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renvoyez-les au lieu qui les a vu naître rendue aux champs de fes peres, cette lie du peuple fécondra la terre.

Il est évident que ce projet fuppose dans chaque paroiffe, un fonds deftiné à la nourriture & à l'entretien des pauvres. Mais d'où tirer les fonds néceffaires pour cet établissement? C'est ce qu'on examinera ailleurs plus en détail. On fe contente d'observer ici que quand même il faudroit en venir à une taxe générale & proportionnelle fur tous les laboureurs, fermiers & autres habitans aifés, perfonne n'en devroit être effrayé. En effet, il ne s'agit pas précisément d'impofer une charge nouvelle il n'eft queftion que de donner un objet plus légitime & plus utile à une charge que nous portons dėja. Nous nourriffons des vagabonds & des pauvres de tous les pays; & on nous propose l'obligation de nourrir, au lieu de ces honimes errans & étrangers, par rapport à nous, voifins & nos compatriotes.

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Si l'on veut n'avoir plus de mendians, il eft encore néceffaire de fupprimer l'aumône publique fecourez les pauvres chez eux, mais ne donnez jamais rien à ceux qui mendient. On emploie ici un chapitre auffi-bien écrit que bien refléchi, pour faire fentir la néceffité d'obferver cette regle.

Dans un autre chapitre, on prouve qu'il faut diminuer le nombre des hôpitaux, & n'en réferver que la quantité fuffifante pour ý recevoir les incurables, les malades fans afyle, les vieillards abandonnés.

Non-feulement il convient de réduire le nombre des hôpitaux, mais il eft encore effentiel de réformer ceux qu'on voudra conferver. D'abord il faut placer les hôtels-dieu hors des vil les, ou du moins à leur extrêmité: on en fent aisément la raifon. H eft de plus néceffaire de divifer les hôpitaux, de limiter la quantité de malades qui y feront reçus, & de les féparer autant qu'il fera poffible les uns des autres; enfin, on propofe de prendre pour modele la maifon de charité de Lyon. De tous les hôpitaux du royaume, il n'en eft point, dit on, qui foit mieux entendu, excepté peut-être l'hô pital de Verfailles.

Tous ceux qui connoiffent l'ordre admirable qui y regne, ne peuvent fe laffer d'en faire l'éloge. La réputation des hôpitaux de Lyon eft fi grande, que le feu roi de Portugal fit lever le plan des bâtimens, & demanda communication des ftatuts & réglemens qui s'y obfervoient, dans le deffein, fans doute, de former à Lisbonne un établiffement femblable. Lorfqu'on demandoit à monfieur le marquis de Pignatelli, ambaffadeur d'Efpagne, ce qu'il avoit trouvé de plus beau en France, il répondoit que les hôpitaux de Lyon & leur régie, l'avoient par-deffus tout ravi d'admiration; & l'on affure que c'eft auffi le monument qui a le plus frappé le nouvel Augufte qui a derniés rement vifité la France.

Viennent enfuite des réflexions fur les défor dres qui fe font gliffés dans l'adminiftration des hôpitaux, & fur les moyens de remédier à ces abus,

Le projet d'éteindre la mendicité, embrasse néceffairement celui de former des établiffemens utiles, dont les uns foient deftinés à foulager la mifere préfente; les autres à prévenir, autant qu'il eft poffible, la mifere future, & à faire trouver des reffources dans les grandes calamités.

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Il faut chercher d'abord les moyens de fou. lager les miferes ordinaires, les miferes. courantes. Le premier de ces moyens, feroit d'établir dans chaque ville du royaume un bureau de charité, compofé de citoyens honnêtes, remplis de droiture & d'humanité, de personnes diftinguées, foit dans l'églife, foit dans la nobleffe, foit dans la robe.

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Les bureaux étant formés, il s'agira de fe procurer des fonds pour fubvenir au foulagement des pauvres; ces fonds feront hypothé qués fur les biens dés hôpitaux fupprimés, & fur la charité publique : on propose ici divers moyens pour recueillir les pieufes libéralités des perfonnes bienfaifantes. On préféreroit la voie de la foufcription, comme la plus fimple, pour lever ces contributions, qui d'ailleurs feront libres & volontaires. On prouve par des faits, des exemples & des calculs, que ces fonds de charité fuffiroient pour fubvenir au foulagement de tous les pauvres; fuivent des plans & des arrangemens pour la diftribution des aumônes on y entre auffi dans quelques détails fur les reffources qu'on pourroit employer pour secourir les pauvres honteux, & les perfonnes que quelque malheur imprévu au

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Foit précipité, d'un état honnête ou même opu lent, dans l'indigence.

On s'occupe enfuite des enfans trouvés & des orphelins. A l'occafion des premiers, l'un des auteurs concurrens fait des obfervations intéreffantes, que nous ne pouvons nous empêcher de tranfcrire ici.

Les fruits du libertinage étoient fouvent fa crifiés au faux honneur, lorfque ce bienfaiteur de fon fiecle & de l'humanité, S. Vincent de Paule, vint lui offrir un afyle.

La premiere année de cet établissement, 1670, le nombre des enfans trouvés fut de 312; dix ans après, il fut de 890; en 1700, le nom bre montoit à 1738; en 1740, il fut de 3140. Il a plus que doublé au bout de trente fix ans, puisqu'en 1776, on en a compté jusqu'à 6419. C'eft plus du tiers des enfans qui naiffent dans Paris, dont le nombre total, de la même année, n'étoit que de 18919. On affure que dans l'hiver de la même année, il y eut à Metz, 900 enfans expofés; ce feroit plus du double des enfans expofés à Paris, fi l'on compare le nombre des habitans de ces deux villes. Cette fatale progreffion mérite fans doute l'attention du gouvernement.

donné trop

On a, dans ces derniers tems, de facilité aux libertins de charger le public de nourrir les fruits de leur débauche. Cette facilité a multiplié le libertinage dans toutes les 'villes, & prefque dans toutes les campagnes : elle devroit être reftreinte. Des perfonnes, quelquefois fi prodigues pour contenter leurs paf Tome II.

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fions, devroient être forcées de les payer après les avoir fatisfaites. On ne devroit nourrir que les enfans de ceux qui feroient hors d'état de les nourrir eux-mêmes.

La plupart de ces enfans font perdus pour l'état, ils meurent prefque auffi-tôt leur naiffance. Par un relevé des baptêmes & mortuaires dans les provinces de l'ifle de France, de la Normandie, de la Tourraine, du Dauphiné, comparé avec celui de la ville de Lyon, le nécrologe des enfans avoués & des enfans délaiffés, offre une différence prodigieufe. Il meurt, dans la premiere claffe, les quatre neuviemes, depuis la naiffance, jufqu'à la vingtieme année révolue cinq années font à peine écoulées, que plus de la moitié des enfans trouvés à Paris font morts. Supposons, d'une part, foixante mille enfans avoués, & de l'autre, foixante' mille enfans trouvés: Paris, en moins de dix ans, fournit ce nombre pour les derniers dans la premiere claffe, la mort enlevera en vingt ans, treize mille trente deux perfonnes, & dans la feconde, cinquante quatre mille. Cherchons la caufe de ce mal.

Il en eft deux principales, ce femble: le tranfport & le mauvais air. Les tendres victimes. font recueillies de lieue en lieue, par des mains dures & mercenaires. Combien fuccombent à l'intempérie des faifons, aux fatigues des voyages, au défaut ou au vice de la nourriture, avant que d'arriver au dépôt : presque tous les enfans qu'on transporte de Lorraine par Vitry, périffent dans cette ville. Jugeons par-là,

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