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an 9, sur l'enregistrement. Il rappelle les abus que fait la régie des domaines de la faculté que ces articles lui accordent de demander l'expertise en cas de mutation, et il propose une loi dont l'objet est de les prévenir.

-La proposition faite par M. Aubert est assurément fort sage; mais peut-être le serait-elle plus, si elle était plus étendue, et si elle avait pour objet d'obtenir la révision générale des lois sur l'enregistrement. Il n'est en législation aucune matière qui ait donné lieu à tant de procès et à tant d'instructions que celle-ci. Si je disais que les extensions, les restrictions et enfin tous les commentaires de l'administration de l'enregistrement, composent près de dix-neuf vol. in-fol. on croirait que c'est une exagération ridicule ; cependant que l'on consulte les employés de la régie, et l'on verra que c'est l'exacte vérité.

On assure même que la perception des droits n'est pas uniforme sur toutes les parties de la France: ce qui prouverait qu'on perçoit des droits plus forts que ceux qui sont fixés par les lois. La chambre des dé-, putés pourrait au reste consulter les administrateurs, et se faire rendre compte des entraves ou des vices de la perception des droits; personne n'est à même de connaître les vices de la loi, mieux que ceux qui sont chargés d'en prouver l'exécution, si ce n'est peut-être les magistrats qui l'appliquent journellement. Sous ce rapport la Cour de cassation pourrait rendre de grands services, et il serait d'autant plus convenable de la consulter, qu'elle est chargée par la loi de faire

remarquer, toutes les années, à la puissance législative, les vices de la législation.

-Séance du 14. M. le chevalier de Poiféré de Cère développe la proposition qu'il avait faite sur l'expor tation et l'importation des produits bruts. Il observe que les véritables sources de la prospérité nationale sont dans leurs produits agricoles, et que les métaux et les autres matières auxquelles les hommes attachent un grand prix, ne sont que des valeuis fictives qu'ils sont convenus de donner et de recevoir en échange pour les productions nécessaires à leurs besoins ou à leurs goûts.

On voit que M. de Poiféré ne partage pas l'opinion de M. J.-B. Say, qui pense que la monnaie n'est ni un signe ni une mesure, mais qu'elle a une valeur intrinsèque et indépendante de l'effigie. « La monnaie serait seulement un signe, dit-il, si elle n'avait point de valeur par elle-même; bien loin de-là, sa valeur intrinsèque, quand on fait une vente ou un achat est tout ce qu'on considère en elle. En vendant une marchandise contre une pièce de cinq francs, on ne la troque pas contre la figure ou le nom de cette pièce, mais contre la quantité d'argent qu'on sait y être

contenue.

<< Cela est si vrai, que si le Gouvernement frappait des écus en étain, ils ne vaudraient pas autant que des écus en argent. Leur dénomination fût-elle la même, le nombre qu'on en demanderait pour uné même denrée serait fort différent s'ils n'étaient qu'un signe, les uns vaudraient les autres.

"

Si la force, l'adresse, ou bien des circonstances politiques extraordinaires ont quelquefois soutenu la valeur courante des monnaies, lorsque leur valeur intrinsèque a décliné, ce n'a jamais été que pendant un temps fort court. L'intérêt personnel parvient bien vîte à découvrir si la marchandise qu'il reçoit vaut moins que celle qu'il donne, et il trouve toujours le moyen de se soustraire aux désavantages d'un échange inégal.

» Ce qui est un signe, c'est un billet de banque payable à la première réquisition; il est le signe de l'argent qu'on peut recevoir au moment qu'on veut, sur la présentation de cet effet. Mais quant à la monnaie d'argent qu'on reçoit à la caisse, elle n'est pas le signe, elle est la chose signifiée » (1).

que

M. de Poiféré de Cère ne s'arrête pas au reste sur cette opinion, qui ne lui sert pour ainsi dire de transition. Passant à l'examen de la question principale, il pense avec Sully que les peuples sont liés par leurs communs besoins; qu'un intérêt réciproque les invite à de mutuels échanges, et que par une conséquence nécessaire, la balance doit se décider en fa

(1) On jugerait fort mal des raisons de M. Say, si on ne les jugeait que d'après ce passage: pour en sentir toute la force il faut lire le chapitre XI du livre Ier. de la deuxième édition de son Traité d'Economie politique. Cet ouvrage, un des plus utiles qui aient été publié depuis bien longtemps, devrait être le manuel de toutes les personnes qui' s'occupent d'administration,

veur de ceux qui produisant plus, peuvent fournir aux autres plus qu'il n'en retient.

Que penser, ajoute-t-il, de ce systême absurde de prohibition qui, depuis plusieurs années, a pesé sur la France, et qui dans un engagement universel de choses, de denrées, nous a fait éprouver toutes les angoisses des privations et de la pauvreté ?

Le premier résultat des lois qui prohibent l'exportation, est de produire l'engorgement et l'avilisse ment des denrées. Dès-lors l'intérêt personnel, ce conseiller si clairvoyant et si actif pour tous les hommes, les porte à abandonner une culture pour sé livrer à une autre. Bientôt la masse de la denrée avilie diminue; et comme la prévoyance n'a pu fixer l'équilibre dans cette marche rétrograde, on est quelquefois entraîné dans un vide qu'on n'est plus le maître de combler, et qui, en certain cas, menace de tout engloutir.

Après avoir ainsi fait sentir les inconvéniens qui résultent des entraves mises à l'exportation, M. de Poyféré de Cère fait voir les avantages qui doivent être la suite du systême contraire, et il propose une loi, en cinq articles, par laquelle il pourvoit à l'intérêt de l'agriculture, et prévient en même temps les dangers qui pourraient résulter d'une exportation trop considérable des objets nécessaires à la France.

Dans la séance du même jour, M. Hardouin fait un rapport sur le projet de loi présenté à la chambre en forme de réglement. Déjà nous avons quelques observations sur ce projet ; et nous allons nous bor-'

ner ici à faire quelques remarques sur une disposition à laquelle on n'a donné, à ce qu'il paraît, qu'une attention fort légère.

L'article 33 porte que la chambre des pairs et celle des députés n'envoient des députations qu'au Roi et avec sa permission. Ainsi, d'après cet article, les chambres ne pourront communiquer avec le Roi, que lorsque le Roi voudra bien le leur permettre; mais comment obtiendront-elles cette permission? Sans doute par l'intermédiaire des ministres. Si donc les ministres craignent les communications qui pourraient avoir lieu entre les chambres et le Roi, ils pourront impunément y mettre obstacle, et les premiers corps de l'Etat ne pourront pas même user du droit de pétition que nos lois constitutionnelles garantissent à tous les citoyens.

Si je disais que la sûreté de l'Etat et du Roi peut être compromise par l'effet de cette disposition, on ne manquerait pas de m'accuser d'exagération. Je vais donc rapporter un fait qui tiendra lieu de preuve à ceux pour lesquels tout raisonnement est une théorie dangereuse.

« Le lendemain (27 août 1648) le parlement s'assembla, et résolut d'aller en corps de cour au Palais-Royal demander la liberté des prisonniers et la révocation des ordres qui exilaient MM. Laîné, Benoît et Loisel. Tandis qu'ils étaient assemblés, on vint dire que le peuple cherchait M. le chancelier pour le tuer. C'est que s'étant mis en chemin pour venir au palais, on avait arrêté son carrosse, et ayant

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