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on pourra croire que, dans l'opinion de ce ministre, la puissance législative appartient exclusivement au Roi, et que les deux chambres doivent se borner à tenir registre des volontés du prince. Cette interprétation, que je suis loin de regarder comme juste, s'accorderait mal avec la réputation de M. l'abbé de Montesquiou; on le dit plus attaché à la constitution qu'aucun de ses collègues, ce qui peut-être n'est pas beaucoup dire; il faut donc croire ou qu'il est poussé par une main invisible, ou que la grande habitude de rédiger des ordonnances l'entraîne lorsqu'il rédige des projets de loi.

RÉSOLUTION DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET DE LA CHAMBRE DES PAIRS (1).

Sur l'observation extérieure des jours de repos.

Le Roi sera supplié de proposer une loi sur l'observation extérieure des jours de repos et des fêtes reconnus par le Gouvernement.

(1) Cet acte n'aura véritablement le caractère de loi, quoiqu'il ait déjà reçu la sanction de la chambre des députés et de la chambre des pairs, que lorsqu'il aura été sanctionné par le Roi, et discuté de nouveau dans les deux chambres.

Suivent les dispositions qu'il paraît convenable que la loi contienne :

ART. 1er. Les travaux ordinaires seront interrompus les dimanches et jours de fêtes reconnues par la

loi.

2. En conséquence, il est défendu lesdits jours> 1o. aux marchands d'étaler et de vendre, les ais et volets des boutiques ouverts; 2°. aux colporteurs et étalagistes de colporter et d'exposer en vente leurs marchandises dans les rues et places publiques; 3. aux artisans et ouvriers de travailler extérieurement et d'ouvrir leurs ateliers; 4°. aux charretiers et voituriers, employés à des besoins et services locaux, de faire des chargemens dans les lieux publics de leur domicile.

3. Dans les villes dont la population est au-dessons de 5000 ames, ainsi que dans les bourgs et villages, il est défendu aux cabaretiers, marchands de vin, débitans de boissons, traiteurs, limonadiers, maîtres de paume et de billard, de tenir leurs maisons ouvertes, et d'y donner à boire et à jouer lesdits jours pendant le temps de l'office divin.

4. Les contraventions aux dispositions ci-dessus seront constatées par procès-verbaux des maires et adjoints, ou des commissaires de palice..

5. Elles seront jugées par les tribunaux de police simple, et punies d'une amende qui, pour la première fois, ne pourra pas excéder cinq francs.

6. En cas de récidive, les contrevenans pourront être condamnés au maximum des peines de police. 7. Les défenses précédentes ne sont pas applica

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bles: 1. aux marchands de comestibles de toute nature, sauf cependant l'exécution de l'article 3 2o. à tout ce qui tient au service de santé ; 3o. postes, messageries et voitures publiques; 4°. aux voituriers de commerce par terre et par eau et aux voyageurs; 5o. aux usines dont le service ne pourrait être interrompu sans dommage; 6o. aux ventes usitées dans les foires et fêtes dites patronales, et au débits des mêmes marchandises dans les communes rurales, hors le temps du service divin; 7o. aux chargemens de navires marchands, et autres bâtimens de commerce maritime.

8. Sont également exceptés des défenses ci-dessus les courriers et les ouvriers employés: 1o. à la moisson et aux récoltes; 2o. aux travaux urgens de l'agriculture; 3°. aux constructions et réparations motivées par un péril imminent, à la charge, dans ces derniers cas, d'en demander la permission à l'autorité municipale.

9. L'autorité administrative pourra étendre les exceptions ci-dessus aux usages locaux.

10. Les lois et les réglemens de police antérieurs, relatifs à l'observation des dimanches et fêtes sont et demeurent abrogés (1).

La présente résolution a été prise par la chambre des députés, le 27 juillet 1814, et par la chambre des pairs, le 19 août suivant.

(1) On voit qu'il n'est pas ici question de processions, et qu'ainsi les prohibitions portées, à cet égard, par fa loi du concordat, restent dans toute leur force.

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LA civilisation paraît beaucoup plus avancée chez les peuples modernes, qu'elle ne l'a jamais été chez les anciens; cependant les anciens étaient en général beaucoup mieux policés que nous; ce qui prouve qu'une bonne police ne suit pas toujours les progrès de la civilisation. Cette vérité, qui paraît si simple, sera combattue, je n'en doute pas, par cette foule de courtisans politiques qui depuis quelque temps ne cessent de nous vanter je ne sais quel bonheur dont ils disent que nos pères ont joui pendant quinze siècles, et qui ne peuvent pas concevoir qu'un peuple qui possédait une multitude immense de poëtes, de romanciers, de géomètres, de comé diens, de grands seigneurs, de vices et de mendians, ne fût pas un peuple éminemment heureux, et surtout bien policé. Si nous voulions les en croire, nous nous hâterions de reprendre les institutions sous lesquelles nos aïeux eurent le précieux avantage de voir

les croisades, la ligne, la Saint-Barthélemi, les dragonades, les lettres de cachet, la torture, les justices vénales et seigneuriales, les capucins, les sorciers, et tant d'autres belles choses qui firent leur bonheur et leur gloire dans les derniers siècles qui ont précédé la révolution.

Ces éternels prôneurs de no s usages gothiques sont sur-tout ravis d'admiration pour l'éducation qu'on donnait jadis à la jeunesse française; ils sont fâchés que cette éducation ait reçu quelques légères modifications, et ils croient ou font semblant de croire qu'un peuple qui n'a point de jésuites ne saurait avoir de bons citoyens. Si je disais que cette éducation qu'on veut nous faire admirer, me para ît trèsvicieuse, et qu'à certains égards je préfère celle que donne à ses enfans telle peuplade de sauvages, croirait peut-être que je ne parle pas sérieusement; cependant je ne dirais que ce que je pense, et ce qu'il! serait facile de démontrer à dés gens moins prévenus que nous.

on

Le but de toute institution sociale est ou doit être l'intérêt commun des associés; or il est impossible d'atteindre ce but, si l'on ne sait pas convaincre les hommes que leur intérêt particulier ne peut se trouver que dans l'intérêt général. Mais comment le législateur pourra-t-il leur donner cette conviction? Comment dirigera-t-il tous les esprits vers le bien public? En les éclairant sur ce qui est bien et sur ce qui est mal. Il faut donc que la morale et les lois deviennent la base de l'éducation, puisque les lois

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