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tifier pour un tems les préjugés ; ceux-là, dis-je, entrevoyant du premier coup-d'œil que si ce système est possible dans l'exécution, il ne peut l'être que par la Religion rejetteront et le systême et le bonheur, en haine de la Religion qu'ils ont abjurée (1).

Je serai de bonne foi; et ilme coûteroit trop de ne pas l'être en tout et toujours. Je n'ai trouvé dans le fait que la Religion qui ait pu me rendre heureux. Mais enfin, mes amis, vous ne l'êtes pas ; et je le suis, moi, autant qu'on peut l'être, à plus de vertu près; et tous ceux qui ont pris le même parti que moi, tous ceux qui ont saisi le véritable esprit de la Religion, tranchons le mot, de la Religion Chrétienne, telle qu'elle doit être, telle qu'elle est en elle-même, et qui la pratiquent dans toute sa pureté, vous diront comme moi qu'ils ne sont heureux que depuis qu'ils l'ont connue (2). Cela mérite bien de

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(1) Sila raison, dit Hobbes, combat les sentimens d'un homme cet homme combattra la raison. A plus forte raison, si la religion combat et les préventions et les passions d'un homme, cet homme combattra la Religion.

(2) Un de mes amis, un Militaire, d'un âge mûr, mais qui est encore celui des passions, vient tout récemment de faire l'épreuve dont je parle ; eh combien il vante maintenant son bonheur ! Que j'étois ennemi de moimême, me disoit-il, presque au moment où j'écris ceci, lorsque je le cherchois partout ailleurs que dans la reli

votre part quelque attention. L'intérêt est trop grand, trop pressant pour ne pas vous engager du moins à me suivre dans le développement que je vais faire de la Théorie du vrai Bonheur, tout en vous réservant la triste ressource de rester tels que vous êtes, avee vos biens apparens et vos maux réels, si je vous ai promis plus que la Religion ne peut tenir, plus qu'elle ne peut vous donner.

Ce seroit sans doute une bien belle preuve en sa faveur, une des preuves les plus propres à éclairer un esprit droit et vrai, les plus faites pour être senties par tous les cœurs, que cet accord que je suppose, que je prétends vous montrer entre elle et le bonheur. Un génie vaste et profond, un homme que des nations rivales nous envient, et dont le mérite ne dépend pas de nos opinions et de nos caprices du moment, Montesquieu, l'a saisie lui-même, comme une des preuves les

gion! Cet ami, qui m'est aujourd'hui si cher, s'étoit livré à tous les systêmes ; et c'est en les étudiant plus profondément, jusque dans leurs sources les plus impures, qu'il est devenu Chrétien. Un autre Militaire, dans le même genre que celui dont je parle, vient de me tenir le même langage.

Ce qui est digne de remarque, c'est que tous ceux, avec lesquels j'ai été le plus lié, et qui, revenus à la Religion, se sont tous félicités de leur retour, étoient, ainsi que je l'ai été moi-même, les incrédules les plus décidés, et les. plus zélés partisans de la moderne Philosophie.

plus frappantes: » Chose admirable (1), s'é» crie-t-il, la Religion Chrétienne, qui ne » semble avoir d'objet que la félicité de l'au» tre vie, fait encore notre bonheur dans >> celle-ci <«<.

Eh! ne seroit-il pas en effet bien digne de la Divinité de s'être révélée aux hommes, non seulement pour les aider à remplir leur destination future, pour les conduire à leur dernière fin; mais encore pour les rendre heureux ici-bas, autant que le comportent les vues de sa sagesse, les mérites qu'elle veut leur faire acquérir, et la perfection à laquelle elle les appelle par cette perfectibilité même qui est un des plus beaux apanages de la nature humaine? Si tel est le plan qu'elle s'est tracée, si elle a daigné nous enseigner ellemême la route du vrai bonheur, ne serionsnous pas bien insensés, ne seroit-ce pas en nous un aveuglement bien étrange, que de vouloir y entrer?

ne pas

La preuve de sentiment que la Religion nous offre dans son rapport avec nos intérêts les plus chers dans cette vie même, n'est pas à beaucoup près la seule qu'elle nous présente. Elle en renferme dans tous les genres; et lorsque j'en aurai exposé quelques-unes,

dans le cours de cette Théorie, la plus digne par son objet de fixer votre attention, j'espère, mes chers amis, que vous conviendrez avec moi que la Religion Chrétienne n'est pas une superstition, ni, dans ses apologistes, l'effet du préjugé.

Ne craignez pas, après tout, que je vous engage dans les voies sombres du fanatisme. Une Philosophie douce, comme l'est celle de la Religion que je professe, un cœur tendre et sensible, tout brûlant du désir de faire partager mon bonheur à mes amis, à mes frères, ne me permettront jamais d'autres vœux, d'autres soins que ceux de les retenir en tout dans ce juste milieu qu'avoue seul la raison, et de les amener, autant qu'il est en moi, à la concorde et à la paix.

CHAPITRE I I I.

Des opinions des anciens Sages et des Philosophes de nos jours; sur ce qui nous intéresse le plus.

SUR quels fondemens pourrai-je asseoir ma félicité, si je ne connois ni le principe de mon existence, ni ma nature et celle des êtres qui m'environnent, ni ma véritable fin.

Tels sont sans contredit les objets dont il m'importe le plus de me former une juste idée, comme étant liés à mes plus chers intérêts.

Consulterai-je ici les anciens Sages, ou nos Philosophes modernes? Plus les premiers s'éloignent des traditions primitives, plus je les vois s'égarer tous ensemble dans des opinions qui ne s'accordent ni entre elles, ni avec la nature des choses (1); qui sont d'ailleurs si confuses qu'à peine peut-on se flatter de les bien saisir, et qu'il est permis de douter s'ils s'entendoient eux-mêmes.

Thalès, voulant remonter jusqu'à la source des êtres, leur donne l'eau pour principe; et s'il y joint un principe actif, une intelligence, il ne paroît pas la distinguer de la matière. Selon lui, tout est plein de Dieux. Héraclite d'Éphèse, qui a fleuri quelque tems après Thalès, prétend, au contraire, que le feu est l'unique principe de tous les êtres. Anaximandre, ne voulant ni de l'eau, ni du feu, y substitua l'infini; mais cet infini étoit matériel, et composé par conséquent

(1) Voyez Cicéron, de la Nature des Dieux, 1. rer. ; les deux livres qui nous restent de ses Questions Académiques; Plutarque, des Opinions des Philosophes; Diogène Laërce dans ses Vies des Philosophes, édition grecque et latine,

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