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assez complexe et assez obscure et revenons à notre marquis de Vassan.

Désireux de vaincre les résistances qu'il rencontrait, il s'était adressé à une des filles de Louis XV, Madame Sophie, qui intervint en sa faveur.

Chérin lui répondit le 9 mars 1780 (1) que les Vassan ne seraient jamais en état de faire les preuves nécessaires à l'obtention des honneurs de la Cour.

Le 30, après lui avoir donné les renseignements relatés plus haut, il ajoutait :

« Madame peut juger, par ces faits, de l'impossibilité du succès du projet de M. de Vassan.

« Je serais bien affligé si Madame pouvait inférer des torts que Mrs de Vassan disent avoir avec moi que je n'ai de l'humeur contre eux et qu'elle a influé sur le jugement que j'ai porté de leur noblesse. Je n'ai lieu que de me louer d'eux dans tous les tems et je fus touché de la bonne foy, rare et peut-être sans exemple, avec laquelle il me communiqua les titres que je viens de citer. »

Nous ne savons comment cette affaire se termina, mais, si le marquis de Vassan obtint les honneurs de la Cour si ardemment convoités, il n'en jouit pas longtemps; on était à la veille de la Révolution!

R. FIRINO.

(1) Chérin, 203.

Le Prieuré et le Pèlerinage de Saint-Guislain

Au fond d'une gorge de la petite vallée qui descend à Pinon, non loin du village d'Allemant, dans un site un peu sauvage, est la ferme de Saint-Guislain; c'était autrefois un prieuré dépendant de l'abbaye de ce nom située dans le Hainaut. A différentes reprises il en est question dans nos annales et je voudrais rassembler ce que j'ai rencontré sur ce sujet.

Et d'abord qu'est-ce que saint Guislain, ou Ghislain, comme on écrit en Belgique ? C'est, dit Belèze, le fondateur de l'abbaye de ce nom dans le Hainaut au VIIe siècle.

Le P. Cahier, dans ses Caractéristiques des Saints, ajoute qu'on en a fait un évêque et que l'on veut qu'il soit venu de Grèce. « On peint fréquemment près de lui, dit-il encore, une ourse avec son ourson; d'après la légende cela signifierait qu'il fut découvert dans sa solitude par un veneur du roi de France (Dagobert, dit-on) qui poursuivait un ours; ou que la bête ayant dérobé le manteau du saint homme pour abriter son petit, saint Guislain recouvra son vêtement sans que l'animal défendît le butin. >>

Après la légende, l'histoire. On sait que les grandes abbayes du Nord avaient dans nos pays des domaines d'où elles tiraient le vin qui leur était nécessaire pour les messes, la subsistance des religieux et la réception des hôtes. L'abbaye de Saint-Aubert ou Audebert, de Cambrai, avait à Soupir une maison

TOME XIX (3 série)

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que l'abbé Pécheur pense n'être autre que celle connue encore à présent sous le nom de Vendangeoir de Fénelon, où le grand prélat fit quelquefois séjour à l'époque des vendanges, ainsi que le témoignent deux de ses lettres publiées dans notre Bulletin. Celle de Vaucelles, encore dans le Cambrésis, avait le Petit-Vaucelles, près de Vailly; celle de Marchiennes avait le prieuré de Vregny; de même celle de Saint-Pierre, de Rouen, avait des domaines à Condé et à Sancy: c'est ainsi que l'abbaye de SaintGuislain possédait, près d'Allemant, le Petit-SaintGuislain, dont l'origine remonte aux premières années du IXe siècle.

« En 808, dit dom Lelong, fut fondé le prieuré d'Alemant dans le Soissonnois, par l'abbé Elefans, neveu de Charlemagne et abbé de Saint-Guislain. Ce petit monastère, détruit par les Normands, puis occupé par quelques prêtres séculiers, avoit été rendu aux religieux de Saint-Guislain vers le milieu du Xe siècle et on l'appeloit le Petit-Saint-Guislain (1) ».

En 1224 un arrangement intervint entre l'abbaye de Saint-Crépin-en-Chaye et le prieuré de SaintGuislain, au sujet d'un bois essarté à Allemant ; cet arrangement fut ménagé, au nom de son abbé et de son couvent, par Gauthier, moine de Saint-Guislain, qui commit à cet effet Hugues, abbé de SaintLéger de Soissons, Pierre, moine d'Allemant, et Anselme, prêtre de Vaudesson (2).

Rendant compte d'une excursion qu'il avait faite à Saint-Guislain à la suite de découvertes qui lui

(1) Hist. du diocèse de Laon, p. 106.

(2) Ann. du diocèse de Soissons, t. II. P. 380.

avaient été signalées, M. de la Prairie écrivait en 1865 « Nos fouilles n'ont pas produit de résultats importants. Nous avons trouvé des tuiles à rebords, des fragments de poteries grossières et, ce qui a un peu plus de valeur, les restes d'un plancher, ou plutôt d'une aire, composée de morceaux de briques noyés dans du mortier.

<< Notre excursion s'est donc bornée à nous permettre de constater qu'il avait existé là, à l'époque gallo-romaine, l'habitation de gens appartenant sans doute à la classe pauvre de la société.

<< Existait-il dans le voisinage un établissement plus important? Je ne sais.

<< Mais si on voulait admettre comme règle générale que là où il y a des habitations il a dû y en avoir dans tous les temps ; que la ferme actuelle de Saint-Guislain ayant remplacé le prieuré du même nom, le prieuré, à son tour, avait dû remplacer un établissement plus ancien; et pourquoi ne serait-ce pas une villa romaine? (1) ».

Je ne sache pas que cette question ait été résolue depuis lors.

« Au xvi siècle, dit encore dom Lelong, Charles de Croy, évêque de Tournay et abbé de Saint-Guislain, aliéna les biens de ce prieuré. »

Cette aliénation fut vraisemblablement faite en faveur de l'abbaye de Saint-Nicolas-aux-Bois. Nous voyons, en effet, Charles de Bourbon, son abbé, louer des terres en la paroisse de Saint-Guislain en 1546 (2).

(1) Bull. de la Soc. archéol. de Soissons, t. XIX, p. 372.

(2) Bull, de la Soc. acad. de Saint-Quentin, 4 Sie t. XIII, p. 358

Le Nobiliaire de Picardie et l'Armorial général de l'élection de Soissons, signalent, à la fin du xviie siècle, Maurice Nicolas de Brodart, écuyer, seigneur de Saint-Guislain, où il demeurait, et qui portait pour armoiries d'azur à trois fasces d'argent, au sautoir de gueules brochant sur le tout; le Nobiliaire ajoute : a fait preuve depuis l'an 1500 et l'Armorial: noblesse prouvée de cinq races.

Un « Etat du revenu dont jouissent les prieur, religieux et couvent de l'abbaye royale de SaintNicolas-aux-Bois », du 30 mai 1761, donne la description de la ferme de Saint-Guislain, « à trois lieues de Soissons », comprenant : ferme, bâtiments, 287 pieds de longueur sur 150 de largeur et 82 de hauteur, bâtie en pierre de taille, sur 3 septiers 48 verges.

On y voit que l'abbaye avait droit de haute, moyenne et basse justice sur la ferme et ses dépendances dont la contenance était en terres, 230 septiers 69 verges; en marais, aulnaies, gros prés, 21 faux 45 verges; en bois, 32 arpents; en vignes, 2 arpents. Il était dû au marquis de Coucy une rente annuelle de 15 livres; cela confirme ce que dit Matton qu'elle appartenait à l'abbaye de SaintNicolas-aux-Bois et relevait de Coucy-le-Château. En somme le revenu était alors de 350 livres, ou de 839 livres 5 sols, suivant l'estimation des experts sans charges.

Au temps où Houllier publiait son Etat du Diocèse (1783) le prieuré de Saint-Guislain existait encore; cet auteur nous apprend en effet que « quoique dit

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