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tront sans doute avec un peu de réflexion, qu'en administration, en législation, comme en guerre, un succès obtenu avec trop de peine, après une longue résistance, peut ressembler à une défaite, et qu'il peut être dangereux d'en obtenir plusieurs de

'cette nature.

Ici l'opinant indique les changemens qu'il croit devoir être faits au projet de loi, et il termine son discours, en disant que si ses propositions sont adoptées, il votera pour la loi; mais que si au contraire on est disposé à ne consentir à aucun amendement il votera contre.

M. le comte Barral, archevêque de Tours, vote pour l'adoption pure et simple du projet de loi. I cherche à prouver que l'article 8 de la constitution, en garantissant aux Français la liberté de la presse, n'a pas exclu la censure préalable et arbitraire des agens du gouvernement. Il reproduit à cet égard tous les argumens faits par le ministre de l'intérieur. à la chambre des députés, et il termine son discours par deux observations nouvelles.

Par la première, il fait remarquer que le préambule du projet, qui présente la censure comme conséquence nécessaire de la constitution, n'est pas en opposition avec l'article 22, suivant lequel la censure doit cesser à la fin de l'année 1816.

la cen

Par la seconde, il cherche à prouver que sure arbitraire n'est pas en opposition avec les principes de notre droit public; que les trois quarts et demi du monde civilisé qui n'ont point de repré

sentation nationale, l'ont admise, et que par conséquent, nous qui avons une représentation nationale nous devons l'admettre également, quoiqu'elle ait été repoussée par tous les états dont la constitution a quelqu'analogie avec la nôtre.

Ma seconde observation, dit-il, est relative à des apostrophes véhémentes qui sont adressées dans divers écrits ou discours, tant au ministre de Sa Majesté qu'à ceux qui approuvent la mesure temporaire d'une censure préalable. On les interpelle comme s'ils ignoraient complètement les premiers principes du droit public, comme s'ils prenaient à tâche de contredire ouvertement le vœu national, ouse proposaient de violer la charte constitutionnelle; comme s'ils étaient ennemis de la liberté sociale quand ils jugent, avec la charte elle-même, qu'il faut en réprimer les abus, afin qu'elle ne dégénère pas en licence; comme si, en un mot, tout ce qu'on allègue contre le projet de loi portait le caractère de l'évidence.

M. l'archevêque de Tours affirme que les Français ne désirent pas la liberté de la presse, et il se fonde sur le silence que les départemens ont gardé à cet égard (1). Il produit ses argumens sur l'interprétation de la charte constitutionnelle; il cite la constitution de la république de Genève, qui, en garan

(1) Le dernier Gouvernement aurait également pu soutenir, en se fondant sur le silence des départemens, que les Français ne désiraient ni la cessation de la guerre, ni l'abolition de la conscription.

tissant aux citoyens la liberté de la presse, admet des lois répressives, et des réglemens, qui n'ont rien de commun avec une ceusnre préalable et arbitraire.

Quant aux apostrophes dont M. l'archevêque se plaint, et qui ont été adressées au ministre de Sa Majesté et aux partisans de la censure préalable et arbitraire, il importe de les faire connaître au public il jugera jusqu'à qu'elle point elles sont fondées.

Pour autoriser, dit M. le duc de Brancas, la suspension de la liberté que le Roi a voulu nous acco rder (c'est-à-dire nous garantir), et dont il a voulu nous faire jouir sans retard, ne faudrait-il pas qu'il fût arrivé quelque chose de bien nouveau et de bien alarmant? De nouveau !

Je vois que nous devons à la raison supérieure du Roi la liberté de la presse, qui assure toutes les autres; et je vois dans l'acte qui veut nous en faire jouir sans retard, l'exécution scrupuleuse de sa pro. messe. Sans doute tout cela est nouveau dans l'histoire des Rois; mais pendant que cela vous saisit d'admiration, de quelle peur le ministre peut-il être frappé? Je vais vous le dire, et ceci ne sera pas nouveau dans les annales des cours.

La liberté de la presse empêcherait la responsabilité des ministres de devenir illusoire, et de trouver leur impunité jusque dans la loi qui les menace; ils seraient exposés à la censure publique, autant que le Roi en serait éloigné; ils ne pourraient plus, sous le nom de Gouvernement, se confondre avec le Roi.

Tel était le mortel abus dont le Roi fut témoin dans sa jeunesse, tel est celui dont le Roi a voulu se garantir à jamais en nous assurant, et sans retard, la liberté de la presse. Voilà pourtant ce qu'un ministre entreprend de démentir en nous parlant d'une réserve dans la constitution, qui découvre à présent que la loi préventive, devenue répressive, renfermait la censure! et c'est d'après un tel subterfuge qu'il entreprend de persuader les pairs qu'ils obéiront à la pensée du monarque en désobéissant à ses paroles formelles.

Qu'en arriverait-il cependant? Que l'extrême dévouement des pairs leur aurait fait commettre l'excès où le comble de l'audace porta les jacobins. Comme eux les pairs auraient voilé l'arche de la constitution; mais comme ils frémissent qu'une faute pareille n'entraîne des désastres semblables, je ne leur dirai plus qu'un mot : il ne s'agit pas moins, dans la circons tance présente, que de rester sujets d'un Roi qui nous rend libres, ou de devenir sujets d'un ministre qui nous rendrait esclaves. Cette considération est d'une si haute importance, qu'elle porte subitement mon esprit sur l'art. XIX.

Je vois dans la conduite du ministre l'indispensable devoir de la chambre de secourir le Roi contre les desseins qu'annonce le ministre et propose à la chambre de délibérer sur cet objet.

M. le duc de Tarente a voté pour le rejet du projet de loi. Ayant réduit la difficulté à la question de savoir si les circonstances actuelles exigeaient que

la liberté de la presse fût suspendue; il s'est attaché à démontrer que cette nécessité n'existait pas.

Son attention s'est portée particulièrement sur les militaires. Il a affirmé qu'on ne pouvait, sans calomnie, leur supposer un esprit de révolte ou d'insubordination; que si quelques soldats avaient donné des marques de mécontentement, il ne fallait en rien conclure contre l'armée entière; que les officiers connaissaient leurs devoirs, et qu'ils étaient tous disposés à les remplir; qu'au reste ils sauraient bien maintenir dans l'ordre les soldats qui seraient tentés de s'en écarter.

M. le comte Lenoir-Laroche a demandé le rejet du projet de loi. Son discours est écrit avec tant de force, qu'on ne saurait l'analyser sans l'affaiblir. Le voici donc tel qu'il a été prononcé :

Quelle qu'ait été, pendant le cours des débats, a dit l'orateur, la diversité des opinions sur le projet de loi soumis à votre examen, je vois avec une douce et vivesatisfaction que nous sommes tous réunis dans un même sentiment, le respect religieux pour la constitution, la volonté bien prononcée de défendre la prérogative royale, et le désir de donner au Gouvernement toutes les facilités qui peuvent être compatibles avec nos devoirs et l'intérêt public.

Mais les uns, en attaquant de front le projet de lois sous tous ses rapports, pensent que ce projet, tel qu'il est sorti de la chambre des députés, est en op. position directe et formelle avec la lettre et l'esprit de notre charte qu'il établit la censure sans

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