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fots: Je ne suis pas la volonté de l'assemblée, mais l'organe de sa volonté, il montre assez qu'il connoît son devoir. M. Régnaud n'a pas alors le droit de lui dire qu'il n'est pas le maître de l'assemblée ».

Dans la séance du 13, après une vive 'discussion de l'article III du projet de décret présenté par le comité d'imposition, relativement aux droits à percevoir sur l'entrée des tabacs étrangers, l'assemblée fut consultée sur la question de savoir si la priorité seroit acordée à l'avis du comité.-Beaucoup de membres ne se levoient ni pour ni contre, et le résultat de cette première épreuve fut douteux.

Mirabeau dit : « Quand il s'agit d'une question importante, quand il s'agit de faire la loi, c'est-à-dire d'exercer la fonction la plus auguste qu'on puisse remplir sur la terre, il est bien étrange que des membres du corps législatif ne concourent point à la délibération. Je vous invite tous à vous lever pour ou contre la proposition. Je vais recommencer l'épreuve. »

La priorité fut accordée à l'avis du comité.

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séance, M. Lebrun, au nom du comité des financés, avoit présenté un apperçu provisoire des recettes et dépenses depuis le premier mai 1789, à la suite duquel il proposoit le versement dans le trésor public d'un secours de 72 millions en assignats.

Plusieurs membres demandèrent l'ajournement du décret, d'autres représentèrent que l'indigence des besoins étoit telle qu'elle ne laissoit pas même le temps de délibérer.

Mirabeau à qui il n'avoit pas été donné encore de successeur, déclara qu'il ne met. troit en délibération aucune des propositions qui étoient faites, avant que l'assemblée fût plus nombreuse,

M. Folleville remarqua que M. le prési dent auroit pu refuser la parole au rapporteur; mais que lorsque le rapport avoit été fait, il n'avoit plus le droit d'empêcher la délibération.

M. le Président. « L'assemblée, quoique composée quelquefois de moins de deux cents membres, délibère dans le commen. cement de ses séances sur des objets réglé

mentaires et de peu d'importance, et cet usage est bien légitime par l'assiduité de ses travaux et par la fréquence de ses séances; mais lorsqu'un rapporteur présente un projet de décret d'une importance générale, et sur-tout ayant pour objet les contributions générales du royaume, je ne crois pas pouvoir le mettre à la votation, à moins que l'assemblée ne soit à peu près complette. Je renvoie donc cet objet vers le milieu de la séance.»

Lorsqu'une heure après M. Lebrun reproduisit le même projet de décret, il fut adopté sans que personne se fût levé pour le combattre.

Lundi soir, 14 février. - Une députation des docteurs aggrégés vint à l'assem blée nationale demander l'abolition d'une loi (de 1679) qui attribuoit aux professeurs de la faculté de droit le privilége exclusif de donner des leçons de droit public, avec défense aux aggrégés de s'occuper de l'enseignement des loix.

Mirabeau (exerçant encore les fonctions de président. ) « C'est parmi les maîtres éclairés de l'art que les productions humaines trouvent leurs meilleurs juges, Sous ce point

de vue notre nouvelle constitution mérite une estime particulière de la part des jurisconsultes. Comme elle a des droits à votre attachement, en vous considérant, seulement comme citoyens, l'assemblée nationale reçoit avec intérêt l'expression de vos sentimens à ce double égard. Nous approchons de l'instant où la plus grande partie du droit public et privé qui nous a régis jusqu'à ce jour, sera mêlée dans ces vastes ruines dont nous nous voyons environnés. Il ne restera plus guères à notre usage, de l'ancienne jurisprudence, que ces vérités éternelles qui, prises dans la nature de l'homme et de la société, voient tout changer autour d'elles, sans jamais changer elles-mêmes, et qui sont le principe de toute régénération durable. Le droit naturel a été le tronc primitif de toutes les tiges de cette science générale qu'on appelle droit. Mais des branches parasytes ont fini par étouffer l'arbre. Il a fallu les abattre ; il faudra descendre jusqu'aux racines pour faire passer par-tout des rejetons sains et vigoureux. Beaucoup de choses sont faites sur cette matière, beaucoup d'autres sont à faire; notre droit particulier n'exige pas

de moindres réformes que notre droit public n'en a éprouvé. Nous avons déja fourni une assez ample matière à l'enseignement général. Hommes de loi, vous êtes dési gnés par votre état même pour faire connoître et chérir nos loix. La justice a toujours eu pour tous les peuples quelque chose de sacré. Nous venons d'élever par tout de nouveaux temples à son honneur. Vous êtes comme les prêtres de ces temples; vous en enseignerez le culte ; vous en écarterez les fausses doctrines; vous empêcherez que la religion de la justice ne se souille avec le temps par des coutumes insensées par des interprétations infidelles. Avant toutes les facultés du royaume, il existoit une grande faculté, celle de la réunion de tous les citoyens qui, chacun dans leurs divers ont le droit de donner essor genres, à leurs talens, et se rendre utiles à leur patrie. Si l'esprit des corporations a été de tout resserrer de tout arrêter, celui de la constitution actuelle est de tout développer, de tout étendre: elle s'applique à rouvrir les canaux qui peuvent rendre libre et facile toute espèce d'utile communica tion, et sur-tout celle de l'esprit et de la

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