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grâce à la grandeur; venez attendrir la victoire, et tempérer l'éclat des armes par la douce majesté d'une reine et d'une mère.

Le Royaliste pur. Tous, ces discours ne prouvent rien, et je suis bien persuadé qu'au moment où il les écrivait, M. de C.............. disait au fond de son cœur ; << Buonapatre est un faux grand homme; la magnanimité qui fait les héros et les véritables Rois, lui manque. De là vient qu'on ne cite pas de lui un seul de ces mots qui annoncent Alexandre et César....... La France sera-t-elle une propriété forfaite? Doitelle demeurer à un Corse par droit d'aubaine? Ah! pour Dieu, ne soyons pas trouvés en telle déloyauté, de déshériter notre naturel seigneur, pour donner son lit au premier compagnon qui le demande... Et les Bourbons y sont-ils? Où sont les princes? viennentils? Ah! si l'on voyait un drapeau blanc..... L'horreur de l'usurpateur est dans tous les cœurs. Il inspire tant de haine que.... (1). »

que

?

Ici le royaliste pur fut interrompu par une personne qui vint nous donner lecture de la charte constitutionnelle ; et comme on devait bien s'y attendre, elle ne satisfit ni le républicain, ni le royaliste constitutionnel, ni le royalisme pur. Quoi! disait le premier, l'an dix-neuvième de notre règne......! Ah! quelle indignité! disait le second; nous avons concédé, fait concession et octroi........ Dieu, disait le troisième, tout est donc perdu; les biens de l'église et les biens des émigrés ne seront point rendus; et,

(1) De Buonaparte et des Bourbons, par M. de Châ

teaubriand.,

pour comble d'horreur, le Roi ne pourra pas, à

gré, lever des impôts sur ses sujets, pour récompenser ses fidèles serviteurs. Non, cela ne peut pas tenir.... Allons trouver M. Dard ou M. Falconet, ils ont des talens et du courage, et ils sauront bien démontrer à la nation que cette charte constitutionnelle est contraire au droit divin, et qu'elle ne peut se concilier ni avec le droit canon ni avec les décisions des papes. Messieurs, dit le métaphysicien, n'allez pas allumer de nouveau la guerre civile des mots, pour pour des biens que vous ne sauriez obtenir. Vous vous affligez que le Roi ait daté la charte constitutionnelle de la dix-neuvième année de son règne ; mais qu'est-ce que cela signifie? Si le rédacteur a voulu dire par ces mots, qu'il y avait dix-neuf ans que le prince qui nous gouverne avait pris le titre de Roi de France, je ne vois pas pourquoi vous vous. en affligeriez si fort; car ce fait, qui vous est absolument étranger, ne peut blesser ni vos droits ni vos intérêts. Que si le rédacteur de la charte constitutionnelle a voulu dire que le Roi nous gouvernait depuis dix-neuf ans, tout ce que nous pouvons en conclure, c'est que cet homme, quel qu'il soit, arrive probablement de quelque île déserte, où il aura ignoré tout ce s'est passé en Europe depuis vingt-cinq

ans.

Vous vous plaignez de ce que le préambule porte que le Roi octroie et concède la charte constitutionnelle; mais ce n'est encore là qu'une erreur de fait. Lisez la constitution de 1791 acceptée par Louis XVI,

et la constitution de l'an 8, et vous verrez qu'elles garantissent aux Français tous les droits qui sont consacrés par la nouvelle charte. N'allez donc pas vous embarrasser dans de nouvelles disputes; songez que le temps que vous emploierez à défendre la constitution, sera plus utile à la France que celui que vous emploieriez à la critiquer. Que si vous croyez qu'elle renferme quelques défauts, vous pouvez en solliciter la correction auprès de la chambre des députés; mais, en attendant, obéissez aux lois et servez la patrie. Pour vous, monsieur le royaliste pur, craignez de souiller votre pureté, en faisant voir à toute la France les que marques d'attachement que vous avez données au Roi légitime, n'avaient pour objet que de couvrir votre cupidité.

DÉCOUVERTE POLITIQUE.

Réjouissez-vous, Monsieur, la France triomphe; l'Angleterre est perdue, mais perdue sans retour. Nos ministres lui portent un coup mortel: dans trois mois, elle est en état de révolution, et, dans six, nous en avons fait la conquête. Quoi auraientils trouvé le moyen de détruire sa marine ou son crédit? Ils ont mieux fait, ils ont trouvé le

moyen

de renverser son gouvernement. Voyant que nous

n'avions pas pu la détruire par les armes, ils l'attaquent par le ridicule : l'acte du 4 juin, que vous aviez pris pour une charte constitutionnelle, devient la parodie de la constitution anglaise. Nous avons la liberté de la presse..... avec la censure préalable; nous avons un pouvoir législatif, avec..... Oh! que cela est plaisant, et que nous allons bien faire rire tous les peuples de l'Europe aux dépens des Anglais ?...... C'est ainsi qu'en sortant de la chambre des députés, s'exprimait en ma présence un ancien habitué du Vaudeville, lorsqu'il a été tout-à-coup interrompu par un brave royaliste, qui m'a apostrophé en ces termes :

« J'ai lu le premier numéro du Censour; et, << comme tous les honnêtes gens, j'ai été indigné de <<< votre audace. Quoi vous ! osez nous parler de « vertus et de mœurs! vous prenez la défense des » lóis, contre les ministres de Sa Majesté ! Sachez « que sa fidèle chambre des députés saura vous faire « repentir de votre témérité, et qu'elle s'empressera « de supprimer une liberté dont vous faites un si << criminel usage. Son Excellence le ministre de l'in«térieur vient d'en demander la suppression, et « vous pouvez être convaincu qu'elle ne lui sera pas <<< refusée. »>

Je ne sais, ai-je répondu, ce que fera la chambre des députés; mais voici une fable dans laquelle vous pouvez découvrir les motifs de la loi que propose Son Excellence :

« On sait que le calife Aaron-Al-Raschid fut u

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des plus grands et des meilleurs monarques qu'ait eus l'Orient. Il fut l'ami des sages, le bienfaiteur des talens et le protecteur des sciences; il fonda des académies et des colléges, pour améliorer l'éducation du peuple et encourager l'enseignement de toutes les connaissances utiles. Son grand-visir, Musafir, lui dit un jour: « Votre esclave peut-il demander à Votre Hautesse quel fruit elle prétend retirer de ses soins pour éclairer son peuple?» Aaron lui répondit: « Le peuple a besoin des lumières de l'esprit, comme de celles du corps, pour se conduire dans la route de la vie.-Croyez-vous, Seigneur, que vous en serez mieux obéi? Sans doute, dit le calife; car le peuple sentira mieux que mes lois sont justes, et que son obéissance lui est utile.-Mais en paiera-t-il plus volontiers les tributs? - Oui, parce qu'il jugera par lui-même que les tributs servent à défendre son repos et ses propriétés. Mais votre indulgence n'exciterat-elle pas vos poètes et vos savans à pénétrer dans les secrets de votre gouvernement?— Je gouvernerai de manière à ne pas craindre les regards des habiles et la censure des sages. O commandeur des croyans! ces sages ne pousseront -'ils pas la témérité jusqu'à vous supposer des fautes? Ils feront mieux, ils m'avertiront de celles que j'aurais faites, et m'apprendront à les réparer. — La liberté que vous leur donnez de mettre au jour toutes leurs pensées, ne les mettra-t-elle pas dans le cas de répandre beaucoup d'erreurs? Oui, mais en même temps beaucoup de vérités. Il vaut mieux courir le risque de laisser

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