Page images
PDF
EPUB

d'Allemant dans les Etats du diocèse, il était de la paroisse de Vaudesson et taxé 6 livres. >>

Melleville est donc dans l'erreur lorsqu'il cite le prieuré de Saint-Guislain à l'article Allemant et la ferme à l'article Vaudesson: ferme et prieuré ne font qu'un. L'erreur provient de ce que Saint-Guislain est sur la limite des deux communes, mais beaucoup plus rapproché d'Allemant que de Vaudesson, dont il dépend en réalité.

La grêle du 13 juillet 1788, qui détruisit une grande partie des récoltes et répandit une véritable consternation dans le Soissonnais, fit aussi éprouver de grandes pertes à l'abbaye de Saint-Nicolas dans ses possessions d'Artois et de Flandre: pour l'aider à les réparer une autorisation lui fut accordée d'exploiter le bois de Saint-Guislain (1).

Le 3 mai 1789 la ferme de Saint-Guislain, consistant en bâtiments, terres, prés et vignes, était louée pour neuf années à la redevance annuelle de 1.400 livres (2).

D'après la déclaration faite par les ci-devant religieux de l'abbaye de Saint-Nicolas-aux-Bois au district de Chauny le 27 septembre 1791, son revenu était évalué à 1.200 livres.

« L'enceinte actuelle de la ferme, disait encore M. de la Prairie, doit être celle de l'ancien prieuré. Il en reste une grande porte ogivale du xir ou xiiie siècle; une moulure d'un beau profil et descendant

(1) Arch. dép. B. 3521 et Bull. Soissons, t. VI, p. 95.

(2) Bull, de la Société acad, de Saint-Quentin, 4o sie, t. XIII, p. 445.

jusqu'au sol orne cette porte: le mur dans lequel elle est percée semble porter des traces de combat. »

Comme souvenirs il y a encore lieu de citer, sur le territoire d'Allemant, les lieux dits le Marais de Saint-Guislain, le Savart de Saint-Guislain et le Bois de Saint-Guislain.

Un autre souvenir nous reste de cet antique prieuré c'est le pèlerinage qui s'y faisait autrefois pour la guérison des coliques des jeunes enfants et non pour la guérison de la fièvre, comme le dit par erreur l'abbé Pécheur (1). Et comme il n'est guère de pèlerinage sans fontaine, celui-ci a aussi la sienne, qui est maintenant une petite mare située dans un pré, derrière le jardin de la ferme et où viennent irrévérencieusement s'abreuver les vaches mises à lapâture.

Les pèlerins y puisent de l'eau qu'ils font boire au petit malade; d'autres posent sur l'eau un lange ou une petite croix de bois pour connaître la volonté du saint: si le lange surnage, si la croix se tient debout, la guérison est assurée; comme ailleurs on aide un peu le saint à se montrer propice: on pose le lange avec beaucoup de précaution et on a soin d'introduire une petite pierre dans le pied de la croix en manière de lest.

On voit, à Saint-Guislain, une mauvaise statue de ce saint elle est en bois et a sa légende. On raconte que lors de la Révolution, peut-être avant, les habitants de Vaudesson la remplacèrent par une autre en pierre et voulurent l'emporter au village pour la brûler; mais elle se fit alors si lourde que tous les

(1) Ann. du diocèse de Soissons, t. v, p. 537.

que

efforts pour monter la côte furent vains: c'est ainsi les saints manifestaient autrefois leur volonté de demeurer où ils étaient; on alluma alors un brasier et le feu n'eut aucune prise sur elle; finalement le vieux saint fut replacé à côté du nouveau; voilà pourquoi on voit, à Saint-Guislain, deux statues de ce saint, l'une en bois l'autre en pierre. Près d'elles est un tronc dans lequel les pèlerins déposaient autrefois leurs offrandes, mais toujours vide à présent: preuve que le pèlerinage est bien tombé en désuétude. E. BOUCHEL.

Pèlerinages de sainte Geneviève

à Blanzy et à Tartiers

On sait quelle grande place tenaient les pratiques religieuses dans la vie de nos pères; parmi ces pratiques il y a lieu de citer les pèlerinages que le peuple accomplissait à certaines sources.

Je n'ai pas à rechercher l'origine de ce culte des eaux, constaté partout dès la plus haute antiquité. En Gaule il faisait, dit Bulliot, le fond de la religion populaire à l'arrivée des Romains (1).

Même après que nos contrées furent converties au christianisme, il persista si vivace, malgré les défenses des lois civiles et ecclésiastiques que l'Eglise prit le sage parti de consacrer à quelque saint la fontaine objet du culte populaire.

La foi, qui fut si vive pendant tout le moyen âge ne laissa pas s'affaiblir cette dévotion.

Ainsi que le remarque M. Alfred Rambaud, « l'ancien paysan payen avait des dieux tout exprès pour garder sa chaumière, protéger ses bêtes, faire germer ses grains, mûrir ses moissons; les nouveaux saints ne pouvaient être plus durs au pauvre monde (2). » Aussi trouvait-on dans un grand nombre de sources sacrées un remède pour chaque genre de maladies : maladies de l'esprit, difformités et maladies du corps; les bestiaux aussi avaient leur saint protecteur.

(1) Le Culte des eaux sur les plateaux éduens.

(2) Hist. de la civilisation française, t. I, p. 312.

« La dévotion dominante du xvi° siècle, dit Carlier, a été celle des pèlerinages. » Mais c'est tout au plus si cet auteur en cite une douzaine pour l'arrondissement de Soissons.

Dans une notice ayant pour titre Monuments historiques du Culte, insérée dans notre Bulletin, t. VIII, p. 76, l'abbé Daras s'occupait aussi de cette question des pèlerinages populaires dont l'origine, disait-il, n'est pas sans intérêt pour l'histoire générale et particulière: il en comptait neuf pour notre arrondisse

ment.

En 1858, l'abbé Palant la soulevait, lui aussi, au congrès archéologique de Laon, et citait, dans l'arrondissement de Soissons, seulement six lieux de pèlerinages.

Comme lui j'ai pensé « qu'il y aurait beaucoup à dire sur les origines des pèlerinages, sur les pratiques qui y étaient observées, et qui sont l'histoire et la poésie de nos contrées, la vie intime de nos pères, une des faces du passé et des coutumes locales. >>

Je me suis donc livré à une enquête à ce sujet et il en résulte que l'arrondissement de Soissons ne comptait pas moins de trente-huit fontaines visitées par les malades, les unes plus fréquemment que d'autres dont le souvenir est à peu près perdu aujourd'hui.

C'est de ce travail que j'extrais les deux chapitres suivants sur les pèlerinages de sainte Geneviève à Blanzy et à Tartiers, comme j'en ai extrait pour le tome ix de notre Bulletin (3a série, p. 76) les chapitres relatifs aux pèlerinages de sainte Berthe à Filain et de saint Crapard à Lhuys.

« PreviousContinue »