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les discours des orateurs pourraient être simples sans que les résolutions de la chambre fussent moins sages et moins orageuses; mais tant qu'il y aura des députés qui ne voudront pas le bien ou qui le voudront faiblement, il arrivera souvent que les discours seront violens et les décisions lâches ; ce qui produira sur les esprits un effet doublement mauvais sans qu'on puisse en accuser les orateurs.

La chambre a ajourné la proposition de M. Durbach. Elle a considéré, sans doute, que la liberté de la presse étant formellement établie par la charte constitutionnelle, la proposition était sans objet sous ce rapport; et, quant à la loi que M. Durbach demandait pour réprimer les délits qu'on pourra commettre par l'abus de cette liberté, elle a trouvé que sa proposition ne contenait point d'élémens assez déterminés de discussion. Toute autre manière d'expliquer cet ajournement serait aussi injurieuse pour la chambre qu'inquiétante pour le public.

D......R.

DES SECTES POLITIQUES.

Dialogue entre un Royaliste pur, un Royaliste constitutionnel, un Républicain et un Métaphysicien.

que

La philosophie, la religion et la politique ont produit un grand nombre des sectes; mais la première est, je crois, la seule dont les divisions n'ont point ensanglanté la terre. Ce qui prouve, ce me semble, si les philosophes se sont souvent égarés, ils sont du moins les seuls qui ont cherché la vérité de bonne foi, et qui n'ont pas été guidés dans leurs recherches par la soif des richesses et des dignités. Locke et Condillac ont paru ; et devant leurs sages écrits, les sectes philosophiques se sont dissipées comme des ombres devant la lumière. Bannis sans retour de la France et de l'Angleterre, elles se sont retirées, diton, en Allemagne, d'où elles seront encore bannies, aussitôt que les écrivains de cette nation daigneront se rendre compte de la valeur des mots qu'ils emploient.

Les sectes religieuses n'ont pas été si douces ; comme les sectaires avaient à discuter sur des mystères, sur des richesses et sur des honneurs, il leur était un peu plus difficile de s'entendre et de renoncer à leurs pré

tentions. Cependant, après bien des discussions, des injures, des excommunications, des assassinats, des massacres et des guerres civiles, les fureurs se sont calmées; et, selon l'usage ordinaire, on a fini par où l'on aurait dû commencer; c'est-à-dire que ne pouvants'entendre, chacun est resté dans sa croyance, sans s'inquiéter de celle d'autrui. Un jour peut être quelques rayons de la lumière que Locke et Condillac ont portée dans la philosophie tomberont sur les sectes religieuses; alors elles disparaîtront à leur tour, et les hommes se réuniront sous le même culte. Cela doit arriver, n'en doutons pas, car toute secte est fille de l'erreur, et nulle erreur ne saurait être éternelle.

Aux fureurs des sectes religieuses ont succédé les fureurs des sectes politiques; et nous avons eu des royalistes purs, des royalistes constitutionnels, des aristocrates, des démocrates, des jacobins et des sansculottes. La plupart de ses sectaires n'ont été ni moins ardens dans leurs persécutions ou dans leurs vengeances que les sectaires religieux; car, tandis que les plus forts s'occupaient à proscrire les plus faibles, ceux-ci, pour soutenir l'autel et le trône, allaient exciter la civile, ou piller les diligences. Enfin, après avoir commis beaucoup de crimes, répandu bien du sang, ils ont tous posé les armes, moins par raison que par lassitude. Maintenant chacun se presse autour du trône et vient demander la récompense des nobles services qu'il a rendus à la patrié.

guerre

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Ce temps de calme donne lieu à un nouveau genre de guerre ; c'est celle des pamphlets. Il n'est pas un écrivain, quelque chétif qu'il soit, qui ne veuille dire son mot sur le gouvernement qui convient à la France. Les uns, et ce sont les plus fanatiques, se proclament ROYALISTES PURS, et prétendent que les Français ont commis un crime abominable, quand ils ont eu l'audace de présenter une constitution à leur maître légitime. Les autres qui ne croient pas aux rois par la grace de Dieu, sont fortement persuadés que nous devons avoir un Roi; mais ils soutiennent que nous n'avons point de maîtres légitimes; que les rois n'existent que pour l'intérêt et par la volonté des penples; et qu'ainsi c'est aux peuples seuls qu'appartient le droit de déterminer les règles suivant les➡ quelles ils veulent être gouvernés. Ceux-ci ont écrit sur la bannière qui précède leurs innombrables phalanges: ROYALISTES CONSTITUTIONNELS. Il est une troisième secte qui ne fait poiut de pamphlets, et qui ne porte point de bannière; c'est celle de ces hommes sévères que le nom de Roi fait reculer d'horreur et qui auraient banni jusqu'au Roi des sacrifices s'ils avaient eu le bonheur de naître Romains. Ces der niers s'appellent des républicains.

Témoin d'une discussion qui s'est élevée le jour même où la constitution a été promulguée, entre un royaliste pur, un royaliste constitutionnel, un républicain, et un métaphysicien qui voulait les concilier, je vais en faire part au public; cela me dispensera de l'examen particulier de tous les ouvrages

qui, depuis quelques jours, ont paru sur cette ma

tiere.

Le Royaliste pur. Enfin nous voilà revenus sous l'antique gouvernement de nos pères, sous ce gouvernement doux et paternel qui a fait leur bonheur et leur gloire pendant quinze siècles.

Le Républicain. Quoi! vous pouvez désirer de vivre sous un gouvernement monarchique! et ne savezvous pas que, suivant l'expression de Montesquieu, dans les monarchies, la politique fait faire les grandes choses avec le moins de vertu qu'elle peut ; que l'État subsiste indépendamment de l'amour pour la patrie, du désir de la vraie gloire, du renoncement à soi-même; que les lois y tiennent la place de toutes ces vertus dont on n'a aucun besoin et dont l'Etat vous dispense; que si dans le peuple, il se trouve quelque malheureux honnête homme, le cardinal de Richelieu, dans son testament politique, insinue qu'un monarque doit se garder de s'en servir. Tant il est vrai, ajoute Montesquieu, que la vertu n'est pas le ressort de ce gouvernement?

Le Royaliste pur. Il est vrai que, dans un gouvernement monarchique, la vertu est iuutile; mais n'estelle pas remplacée par l'honneur, c'est-à-dire par prejugé de chaque personne et de chaque condition?

le

Le Républicain. Quel est donc ce misérable honneur dont vous nous parlez; et que peut-il produire de bon, puisqu'il se concilie avec tous les vices? Onvrez l'Esprit des lois, et vous lirez dans le chap. V du liv. III: «L'ambition dans l'oisiveté, la bassesse dans

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