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geait que la censure était nécessaire, il est évident qu'on ne pourrait la proposer que comme une dérogation à cet article. M. l'abbé de Montesquiou a fait le contraire, il a voulu présenter la censure comme le complément indispensable de l'article qui établit la liberté de la presse', et comme le seul moyen possible d'assurer l'exercice de cette liberté. Or, il est évident qu'il a trop entrepris en cela; et quelle qu'ait été l'adresse de son discours, il n'a pu persuader aux plus simples qu'il voulait véritablement assurer l'effet de l'art. 8, et favoriser la liberté de la presse. Aussi est-on forcé de convenir que, quand on serait le partisan le plus outré de la censure on ne pourrait honnêtement prendre la défense du projet de loi présenté par M. l'abbé de Montesquiou à la chambre des députés. Et certes, s'il y a encore quelque déshonneur en France à parler contre sa pensée, on ne peut s'empêcher de dire que les députés qui éleveront la voix en faveur de ce projet, s'exposeront peutêtre à l'improbation de leurs commettans. Que ces messieurs y prennent donc garde; et s'ils croient la censure nécessaire, qu'ils proposent franchement d'abroger l'art. 8 de la charte constitutionnelle ; mais qu'ils n'aient pas l'air de vouloir assurer l'effet de la disposition que cet article renferme; car, en vérité, il serait impossible d'admettre qu'ils fussent de bonne foi.

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C'est par décret du 21 juillet que l'inquisition a été rétablie en Espagne. Nos lecteurs ne seront sans doute pas fàchés de connaître les motifs qui ont pu donner lieu à une pareille mesure. Le ministre qui a rédigé le décret considère que le Roi d'Espagne, portant le titre glorieux de majesté catholique, son premier devoir était de se rendre digne d'un titre si beau par

tous les moyens que le ciel avait mis en sa puissance ; que par conséquent il ne devait rien négliger pour extirper de son royaume les opinions dangereuses qui s'y sont introduites pendant la dernière guerre; que les lois fondamentales de la monarchie espagnole, imposent au Prince l'obligation de ne point avoir d'autre religion que la religion catholique, et que Ferdinand a juré d'observer ces lois; que d'ailleurs la religion catholique est le moyen le plus propre à prévenir les dissensions intestines; que l'inquisition a sauvé l'Espagne des fureurs de la réforme pendant le 16. siècle; et qu'à cette époque elle a fait fleurir dans le royaume les sciences et les belles lettres; enfin qu'on a instamment supplié le Roi de rétablir le tribunal dú saint office.

S. M. C. devait maintenir l'intégrité de la foi dans ses Etats: était-il indispensable, pour cela, de dresser des bûchers et des échafauds? et n'y avait-il aucun milien possible entre l'impiété et l'inquisition? S.M. C. devait obéir aux lois de son royaume : est-il bien facile de croire au res, ect des ministres espagnols pour les lois de leur pays? L'inquisition était le meilleur moyen de faire cesser les troubles et de rétablir la paix au sein de l'Espague est-il bien sûr que la guerre civile ne soit pas préférable au genre de paix que les ministres espagnols s'efforcent d'établir dans leur triste patrie? On a supplié S. M. C. de rétablir l'inquisition : c'est le première fois, depuis le retour de Ferdinand, qu'on montre tant de déférence, en Espagne, pour les vœux des peuples. Mais est-il possible qu'on ose au 19. siècle, et à la face de l'Europe civilisée, essayer de justifier le rétablissement de l'inquisition? M. le chev. de Las

brador peut-il souffrir que les journaux français rapportent complaisamment la honteuse apologie qu'en fait son compatriote don Pedro Macanaz? A quoi pense donc M. le chevalier ? C'est ici le cas de se plaindre ou jamais; car je doute que nos journaux eussent pu nous apprendre rien de moins honorable pour son Ġouver

nement.

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Nous venons de voir qu'en rétablissant l'inquisition, le Gouvernement espagnol n'avait fait que céder au vœu qu'on lui avait manifesté. Nous lisons, dans le n°. 16 du Mercure étranger, une lettre extraite de la Sentinelle de la Manche, dans laquelle ce vœu se trouve en effet exprimé. Nous allons transcrire ici un fragment de cette lettre. Il fera connaître l'espèce d'hommes et l'espèce de vœu auquel le Gouvernement espagnol a accordé le rétablissement de l'inquisition.

que

Mais le grand maître qui voit tout, auquel rien ne peut échapper, a détruit tout cet édifice (l'édifice élevé par les membres des cortès, sans doute), l'a fait tomber sur eux, les a pris dans leurs propres filets, et les a mis entre les mains d'un Roi catholique, du vertueux Ferdinand. Ils ne pourront lui échapper, parce Dieu a élu ce religieux Prince pour qu'il fasse de cette plante maudite des javelles, qu'il les brûle et agisse avec eux comme ils voulaient agir avec nous. Feu donc sur eux, puisqu'il n'est pas possible de s'opposer autrement à la contagion, à l'infection que répandent ces hommes pestiférés et cancéreux. Feu donc sur eux, puisqu'avec des mensonges, des inventions ridicules, des faits fabuleux, et leurs doctrines enverrimées, ils ont voulu éteindre le saint feu que les Rois catholiques allumèrent pour consumer tous ceux que l'église déclarait criminels et dignes d'une telle punition. Feu donc sur eux, sur leurs personnes, sur leurs dogmes, sur leurs livres; qu'ils finissent comme ils auraient voulu qu'eussent fini les Espagnols catholiques. Maintenant je vous demanderai, M. l'éditeur, qu'est-ce qu'on fera de tant de productions et de livres, tels que la Vertu à la mode, la Paix et le Taureau de Jovellanos la Traduction de l'art d'aimer d'Ovide, les Prières d'un Galicien, le Contrat Social de Rousseau,

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l'Emile, le Dictionnaire critique Burlesque, et beaucoup d'autres de la même trempe qui ont parcouru et parcourent le monde avec tant de succès et de profit pour ceux qui les débitent (1), mais avec tant de scandale pour le christianisme. Je voudrais savoir aussi quelle sera la destinée de ces comédiens du Diable prédicateur, de la Mort d'Abel, du Père Lucas ou le Monarchisme évanoui, du Fénelon, et de toutes les autres qui, dans ces années de liberté de conscience

ont été

représentées sur les théâtres de cette capitale avec la plus grande fourberie, et malgré les anathêmes foudroyés contre de semblables représentations. Je ne doute pas que vous serez de la même opinion que moi: feu et toujours feu; inquisition et toujours inquisition, et celui qui sera juif, qu'on le brûle.

On a lu dans les journaux, sous la rubrique de Londres, que le gouvernement espagnol avait prohibé les journaux anglais et portugais en Espagne, sous peine de dix années de fers contre les personnes qui les recevraient ou les distribueraient. La modération de cette mesure s'accorde parfaitement avec le rétablissement de l'inquisition.

· La direction de la librairie a donné avis aux imprimeurs et libraires qu'elle allait changer du domicile et transférer ses bureaux de la rue Culture Sainte- Catherine dans celle de Tournon. A cet avis je crois devoir en joindre un second qui dispensera MM. les imprimeurs et libraires de retenir la nouvelle adresse de le direction; c'est que rien ne les oblige à reconnaître la censure qu'elle n'a aucune existence légale, que ces agens ne peuvent faire que des actes arbitraires. 0.

(1) Nos lecteurs remarqueront sans doute avec plaisir que des ouvrages tels que le Contrat Social et l'Emile, sont recherchés en Espagne.

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LE CENSEUR.

N. 6.

DE L'ESPRIT PUBLIC EN FRANCE,

ET PARTICULIÈREMENT DE L'ESPRIT DES FONC TIONNAIRES PÚBLICS (1).

La France, pendant le règne de la féodalité, of

frait, sous un certain point de vue, l'aspect que présente aujourd'hui l'Europe. Ses Rois, réduits à un simple droit de suzeraineté que l'insubordination des seigneurs rendait même illusoire, ņ’exerçaient de véritable pouvoir qu'en qualité de seigneurs sur les habitans de leurs domaines privés. Chaque province, chaque seigneurie formait un Etat particulier, et tous ces petits Etats étaient, soit en euxmêmes, soit les uns à l'égard des autres, dans une situation à peu près semblable à celle où se trouvent depuis long-temps les divers Etats européens. L'autorité des seigneurs reposait, comme

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(1) Voyez la quatrième livraison, page 156.

TOME Ier.

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