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Mardi soir 8 février. Une députation de la municipalité de Paris vint exposer la situation de cette ville, ses réclamations et ses droits. Elle peignit combien la surcharge et l'illégalité des droits d'entrée imposés sur les consommations, lui étoient onéreuses; elle demandoit à n'être point distinguée des autres villes pour ses droits d'entrée. Elle annonça que les besoins de la commune de Paris, causés par les dettes que la révolution lui avoit fait contracter, et par le défaut de paiement de ses créances sur le gouvernement, la forçoient de demander un à compte de six millions.

Mirabeau répondit : «Il est des pertes immenses que la ville de Paris a regardées comme des bienfaits; elle avoit un privilége, celui de participer à des professions qui l'enrichissoient en la corrompant, et elle tient à honneur de n'avoir désormais d'autres richesses que celles de son industrie. L'égalité qu'elle réclame dans les impôts n'est donc qu'une preuve de plus de son patriotisme; elle ne veut pas payer davantage, parce qu'elle a renoncé à tous les abus qui lui en avoient fourni les moyens. Ne soyez point effrayés du poids de vos peines;

peines; c'est une avance faite à la liberté, Vous avez semé sur une terre féconde, elle vous restituera tous les trésors que vous lui avez confiés. Une seule source de prospérité manque encore à cette capitale, c'est l'union de ses citoyens, c'est la tranquillité publique, que de fausses alarmes cherchent sans cesse à y troubler, et qu'une foule d'intrigans voudroient compromettre pour en être ensuite les modérateurs ; ce sont surtout les bonnes mœurs sans lesquelles les meilleures loix ne seroient qu'un frein impuissant. Il est un despotisme du vice, celui-là seroit-il le seul que la ville de Paris n'auroit pas pu renverser ? Des jeux scandaleusement multipliés infectent partout cette capitale. ( On applaudit à plusieurs reprises ). On a dénoncé d'autres assemblées non moins dangereuses; celles-là ne présentent-elles pas un abus ? Celles-là seules présentent elles des obstacles pour la liberté, lorsqu'on sait que la corruption des mœurs fut toujours le premier instrument de la tyrannie ? »

Une députation des Quinze-Vingts fut introduite ensuite leur objet étoit de dénoncer la spoliation commise dans leur Tome IV.

Q

administration par M. le cardinal de Rohan

M. le Président : « ceux qui représentent une nation, représentent sur-tout les malheureux qu'elle a dans son sein et vous avez ici toutes les ames sensibles pour or gane. Cette cruelle infortune qui prive un individu de toutes les consolations de la vie, et qui cependant n'est point la mort, devroit trouver par - tout des asyles. Il est des maux que des secours peuvent alléger; mais ceux de la cécité exigent un rigoureux partage entre le malheur et la bienfaisance. La perte de la lumière est déja le lot le plus amer de la vie humaine; un aveugle sans guide devroit être un spectacle inconnu parmi des nations policées. »

<< Mais vous ne vous êtes pas bornés à représenter la nécessité de l'hôpital des QuinzeVingts, vous êtes accusateurs. A cet égard, l'assemblée nationale ne vous doit que de l'attention et de la justice. »

« Vous pouvez assister à sa séance. Ertendez la loi; et si le spectacle de sa création vous est ravi, dites du moins aux infortunés qui vous ont députés, que leurs plaintes ont pénétré jusqu'à nous. »>

L'assembléerenvoya la pétition des Quinze Vingts au comité des rapports.

Nous allons rapporter une autre réponse de Mirabeau à la députation d'une société nouvellement établie sous le nom de Société des inventions et découvertes, qui avoit demandé à présenter ses hommages à l'as semblée, et à exposer le but de sa formation.

Voici cette réponse : « Les découvertes de l'industrie et des arts étoient une propriété avant que l'assemblée nationale l'eût déclaré ; mais le despotisme avoit tout enchaîné, jusqu'à la pensée. Il est des inventions que sans doute l'amour de l'humanité publiera sans en faire une source d'intérêt particulier. Mais ce sacrifice sera du moins volontaire, et la reconnoissance publique deviendra pour leurs auteurs une véritable propriété. Une société consacrée à favoriser les découvertes, acquitte une dette de la société entière; l'art de créer le génie n'est peut-être que l'art de le seconder; et la société des inventions est déja une invention d'autant plus utile, qu'elle deviendra la source de beaucoup d'autres. L'assem→

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blée applaudit à vos vues, et vous invite à assister à la séance ».

Jeudi soir 10 février. Une députation 'des Quakers s'est présentée à la barre.

Cette secte de chrétiens persécutés, qui toujours suivit l'antique simplicité de l'évangile dont les principes religieux commandent à l'humanité l'horreur du sang, cette secte enfin pour qui un oui ou un non équivallent à un serment, étoit digne de l'accueil fraternel de l'assemblée nationale.

Mirabeau à la députation: « Les Quakers qui ont fui les persécuteurs et les tyrans ne pouvoient que s'adresser avec confiance aux législateurs qui, les premiers, ont réduit en loix, les droits de l'homme; et la France régénérée, la France au sein de la paix dont elle recommandera toujours l'inviolable respect, et qu'elle desire à toutes les autres nations, peut devenir aussi une heureuse Pensylvanie. Comme systême philantropique, vos principes obtiennent notre admiration; ils nous rappellent que le premier berceau de chaque société fut une famille réunie par ses mœurs, par ses affections et par ses besoins. Eh! sans doute les plus sublimes

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