>> tenez, je vais vous donner mon fils, qui vous mè>> nera à un quart de lieue d'ici. Il y a, , à l'autre >> bord, un pêcheur de ses amis qui garde dans sa >> maison un petit bateau. A un certain signal, cet >>> homme viendra vous prendre, et vous ne sauriez >> avoir un moyen plus sûr et plus aisé de vous tirer >> de l'embarras où je vous vois». Jeremerciai cette femme dans les termes les plus touchans et les plus tendres de ma langue, et je sortis d'auprès _d'elle avec son fils. >> Je fis monter celui-ci dans mon chariot, et je partais déjà, lorsque mes paysans, qui étaient encore là, et que je n'avais pas fait semblant d'apercevoir, se présentèrent pour y monter aussi. Mon air content et la vue de ce nouveau conducteur les avaient comme pétrifiés. Ce n'était pas le temps de leur faire des reproches; je devais même encore les ménager. Peut-être étaient-ils plus disposés que jamais à me trahir: un secret ne pèse jamais tant que lorsqu'on est le plus prêt à s'en décharger. Aussi, sans daigner leur parler, je les laissai faire. » Arrivés au bord du Nogat, le jeune homme donne le signal. A l'instant un pêcheur sort de sa cabane, traîne le long du rivage une petite nacelle, la met à l'eau, et vient à nous. J'y entrai avec un de mes paysans, et je laissai l'autre à l'équipage qu'on ne pouvait transporter, en lui ordonnant d'attendre là son camarade, que j'avais dessein de renvoyer le même jour. >> Je ne fus pas plutôt à l'autre bord, que je levai les yeux au ciel pour le remercier de m'avoir conduit dans cette espèce de terre promise, où j'étais enfin à l'abri de tout danger. >> A un village près de là, nommé Biata-Gora, j'achetai un nouveau chariot avec deux chevaux. Mon plus grand soin fut ensuite de congédier mon paysan. Je le chargai d'un billet pour l'ambassadeur, qui ne contenait que deux mots en chiffres, dont j'étais convenu avec ce ministre. Enfin je partis seal, et pris le chemin de Marienwerder, petite ville des états du roi de Prusse. >> Quel n'était pas mon contentement d'être délivré de ces brigands qui m'avaient fait compagnie jusqu'alors! Le plaisir que je ressentais d'être hors de la portée des traits de mes ennemis, n'égalait pas celui de ne plus voir à mes côtés ces indignes conducteurs, dont j'avais eu à me garder presque autant que de mes ennemis mêmes. >> Arrivé aux portes de Marienwerder, j'échappai aisément aux questions d'un factionnaire qui me demanda qui j'étais. Je traversai cette ville, assis sur mon chariot, et je ris plus d'une fois du triste appareil de mon équipage. L'entrée que j'y faisais n'était point magnifique; mais un 1 vain éclat n'aurait pas augmenté la joie que je ressentais en ce moment. Je portais avec moi la justice de ma cause, l'amour de mes sujets, le repos de ma conscience, et sans doute l'estime même de mes ennemis. Quels plus grands motifs d'oublier mes disgrâces? Ce n'est qu'à ceux qui ont mérité leur infortune, ou qui n'ont pu la soutenir avec courage, qu'il est permis de se la rappeler avec douleur ». FIN DU PREMIER VOLUME. |