ses secours étaient tellement puissans, que la Poméranie leur doit la liberté dont elle a joui pendant plusieurs siècles. Il ne laissa qu'un filslégitimenommé Popiel, et un grand nombre d'enfansnaturels: il donna à chacun de ces derniers la souveraineté d'une petite province, à la condition qu'ils tiendraient ces possessions comme fiefs de la couronne de Pologne, et qu'ils rendraient hommage à leur frère qui, après la mort de Leszko, monta sur le trône du consentement unanime de la noblesse. er Popiel 1*. fut un prince pacifique et sans ambition; il n'eut recours aux armes que lorsque la nécessité de défendre ses frontières l'y contraignit; et, bornant ses soins à l'administration intérieure de ses états, il jouissait ainsi du repos pour lequel il avait tant d'inclination. Il transféra sa résidence de Cracovie, qu'habitaient ses prédécesseurs, à Gnesne, et de cette dernière ville à Crusvicia ou Cruswick, village qu'il avait nouvellement fait bâtir dans la Cujavie, et qui n'est plus aujourd'hui connu que par son ancienne réputation. La minorité de son fils, Popiel 11, se passa sans aucunes commotions, grâce à la vertu et à la prudente administration des oncles de ce jeune prince. Ceux-ci, loin de recevoir, de la reconnaissance de leur pupille, le prix qu'ils avaient droit d'en attendre, en éprouvèrent la plus odieuse ingratitude, lorsqu'il eut atteint sa majorité. Il était né avec des inclinations perverses, et ces inclinations naturelles furent malheureusement fortifiées par une femme ambitieuse et corrompue, qui mit tout en usage pour obtenir que les oncles du duc s'éloignassent de lui, et qui fut par la suite cause de leur perte. Ce prince, aussi cruel qu'il était faible, souffrait lui-même impatiemment les remontrances de ses oncles sur sa conduite inhumaine, et elles lui devinrent tellement à charge, qu'il forma le détestable projet de se défaire des soutiens de son enfance, qui n'étaient plus à ses yeux que des censeurs importuns. Il feignit d'être malade, et ayant fait venir ses oncles, il leur dit qu'étant à l'extrémité, il voulait leur faire ses derniers adieux; ensuite il leur fit présenter une coupe remplie d'un breuvage empoisonné qu'il avait préparé, et, après avoir fait semblant d'en goûter le premier, il les invita à suivre son exemple; ils burent chacun à leur tour dans la fatale coupe et moururent presqu'au même instant. Popiel, espérant pallier cet exécrable attentat, essaya de persuader qu'il n'avait fait que prévenir leur pernicieux dessein, et étouffer une conspiration qu'ils avaient formée contre sa vie et sa couronne. Étendant sa rage au delà de la mort même, il leur fit refuser la sépulture. Quelques historiens prêtent à ce Popiel une mort fabuleuse, et rapportent qu'une armée de rats, sortie des cadavres de ses victimes, vint le dévorer sur son propre trône. Il est certain cependant qu'il périt misérablement, ainsi que ses complices. Les sujets de Popiel furent aussi punis de son crime; mais leur sorte de châtiment est plus croyable que celui de leur prince. Après la mort de Popiel, la Pologne, étant restée sans souverain, devint le théâtre d'une guerre sanglante : les nobles, désunis entr'eux, augmentèrent le désordre général par leurs divisions. Chaque jour voyait naître de nouvelles factions; le plus faible devenait la proie du plus puissant. Les ennemis profitèrent de ce désordre, et parurent dans les campagnes avec la résolution d'exterminer les vainqueurs et les vaincus. La noblesse fut cependant plus affectée de l'appréhension des armées extérieures, que des horreurs de la guerre civile; un regard sur les dangers de la patrie les rallia contre l'ennemi commun et anéantit leurs divisions. Mais le mauvais état des affaires nécessitait un prince capable de faire respecter assezson autorité, afin de pouvoir réunir sous son commandement tous les chefs qui étaient indépendans les uns des autres, ét qui tous prétendaient au commandement général de l'armée. Plusieurs assemblées avaient été tenues pour l'élection d'un souverain, et cette élection n'avait pu avoir lieu. Les députés étaient assemblés depuis longtemps à Cruswick, sans être encore parvenus à faire un choix. Le grand nombre de Polonais que l'élection avait attirés dans cette ville, fit naître une telle disette de provisions de toute espèce, que les seigneurs eux-mêmes ne pouvaient se procurer des vivres. Dans cette extrême nécessité, un habitant du pays, nommé Piast, les reçut dans sa cabane rustique, leur offrit un repas frugal, et montra dans la conversation un esprit si profond, si juste et si résolu, un cœursi vertueux, des vues si étendues et un tel amour pour son pays, que ses hôtes en furent émerveillés. Ces hommes ambitieux, commençant à désespérer de pouvoir obtenir la couronne, aimèrent mieux se soumettre à un homme qui n'était pas au nombre des aspirans, que d'obéir à un de leurs compétiteurs. C'est ainsi qu'ils se déterminèrent en faveur de la vertu, et par ce moyen ils réparèrent, en quelque sorte, le mal qu'ils avaient occasionné par leurs prétentions au trône. Piast fut donc élu duc de Pologne. CHAPITRE TROISIÈME. DEPUIS L'ELECTION DE PIAST JUSQU'A CELLE DE JAGELLON. PIAST mourut dans un âge très-avancé, et son souvenir fut toujours si cher aux Polonais, que jusqu'au siècle dernier, ils donnèrent son nom à tous les candidats ou prétendons à la couronne, qui étaient nés dans le royaume. On ne vit sous son règne, ni révoltes, ni déprédations; il étouffa les jalousies des grands et réprima les vices du peuple; il savait les plier à leur devoir par la force de son exemple. Ziémovit succéda au trône de son père, et hérita aussi de ses vertus. Ce prince, par sa justice, donna trente-deux ans de bonheur à ses sujets, et recula, par sa valeur, les limites de la Pologne. Son fils monta sur le trône, après sa mort, et prit le nom de Lesko Iv; mais faible et timide, ce successeur de Ziémovit n'eut aucune de ses grandes qualités; et sa mort fut regardée, par les Polonais, comme un heureux événement qui les débarrassait d'un prince trop lâche pour les |