Page images
PDF
EPUB

le devoit être le plus extenuée. Que feroit-ce fi un pareil Miniftre la gouvernoit après quelques années d'une utile paix !

[ocr errors]

Si l'on eut laiffé faire l'Espagne, elle feroit rentré dans la poffeffion des deux Couronnes qu'elle a perdues au Traité d'Utrecht, celle des deux Siciles, & celle de Sardaigne. Il femble à préfent qu'il auroit dû fembler alors que c'étoit le moyen de rétablir l'équilibre dans l'Europe, qu'il auroit dû sembler alors, que les chofes n'étant plus dans la fituation où on les fupofoit en concluant la Grande - Alliance Louis XIV. vivant, il étoit d'une fage politique de changer un fifteme que les circonstances changeoient tout naturellement, fi c'étoit à recommencer, la Grande-Bretagne ne fuivroit fans doute point les maximes qui la firent agir en 1717.& 1718., des intérêts, dont le faux a été reconnu depuis, la guidoient alors & ils ont fait place à des confiderations, qui ne font d'autre ufage que de convaincre les plus grands genies que les lumieres de l'homme le plus habile font extremement bornées.

La mort de Louis XIV. avoit été fuivie de près de l'Alliance, fi long tems en vain recherchée, de la France avec la Grande-. Bretagne. De là un fifteme, qui parut avec raison contradictoire, & dont les fui

tes

tes ne pouvoient produire que les embarras qui en font nez. La Régence fut très éloignée de favorifer les vues du Ministère d'Espagne, & la Grande-Bretagne se livra toute entiére aux intérêts & aux vûës de l'Empereur, dont l'accroiffement de forces & de pouvoir ne pouvoit rien pronofti quer de bon à la Couronne de France. Les intérêts du fang & ceux du Duc Regent vinrent à la traverfe; de là de nouvelles maximes, dont les unes apuioient, les autres barroient les précedentes. Qu'en arriva-til? le Regent fe trouva tellement lié à la Grande-Bretagne, que l'Espagne declare la Guerre à l'Empereur dans la Mediterranée, où elle avoit beau jeu contre un Prince fans marine, on vit la France prendre les armes en faveur de l'ennemi hereditaire de fa Couronne contre le premier Prince de fon fang, contre un Roi qu'elle même avoit affermie fur le Trône aux depens de fon fang & de fes tréfors; la France alliée à la Maifon d'Autriche fit fur l'Espagne des Conquêtes, comme fi elle eut encore été gouvernée par un defcendant de Charles Quint; & l'Angleterre, qui aujourd'hui crie dans fon Parlement que l'on a rendu P'Empereur trop puiffant, fit des efforts utiles en fa faveur, pour l'empêcher de perdre la Sicile, & elle lui conferva cette CouTome I,

**

ronne

ronne & celle de Naples, qu'il tient de fa conftante Amitié pour la feconde fois.

On joignit l'intrigue à la force, & l'on réuffit à renverser l'habile Miniftre, à qui fon genie auroit bientôt fourni les moyens de le relever de la perte de la Bataille de Syracufe. Celui qui étoit Maître des refforts & des nerfs de la Guerre n'y étant plus, la Guerre cefla d'elle même, jufqu'à ce que le Roi Philippe confentit à figner la Quadruple Alliance; acceptation qui donna lieu au Congrès de Cambrai. On y fut long tems, & l'on n'y fit rien. Dans cet interval la Regence de France parut fe raprocher de l'Espagne. La fille du Re-' gent mariée à l'héritier prefomptif de la Couronne, fa feconde fille promise au Prince ainé du fecond lit; l'Infante d'Efpagne reçûë en France dans l'efperance d'y regner, toutes circonftances qui paroiffoient devoir faire naitre un nouveau Sifteme, & faire pancher la balance du côté de l'Espagne: Mais l'on n'eut pas le tems de faire aucun arrangement à cet égard. On vit tout d'un coup un Roi dans la fleur de fon âge, un Prince né pour regner, fi c'est la vertu qui doit porter les Couronnes, un Roi qui ne s'étoit affermi fur fon Trône qu'aux dépens de tant de fang & de Trefors, executer l'étonnant deffein d'abdi

quer

quer la Couronne & de la donner au Prince fon fils. Revolution nouvelle! Jusques là la Reine avoit eu affez d'influence dans les affaires, peut-être n'étoit elle pas celle qui avoit le moins contribué à engager le Roi à figner la Quadruple Alliance, qui fixoit une Succeffion à fon fils Don Carlos; l'abdication l'éloignoit du Gouvernement, les Espagnols y rentroient; nouvelles maximes. Le Regent meurt; les interêts particuliers changent. Le jeune Roi d'Efpagne ne lui furvit que de quelques mois: Philippe V. remonte fur le Trône, la Reine fon Epouse entre dans les affaires; l'Infante eft renvoyé, le Congrès de Cambrai fe rompt. Scene toute nouvelle ! Voilà la France de nouveau brouillée avec l'Espagne: brouillerie qui l'unit plus intimement que jamais à la Grande-Bretagne. Celleci par une politique très raifonnable refuse de faire l'afront à la France de fe charger feule d'une Mediation qui avoit été deferée aux deux Couronnes; ce refus brouille l'Espagne avec cette Couronne; & au moment que l'on s'y attend le moins, on aprend qu'un émiffaire d'Espagne eft à Vienne depuis quelques mois & qu'un Traité eft conclu entre l'Empereur & Philippe V., qui facrifie à fon Ennemi beaucoup plus que jamais les Media

**2

teurs

tenrs n'avoient proposé pendant le Congrès de Cambray.

Jufqu'à la mort du Regent le genie Supérieur de ce Prince, le peu d'égard que lui, auffi-bien que fon premier Miniftre le Cardinal du Bois, avoient pour les Relations qui pouvoient fe trouver entre les intérêts Catholiques & ceux de l'Etat, leur étroite union avec des Puiffances qui font les Arcs-boutans du Protestantisme, tout cela avoit banni des affaires de l'Europe les influences Ecclefiaftiques. Au changement de Scéne, elles reparurent avec plus de force que jamais; tout reprit fon cours par des canaux Ecclefiaftiques pour ne pas dire Jefuitiques. Les intrigues du Vatican reprirent le deffus & l'on intereffa la Religion en tout ce qui fe paffa depuis. On fe fervit utilement de la pieté & de la droiture fi naturelle au Roi Catholique, pour le reunir avec l'Empéreur & la Maison d'Autriche aux depens des facrifices étonnans que fit ce pacifique Monarque & que l'on peut voir dans les Traitez de Vienne *:

Ce nouveau changement de Scene fit ouvrir les yeux à ceux qui avoient inutilement employé leur Mediation à Cam

* Pag 110. & fuiv, du Tom. II.

bray

« PreviousContinue »