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EPITRE A M. DE S.... chevalier de St. Louis, par M. l'abbé de S.... fon frere. A Paris, chez L. Jorry, imprimeur-libraire, rue de la Huchette, près du petit Châtelet, & les libraires qui vendent les nouveautés. In-8vo. de 12 pages.

LE fujet de cette épître eft très-simple. L'au

teur s'y félicite de ce que fon ami, (car on ne voit que dans le titre qu'il eft auffi fon frere) a quitté la ville, pour le venir trouver à la campagne; mais le féjour des champs ennuie bientôt cet ami, & l'auteur lui en fait des reproches :

Faut-il que les pavots de ton front ennuyé, Viennent jusqu'en mes bras glacer notre amitié ? Mais non malgré l'affront de ta froideur extrême, Ta place dans mon cœur fera toujours la même.

Trop de vers, dans cette épître, finiffent par un substantif accompagné de son épithete:

Qu'ai-je vu dans ces grands dont l'infolente eftime
Mérite les regrets d'un esprit magnanime ?
Des fainéans titrés dont l'efprit intrigant
Eft toujours occupé d'un loifir fatigant.

L'efprit magnanime n'eft point le mot propre; & puis, il y a une faute de françois dans ces

ES

deux premiers vers. On dit bien qu'ai-je vi dans ces grands qui mérite les regrets d'un efprit folide? mais on ne fait ce que veut dire : qu'ai-je vu dans ces grands dont l'infolente eftime mérite les regrets d'un efprit magnanime? La critique pourra relever encore d'autres endroits foibles; elle ne paffera pas entr'autres à l'auteur l'expreffion de fléau publicain qui est bien vague pour fignifier les corvées, & fléau publicain rime très-mal avec miniftre citoyen.

Malgré ces défauts, nous croyons que cetre piece fera plaifir aux lecteurs. La verfification en eft facile, harmonieuse; plufieurs portraits ont de la vérité, & ne font pas dénués d'énergie. L'auteur veut perfuader à fon ami que le sentiment est étranger dans les grandes villes & dans les cours, & dans cet endroit on remarque cet excellent vers:

Le cœur d'un courtisan eft-il fait pour aimer?

Il poursuit ainfi :

Comptes-tu pour amis tous ces traitans avides,
Abreuvés de nos pleurs, engraiffés de fubfides,
Ces jeunes icogians des jardins de Vénus,

Tous ces vieux fous-bachas, ces nouveaux parvenus,
Qu'on voit par les replis d'une indigne foupleffe,
Elevés en rampant de baffeffe en baffeffe,
Tout-à-coup de leur faîte effrayer nos regards?
Pourrois-tu donc aimer, toi, l'ami des beaux-arts,
Ce colonel fi vain, fi couvert d'or & d'ambre,
Qui va chez les vifirs ramper dans l'anti-chambres
Ce riche commerçant, ce futur ennobli
Qui marchande à prix d'or un honneur aviliş

Cet oifif important qui parle vers & profe,
Qui fe dit philofophe & fe croit quelque chofe;
Cer auteur, d'Araminte infipide écuyer,
Qui se charge en foupant de la désennuyer;
Cet abbé fémillant, jeune célibataire,

Par l'église & l'état payé pour ne rien faire, &c,

'A ces portraits, l'auteur oppofe l'heureux contrafte qu'offre le spectacle de l'innocence & des vrais plaifirs dans fon féjour champêtre.

Cultivateurs obfcurs des rives de l'Yonne,
Qu'unit l'égalité, que la paix environne,
Loin des grands & des cours, dans votre humble
réduit,

Il habite avec vous ce bonheur qui les fuit.
Oui, dans vos longs travaux, chaque jour me pré-

fente

De la félicité l'image intéressante.

Soit que mon Triptolême, armé de l'aiguillon,
Trace avec fa charrue un fertile fillon."

Soit que, fous le cancer, aiguisant sa faucille,
Il appelle aux moiffons fa nombreuse famille;
Ou que les reins courbés, il chancelle accablé
Sous le doux faix des biens dont Bacchus l'a com

blé;

Soit qu'il confie aux champs ces femences fécondes
Qu'engraisseront la neige & le limon des ondes;
Il charme fes travaux par d'agreftes concerts:
Sa joie, en longs éclats, fait retentir les airs.
Quand de l'aftre du jour perce l'humble lumiere,
Il regagne en chantant fa paisible chaumiere.
Mathurine déja l'attendoit fur le feuil;

De deux jeunes époux vois le touchant accueil,
De leurs bras careffans la douce & longue étreime
Et ce tableau fi pur de la volupté fainte!
Vois ces enfans quitter leurs folâtres ébats,”

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Accourir à l'énvi, se presser dans ses bras,
Lui peindre tour-à-tour leurs naïves tendresses,
Partager fon bonheur & fes chastes caresses!
Vois avec quel plaifir, ce pain groffier, mais fain,
Que fa tendre compagne a pêtri de sa main,
Les fruits de ce verger docile à sa culture,
Satisfont fes befoins réglés par la nature!
Le lait d'une géniffe, écumant fous les doigts,
Lui tient lieu du nectar de Chablis ou d'Arbois,
Mais la frugalité n'exclut point de fa table
Le plus touchant des biens, l'appétit délectable,

Et dans un doux fommeil, fruit des travaux du jour,
De l'aube & du travail il attend le retour.

Cette peinture nous a paru pleine de charme & d'intérêt ; les vers en font faits avec foin, & c'eft à notre gré le meilleur morceau de cette épître qui, comme l'on peut en juger par ces citations, annonce du talent & de l'honnêteté dans fon auteur.

Journal de Paris.)

ESSAYS moral and literary, &c. Essais moraux & littéraires, par le révérend M. Knox. 2 val. in 8vo. Londres, chez Dilly.

LE grand fuccès du Spectateur, du Tatler, du

Rambler, qui font des mêlanges de contes, d'anecdotes, d'effais fur différens fujets, & de differtations détachées, ont mis ces fortes d'ouvrages fort à la mode; & il faut convenir que

rien n'eft plus commode ni plus agréable pour les perfonues occupées qui n'ont pas le tems de feuilleter un grand nombre de volumes, pour les personnes peu avantagées de la fortune, qui n'ont pas les moyens de s'en procurer beaucoup, & pour les gens du monde qui font trop fuperficiels & trop diffipés pour entreprendre des lectures de longue haleine, & donner au même objet une attention fuivie. Voilà ce qui a fait réuffir dans ce fiecle tant d'ouvrages médiocres, mais dont la forme favorife la pareffe des lecteurs. M. Knox pouvoit fe paffer aisément de cette reffource, & le moindre mérite de fes effais eft d'être courts & variés. On y reconnoît par-tout un habile. écrivain, & un homme d'excellent goût, à quelques décifions près qui font un peu hafardées, & dont le lecteur judicieux s'appercevra aifément. Ce feroit une tâche auffi faftidieuse qu'inutile que d'indiquer les fujets de ces différens effais. Il vaut mieux faire connoître la maniere de l'auteur par quelques citations. Voici des réflexions fur le genre épiftolaire.

» Quand un écrivain s'eft diftingué par des » compofitions travaillées avec art, & qu'il » nous a plu par des ouvrages écrits pour » être lus & pour foutenir l'épreuve du grand » jour, nous nous intéreffons à tout ce qui » le concerne, & nous defirons d'entrer dans » le fecret de fes idées telles que fon efprit les » a conçues & que fa plume les a tracées, fans » aucune vue de publicité, dans l'intimité & » la liberté d'une correfpondance privée & ami

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