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tendre que jufqu'à la femaine fuivante pour être unis & heureux. Peut-être que, dans l'intervalle de leurs travaux, ils s'entretenoient de leurs habits de nôces: ce qu'il y a de certain, c'est que Jean s'amufoit à affortir un bouquet de fleurs champêtres, les plus analogues au teint de Sara. Au milieu de cette douce occupation, entre deux & trois heures après-midi, le ciel commença à fe couvrir d'un nuage noir, dont il partit bientôt de fi violens coups de tonnerre & de fi terribles éclairs, que tous les laboureurs fe fauverent pour chercher quelqu'abri. Sara s'évanouit de frayeur fur un tas d'orge. Jean, qui ne la quittoit jamais, fe tenoit près d'elle, & l'avoit entourée & couverte de gerbes pour la garantir de l'orage. Un inftant après, on entendit un coup affreux : cha cun de ceux qui s'étoient fauvés, cria à fon voifin, s'il n'avoit pas été frappé de la foudre: aucune réponse ne venant de l'endroit où les deux amans étoient tapis, on s'avança vers la meule d'orge, qu'on trouva fumante & le tendre couple fans vie. Jean avoit une main autour du cou de Sara, & l'embraffoit de l'autre, comme s'il avoit voulu la garantir du tonnerre. Ce fut dans cette tendre attitude, qu'ils pafferent en un inftant de la vie à la mort. La paupiere de l'œil gauche de Sara étoit un peu brûlée, & l'on apperçut une tâche noire sur fon fein. Son amant étoit tout noir. Leurs compagnons leur rendirent le trifte devoir de les tranfporter au village, où ils furent enterrés le lendemain, dans le cimetiere de Stanton,

Harcourt. Mylord Harcourt les honora d'une pierre sépulchrale, pour laquelle Pope fit une épitaphe (*), qui perpétuera la mémoire de ces amans infortunés.

De toutes les collections des œuvres de Pope qui ont paru jufqu'ici, il n'en eft aucune fur laquelle celle-ci ne doive obtenir une jufte préférence: elle eft, fans contredit, la plus complette & la plus correcte; & tout-à-la fois la plus riche & la plus élégante par fon exécution typographique. Les foins & les dépenfes du libraire, à cet égard, mériteroient feuls de faire admettre cet ouvrage dans tous les beaux cabinets de livres, quand même le mérite de Pope ne néceffite roit pas cette acquisition.

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(Année littéraire; Journal de littérature, des fciences & des arts; Mercure de France; Journal de Paris; Affiches & annonces de Paris.)

(*) En voici la traduction : » Ci-giffent Jean Hower » & Marie Drew, jeune homme adroit & fille sage » de cette paroiffe, qui, travaillant à la moiffon, avec plufieurs autres, furent frappés de la foudre, le der»nier jour de juillet 1718. Ne t'imagine pas que la » mort foudaine de deux amans fi fideles foit un ju »gement rigoureux de la providence. Il n'appartiene qu'à des victimes pures d'être confumées par un feu » célefte. Aime la vertu ; & garde-toi bien d'être effrayé d'un trépas fubit. Quand Dieu fait defcendre » au tombeau l'innocence, il eft également jufte, en quelque-tems qu'il prononce cet arrêt : la même miféricorde ôte la vie ou la conferve. «

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Le guide du malade, ouvrage de médecine, philofophique & moral; par M. DE MARQUE, docteur en médecine. Vol. in-12. de 300 pag. A Paris, chez l'auteur, place Cambray, & chez Berton, libraire, rue St. Victor; à Nancy, chez Mathieu. 1779.

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L ne fuffit pas pour la guérifon d'une » maladie, que le médecin faffe fon devoir; » il faut auffi que le malade & les affiftans faf» fent le leur, & que toutes choses foient dif» pofées convenablement. «

C'eft le fens du premier aphorifme d'Hyppocrate, qui fert d'épigraphe à cet ouvrage, & qui en indique le but. L'auteur s'eft propofé de préfenter ici les devoirs du malade, ceux des perfonnes qui le fervent, & ceux des médecins. Le premier & le fecond article font les plus étendus; le dernier l'eft beaucoup moins, parce que M. de Marque a fuppofé que les médecins doivent connoître les fources où ils peuvent puifer leurs maximes de conduite; il fe borne à quelques regles de fageffe & de prudence que l'expérience feule peut apprendre, & qui feront utiles aux jeunes praticiens qui ne peuvent les avoir encore acquifes.

Le premier devoir du malade eft la patienqui modere ou éteint les mouvemens défordonnés des fens intérieurs, irrités par la

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douleur, la longueur d'une maladie, & le de fir de s'en voir délivrer. Son effet eft de rétablir le calme, qui facilite le fuccès des efforts de la nature & de l'art pour opérer la guérison. Il doit auffi fe défendre de l'abattement & du découragement, qui font encore des obftacles redoutables à la cure, & dont on ne triomphe pas toujours. Le fecond devoir, celui qui eft le plus fortement recom mandé, eft d'appeller promptement un médecin. La force naturelle des organes eft bornée; il ne faut pas attendre qu'elle ait diminué au point de ne pouvoir feconder la vertu des remedes. L'importance de ce précepte, & les conféquences qui résultent de fa négligence, font fenfibles. Une efquinancie, par exemple, qui eft une maladie de la gorge, accompagnée d'une grande difficulté d'avaler & de refpirer, fe guérit ordinairement en 8 jours, lorf que le médecin a été averti de bonne heure; s'il ne l'eft pas avant le 3e. ou le 4e. jour, la guérifon eft plus incertaine, plus difficile, & en demande quelquefois plus de 10 ou de 12. M. de Marque cite une multitude d'autres exemples qui le mettoient en état de prou ver qu'il meurt en France, tous les ans, près de 400,000 perfonnes de maladies négligées.

On s'attend bien que dans un ouvrage de la nature de celui-ci, on devoit infifter fur la néceffité & l'utilité de la médecine. » Cette » fcience, dit M. de Marque, tient le premier "rang après la religion. Celle-ci, fondée fur » la révélation, & marquée en tout au sceau

» de la divinité par les oracles des prophêtes, »jouit fans doute de la prééminence qu'aucune » connoiffance humaine n'oferoit lui difputer.

La médecine, fondée fur une bafe inébran»lable, eft honorée jufques dans les livres » faints; elle paroît avoir été donnée aux » hommes pour réparer en quelque forte la » foibleffe attachée à leur nature, ou les fui»tes du péché originel, qui fut la fource de » toutes nos maladies. La médecine joua le » premier rôle dans la religion payenne, qu'on » fait n'avoir été qu'une espece d'héréfie ou de » fchifme qu'enfanterent les paffions des hom»mes; les oracles en faifoient l'appui de leurs » décisions, les rois l'appui de leurs trônes; les » temples ne retentiffoient que de guérisons & » de remedes; les grands parmi les Egyptiens » furent prefque tous prêtres & médecins. En» fin notre art eft auffi ancien que l'homme; » il remonte jufqu'au fiecle des prophêtes & » des héros; tous les hommes faints & céle»bres, tels que Salomon, Tobie, Moïfe » Ifaïe, le cultiverent ou le préconiferent, & » il forme un lien très-intime avec la reli»gion. «

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D'après cette liaifon de la médecine avec la religion, l'auteur fe croit en droit de parler quelquefois en théologien; il examine en conféquence quelques questions qui tiennent plus à l'une qu'à l'autre. Telle eft, par exemple, celle qui naît du dogme de la fatalité. Si nos jours font comptés, & le terme de notre vie irrévocablement déterminé, la médecine

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