliers, ennemis de toute fubordination, prefque toujours en guerre les uns contre les autres: alors chaque feigneur ifolé dans fa forteree, y paffoit la plus grande partie de fes jours. La cour n'étoit plus le rendez-vous de la nobleffe ambitieufe; & la capitale, loin d'être, comme aujourd'hui, le centre des affaires & des plaisirs, offroit à peine l'image d'une de nos villes du fecond ordre. Aucun amusement public ne réuniffoit les citoyens, excepté les fêtes de la chevalerie, qu'on célébroit par intervalles fouvent très-éloignés. Il fallut bien imaginer des plaifirs affortis à ce nouvel ordre de chose. Car, que faire au milieu d'un château, pendant les longues nuits de nos longs hivers? On prit donc le parti de s'amufer, comme les

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