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se fait entendre; mais que plufieurs voix chantent en même-tems des parties harmoniquement diftribuées, l'oreille, en les diftinguant toutes, reçoit l'impreffion de ces voix réunies, comme elle recevroit l'impreffion d'une feule voix. Dans ce mêlange de fons afiliés par l'harmonie, la mélodie fe montre claire & diftin&te : elle eft le résultat de tout ce que l'oreille entend. Ainfi l'harmonie exifte implicitement dans la mélodie, la mélodie exifte implicitement dans l'harmonie. On ne peut dire laquelle des deux engendre l'autre; elles s'engendrent réciproquement; & dans le fens implicite, elles ne peuvent fubfifter l'une fans l'autre. Mais l'harmo¬ nie eft tributaire & fujette de la mélodie; elle ne doit rien ofer que de l'aveu de celle qui lui commande.

Tel eft le précis exact de vingt-deux chapitres dont cet ouvrage eft compofé: nous n'avons pu préfenter que le résultat de chacun de ces chapitres; ce qui nous a paru le plus important a été de faire connoître les idées de l'auteur. Quant à fa maniere, on ne peut T'entrevoir que très-foiblement dans cet extrait, quoique formé prefque par-tout des propres termes de l'ouvrage; mais nous n'en avons pris que ce qui exprime la fubftance des idées principales; nous n'avons pu faire connoître les idées acceffoires qui en font le développement, les comparaifons, les exemples qui les éclairciffent; les mouvemens d'éloquence qui les animent; les rapprochemens, le parallele des différens arts; enfin, tous les agrémens de détail

qui répandent dans tout l'ouvrage la variété & la vie; l'auteur parle à l'imagination auffibien qu'à la raison, & ce n'eft pas fans droit qu'il cite pour fes modeles, chez les Grecs, Longin & Denis d'Halicarnaffe; chez les La- . tins, Cicéron & Quintilien.

Un grand mérite encore de cet ouvrage, c'est qu'il est par-tout à la portée de ceux mêmes qui n'ont aucune connoiffance de la mufique; enfin, c'eft un titre diftingué que l'auteur ajoute encore à tous fes titres littéraires.

Cet ouvrage doit avoir une feconde partie : & la premiere, quoiqu'elle forme un tout complet, la fait certainement defirer.

(Journal des Savans.)

COSME DE MÉDICIS, grand-duc de Tofcane, ou la nature outragée & vengée par le crime, poëme. Par M. MERO. A Paris, chez Gueffier, imprimeur - libraire, au bas de la rue de la Harpe, vis-à-vis la rue Saint-Severin, à la Liberté; & Moutard, libraire de madame la Dauphine, rue du Hurepoix, à S. Ambroife. Avec approbation & permiffion. Petit in 8vo. 112 pag. & les préliminaires 16.

Cofme, fils de Jean de Médicis, & aïeul de

la

Marie de Médicis, fut un prince distingué par politique & par l'amour des lettres. Son regne

fut long & illuftre; il eût pu passer pour heureux, fans la terrible & funefte aventure de deux de fes fils, » Jean, l'aîné de ces deux » princes, étoit d'un caractere doux & bien» faifant; Garcias, le cadet, avoit l'ame bar» bare; les vertus de fon frere exciterent sa ja»loufie. Un jour qu'ils étoient ensemble à la » chaffe, ils fe trouverent par hafard féparés » de leurs gens; Garcias ne laiffa pas échap» per l'occafion d'affouvir fa rage; il s'élança » fur Jean, le tua d'un coup de poignard, & » rejoignit ceux de fa fuite, fans paroître ému » de fon forfait.

» On trouva le cadavre fanglant; le meur» trier diffimula comme auroit pu faire un » fcélérat nourri depuis long-tems dans le crime; » mais le pere fe doutant de la vérité, ren» ferma fa douleur, & fit publier que fon fils » étoit mort fubitement. Le jour d'après il or» donna à Garcias de le fuivre dans le lieu où » étoit étendu le corps du prince affaffiné : là, » le défespoir & la douleur s'emparent de l'ame » de Cofme: Voilà, (dit alors ce pere infor

tuné) voilà le fang de votre frere qui vous accufe & demande vengeance à Dieu & à moi» même. Garcias fit l'aveu de fon forfait; mais » il accufa Jean d'avoir voulu attenter à fes » jours. Le pere, loin de recevoir ses excuses, » le tua du même poignard dont Jean avoit été » affaffiné. «

Tel eft le fujet de l'ouvrage que nous annonçons; fujet mieux expofé dans cette profe du difcours préliminaire que dans les vers du

poëme. Voici le parallele que le poëte fait des deux freres :

L'un fut fage & foumis, l'autre plein de caprices.
Jean eut plufieurs vertus, Garcias tous les vices.
L'un voulut mériter l'hommage des mortels;
L'autre du crime feul encenfa les autels.
Jean avoit la candeur peinte fur fon vifage,
Garcias la laideur & le maintien fauvage.
Chez l'un & l'autre enfin tout fut fi différent,
Qu'on doutoit s'ils étoient iffus du même fang.

L'auteur, pour rendre Jean plus intéreffant, a cru devoir lui donner une maîtreffe; il la nomme Herzilie. Si l'on veut connoître comment l'auteur fait peindre l'amour, on en peut juger par les vers fuivans:

Avec les yeux de Jean les fiens fe rencontrerent.
Elle pâlit, trembla, tous fes fens fe troublerent.
Quels defirs, quels tranfports entrerent dans fon cœur!
Enivrée à l'inftant d'une douce langueur,
Elle ne put former aucune résistance :
L'amour, de ce héros, avoit pris la défense.
A peine elle le vit que fon cœur fut aimer.
Et quel autre que Jean auroit pu l'enflammer?
C'étoit le feul mortel digne de fa tendreffe.
Son port majeftueux, fa taille, fa jeuneffe;

Son maintien, en un mot, ces dons chers & charmans
Que recherchent en vain tant d'orgueilleux amans,
Mais qu'on tient seulement des mains de la nature,
Les charmes de l'efprit & ceux de la figure,
Forcerent Herzilie à lui céder fon cœur.
Elle n'obligea pas un perfide vainqueur,

Avant de tracer ce tableau, avant de pein

dre ainfi Herzilie & son amant, l'auteur avois pris foin de rappeller le fouvenir d'Armide & de Renaud. Obfervons que l'événement tragique qui fait le fujet de ce poëme, forme un probleme hiftorique. Il fe trouve, à la vérité, dans le trente-unieme livre de M. de Thou, mais il n'étoit pas dans la premiere édition, & n'a été ajouté que dans celle de Geneve après· la mort de M. de Thou; ce qui fait que beaucoup. d'auteurs rejettent ce fait, & croient que les deux freres moururent de la pefte, comme le grand duc le fit publier.

Pour ne rien négliger de ce qui peut jetter quelque jour fur le fait dont il s'agit, nous allons inférer ici la traduction de deux lettres qui n'avoient point encore été publiées, & que l'on vient d'extraire de l'ancien fecrétariat de Florence. La premiere de ces lettres fut écrite par Cofme au prince François, fon fils, qui fe trouvoit alors en Espagne, pour lui appren dre la mort du cardinal. Dans la feconde, écrite peu de tems après, le grand-duc inftruit for miniftre, alors résident à la cour d'Espagne, de la perte qu'il fit fucceffivement de Don Garcias fon autre fils, & de fon épouse Eléonore de Tolede. Sans douter de l'authenticité de ces deux pieces, qui donnent à ces morts une cause bien différente de celle que leur attribue l'opinion commune, chacun fera libre de leur donner le poids qu'il croira qu'elles méritent.

» Mon fils, puiíque c'eft Dieu qui nous a » fait naître, il faut prendre le bien & le mal » comme venant de fa main; nous ne devons

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