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menf, dit Mirabeau en prenant la parole, le calme que le préopinant prétend avoir opposé au tumulte dont il vient de nous faire le tableau; peut-être pourroit-on saisir cette occasion pour l'inviter à le conserver plus souvent à la tribune. Si chacun faisoit ici la relation de ses faits personnels, et venoit, pour des choses aussi puériles, interrompre vos importantes délibérations, il seroit peut-être juste de demander que la tranquillité, la vie même des membres de cette assemblée, fussent également assu rées dans la tribune et dans les rues. Si l'on vouloit remuer toutes les turpitudes qu'enfante l'esprit de parti, il ne seroit pas difficile d'apporter des preuves de la vie d'un député menacé au sein de cette assemblée. Quant à moi, qui méprise pres que à l'égal les injures et les dénonciations individuelles ; quant à moi, qui pense qu'aut tant une dénonciation relative à la chose publique est un devoir sacré, autant la dénonciation d'un fait privé est indigne d'un homme qui a quelque idée juste de la di gnité de ses fonctions ; je vous promets sû reté, je vous la promets, sur la garantie du zèle de la garde nationale, du respect

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des citoyens pour la loi et pour cette assemblée dont elle émané........ Il est bien étrange qu'on vienne vous occuper de huées, comme si la loi pouvoit défendre les huées dans les rues, comme si celui qui en a été couvert n'en devient pas plus méprisable lorsqu'il s'en plaint. J'ajoute une observation frappante; si le parti vulgairement désigné par l'expression honorable de parti populaire, s'il est vrai qu'il y ait encore des partis dans cette assemblée ; si, dis-je, il faisoit le bilan des affiches satyriques, des libelles dont on l'a entouré, il trouveroit le peson de sa balance aussi chargé qu'un autre. L'assemblée a-t-elle dénoncé les viletés dont on est venu l'investir jusques dans ses corridors? Eh bien ! que chaque membre méprise pour son honneur, ce que l'assemblée a méprisé pour le sien. Eh! passons à l'ordre du jour.» ( Qn applaudit).

L'assemblée décida qu'elle passeroit à l'ordré dunjour.e bring

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13 Nov. L'ordre du jour étoit la discussion du rapport et du projet du comité d'imposition sur le parti qu'il convenoit de prendre relativement au tabac, à sa

culture, à son commerce ou à sa régie. Mirabeau demanda le renvoi au comité diplomatique de l'article (VI) qui parloit des droits à imposer sur le tabac étranger. Le tabac étant la base de relations commerciales très-importantes, il supposoit que le comité diplomatique auroit des notions intéressantes à fournir sur l'introduction du tabac étranger en feuilles; et il croyoit trèsutile que l'assemblée l'autorisât à les communiquer.

Il n'y eut pas de délibération de prise: il fut convenu que le comité diplomatique prendroit connoissance de l'article VI. ī

Séance du soir 13. Le combat qui eut lieu à cette époque entre M. Charles de Lameth et M. de Castries, dans lequel le premier reçut un coup d'épée assez grave; 'les suites funestes de cette affaire pour M. de Castries, dont la maison fut enfoncée et les meubles brisés par le peuple, sont tellement connus, que nous nous croyons dispensés d'en rapporter les détails; mais nous ne devons pas passer sous silence la démarche honorable du bataillon de BonneNouvelle, représenté par une députation. Ce bataillon, effrayé du danger qu'avoit

couru un des zélés défenseurs de la révo lution, et pénétré de la nécessité d'un décret qui mettroit tout membre de la législature à l'abri des attaques perfides des ennemis de la révolution, invoqua cette loi au nom de la patrie et de l'humanité. Il vint en même temps demander vengeance contre M. mêmetemps de Castries qui avoit osé défier au combat singulier, M. Charles Lameth, sans respect pour son caractère ?

Tandis que ces opinions étoient applaudies avec transport,'un membre, M. Roi, osa s'écrier: il n'y a que des scélérats qui puissent applaudir.

Cette insulte excita l'indignation de l'assemblée. On demanda que le membre qui lui avoit manqué, fût arrêté sur-le-champ et conduit en prison.

M. Foucault pensoit que l'assemblée, en adoptant cette proposition porteroit atteinte à la déclaration des droits, qui veut qu'on ne puisse être arrêté qu'au nom de la loi, eet par les formes qu'elle a prescrites : quant sà moi ajouta-t-il, je sens si bien mon inviolabilité, que, si vous ordonniez mon arrestation, je n'obéirois pas, et vous ne pourriez m'avoir que mort.

Mirabeau. Si au milieu de cette scène odieuse, dans la triste circonstance où nous nous trouvons, dans l'occasion déplorable qui l'a fait éclore, je pouvois me livrer à l'ironie je remercierois le préopinant.

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M. Foucault s'écrie: M. Mirabeau m'accable toujours d'ironies; M. Mirabeau s'acharne sur moi, je demande..... ) puisque vous n'aimez pas l'ironie, je vous lance le plus profond mépris.»

(A ces mots le côté droit est agité par les mouvemens les plus violens plusieurs membres, prêts à s'élancer vers Mirabeau, sont retenus par leurs voisins : ils le menacent du geste, emploient les expressions basses de gueux de scélérat). M. le président rappelle Mirabeau à l'ordre.

Mirabeau. Oui sans doute je dois être rappelé à l'ordre, si l'assemblée veut déclarer qu'un de ses membres est coupable d'employer le mot mépris envers l'homme qui n'a pas craint de professer ouvertement à cette tribune son mépris pour les ordres de la majorité, et d'y déclarer qu'il ne lui obéiroit que mort. (Applaudissemens universels d'un côté : murmures de l'autre ),

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