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»ler avec art fur un fonds très-riche les fleurs » qu'Homere & Virgile lui ont fournies. Le » génie affifté du savoir & nourri d'excellentes » lectures peut donner de la grace à un ou» vrage compofé fur un plan qui n'est pas en» tiérement conforme aux loix rigoureuses du » goût.

» La Bible, l'Iliade & les ouvrages de Shakef»peare (*) font reconnus pour les livres les » plus fublimes qui ayent paru dans le monde. "Ils font auffi très-fimples, & leur fublimité.

affecte davantage le lecteur, parce que les » efforts des auteurs pour y atteindre ne ba

lancent point l'attention qu'elle excite. Ceux » qui ont lu Longin doivent fe rappeller, que » les exemples cités par ce grand maître ne

font pas remarquables par l'éclat ou la pompe » du ftyle, & que la fublimité de ces passa»ges provient de l'énergie de la penfee rele»vée modeftement par la propriété de l'expref» fion.

» Aucun auteur n'a été plus généralement » approuvé que Xénophon. Cependant ce n'eft » pas l'éclat des pensées ni la majesté du style » qui diftingue fes écrits; on n'y trouve rien » d'élevé, rien d'embelli par des figures; il ne » court point après les ornemens fuperflus. Son » mérite eft une élégance fans affectation, & à » laquelle l'affectation ne peut atteindre. Les >> graces femblent s'être réunies pour former

(*) C'est un Anglois qui parle.

» le

» le tiffu de fa compofition; & cependant il » n'attachera peut-être pas le lecteur ordi»naire, parce que le ton aifé & naturel de » fa narration, ne cause aucune émotion vio» lente. Des efprits plus délicats le lifent avec » délices; & Cicéron rapporte du grand Sci» pion, que lorsqu'il avoit une fois ouvert » les ouvrages de Xénophon, il fe faifoit vio»lence pour fermer le livre. Son ftyle, dit » le même Cicéron, auffi bon critique que grand » orateur, eft plus doux que le miel, & il fem» ble que les mufes elles-mêmes aient parlé » par fa bouche....

» Cicéron, qui fentoit & apprécioit fi bien » le mérite de cette fimplicité de Xénophon » n'eft pas à l'abri du reproche de s'en être » écarté quelquefois. Il adopta la maniere afia»tique dans quelques-unes de fes harangues, » qui font plus verbeufes, plus diffuses, moins » dégagées d'affectation qu'elles ne devroient » l'être pour fatisfaire la délicateffe d'un goût » vraiment attique. Mais c'eft un genre de » présomption qui tient du facrilege que d'at» tenter le moins du monde à la gloire fi bien » méritée d'un homme qui, dans fa vie & dans » fes écrits, s'eft élevé à la plus haute perfection » dont la nature humaine foit fufceptible....

» La fimplicité n'eft pas en général le ca»ractere diftinctif des écrivains anglois... Mais » les ouvrages d'un Addiffon & d'un Sterne, & » l'accueil qu'ils ont reçu chez nous, peuvent » venger la nation du reproche de manquer de » goût pour les beautés fimples. On a beauTome 11.

F

» coup imité les anciens en Angleterre, & » par-tout où cela arrive, le goût fimple doit » l'emporter quelquefois fur le gothique. Il faut » donc espérer que la maniere allemande ne » prévaudra pas fur la maniere attique.

» Ecrire d'une maniere fimple & coulante eft » une chofe qui paroît aifée dans la théorie; » mais pour un petit nombre d'auteurs qui ont » heureusement faifi cette maniere dans la » pratique, combien ont donné dans les or» nemens faux & fuperflus! La plus grande » partie de nos écrivains paroît avoir pris la » corpulence pour la force, & avoir con» fondu avec la maigreur, la finesse de la taille » dans un corps agile & fain. Le goût des or» nemens brillans eft plus général que celui

de la beauté fymmétrique & de l'élégance » des proportions; & beaucoup d'auteurs auffi » peu judicieux que Néron, ne font pas con» tens qu'ils n'aient gâté, en la dorant, la fta» tue de Lyfippe.

Ces effais, nous le répétons, font remplis d'excellentes réflexions, & la lecture en eft très-propre à épurer le goût qui tend plus que jamais à fe corrompre. Ce n'est pas que l'auteur ait toujours raifon; mais on s'apperçoit aifément quand il a tort, & fes erreurs qui tiennent prefque toutes à une trop grande févérité, ne font pas de l'efpece la plus dangereuse.

(Critical Review.)

JACOB-JONAS BJOERNSTAHL, &c. Lettres de M. BJOERNSTAHL, &c. Ier. & Ile. vol.

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SECOND EXTRA I T.

XV. LETTRE. De Rome, le 19 mai 1771.

IL y avoit 23 vaiffeaux de guerre dans

le port de Toulon, lorsque les vents contraires nous forcerent d'y relâcher au commencement de décembre 1770. Quoique l'entrée de l'arfenal y foit ordinairement interdite aux étrangers, nous eûmes la faveur d'y être conduits par le comte de Sparre, chevalier de Malthe, garde de la marine, fils du général de Sparre qui demeure à Auxerre. Mais il eft défendu d'en parler, & c'eft un prétexte fort à propos pour moi de cacher mon ignorance des attirails de mer & de guerre. Le comte de Sparre nous introduifit auffi chez Ibrahim, envoyé de Tunis nouvellement débarqué, homme vénérable & poli à fa maniere. Il nous préfenta d'excellent café. Son fils prit du fucre en poudre avec les doigts, & nous en mit abondamment dans nos taffes. Toute fa fuite, compofée de 15 perfonnes, parloit arabe. Il marqua de la fatisfaction de voir en moi un ama teur de fa langue. «

» Le vaiffeau dans lequel nous nous étions embarqués pour l'Italie, y transportoit auffi

des Arabes & des Malthois, qui caufoient enfemble & s'entendoient bien, quoique l'arabe - de Malthe ne foit pas auffi pur que celui d'Afie & d'Egypte. Cela nous fit remarquer l'erreur de quelques favans qui ont prétendu que la langue du peuple de Malthe n'est point l'arabe, mais l'ancienne langue punique ou carthaginoise. Voyez MAJUS, in fpecimine linguæ punica in hodierná melitenfium fuperftite: & AGIUS, qui a publié un livre italien: Della lingua punica pre fentemente ufata da Maltefi, in Roma, 1750, in-8vo. dans lequel on trouve une grammaire carthaginoife & un Specimen lexici punici malthenfis. Agius a auffi donné une explication fort différente de celle de Bochart, de la scene de Plaute, où il fait parler Hannon de Carthage en fa langue. «

"Nous ne mîmes que quatre jours à aller de Toulon au port de Civita-Vecchia à 14 lieues de Rome. La marine du pape y confifte en deux grande frégates bien équipées, & 6 galeres manœuvrées par des malfaiteurs qui font un bruit effrayant avec leurs chaînes, comme à Marseille & à Toulon. Au lieu d'un jardin nous vîmes prefque un défert & des phyfionomies mal faines. On prétend que le mauvais air eft caufe de la trifte fituation de ce pays : mais il y a bien de l'apparence qu'elle vient de la pareffe extrême des habitans, & que s'ils devenoient auffi laborieux que les anciens Romains, il floriroit comme autrefois. La terre eft graffe & ne demande que des bras. «<

» Le nom Suédois eft en poffeffion d'une

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