» Il eut une gloire singulière, celle d'humilier >> la puissance ottomane, qui depuis si long. >> temps humiliait les couronnes chrétiennes. >> Toute l'Europe rechercha son alliance; et la >> Pologne eut sous lui une importance qu'elle a >> mal conservée. L'Alexandre du nord, Char>> les XII, en pleurant sur ses cendres, s'écria: » Un si grand roi ne devait pas mourir ». CHAPITRE TREIZIÈME. FRÉDÉRIC AUGUSTE II, ÉLECTEUR DE SAXE. A PEINE Sobieski fut-il expiré, que l'honneur de lui succéder fut brigué par une foule de prétendans. Les principaux furent le prince de Conti, neveu du grand Condé; Frédéric-Auguste, électeur de Saxe; le prince Louis de Baden; Léopold, duc de Lorraine; le prince Charles de Neubourg, frère de l'électeur palatin; don Livio Odescalchi, neveu du pape Innocent XI; et le prince Jacques Sobieski, fils aîné du dernier roi. Le prince de Conti et l'électeur de Saxe avaient tous les deux des partis tellement puissans, qu'entre eux seuls se partagèrent tous les suffrages, et qu'on daigna à peine s'occuper des prétentions de leurs compétiteurs. A la tête de la saction du prince de Conti on remarquait le cardinal Radjouski, archevêque de Gnesne, et primat du royaume. Ce prélat avait d'abord tenté de fixer le choix de la nation sur le prince Jacques Sobieski; mais, forcé de renoncer à ce projet, dont l'exécution était impossible, à cause de la haine de la nation pour son père, il se laissa séduire par l'abbé de Polignac, ambassadeur de France à Varsovie; et réunissant ses efforts à ceux de cet ambassadeur, ils parvinrent, en 1697, à faire élire le prince de Conti. A peine cette élection fut-elle proclamée, que tous les partisans du prince français quittèrent le champ électoral, pour répandre la nouvelle du choix qu'on venait de faire. Les partisans de Frédéric-Auguste, qui restaient seuls dans l'assemblée, profitèrent de l'absence de leurs collègues, et proclamèrent l'électeur de Saxe. La Pologne se trouva ainsi avec deux rois, sans que ni l'un ni l'autre pût être regardé comme légitime, puisque les constitutions de la république voulaient que le souverain fût élu, nemine contradicente. L'élection du prince de Conti fut soutenue quelques mois encore par ses nombreux partisans, et surtout par le primat. Mais le prince français, qui était arrivé dans la rade de Dantzick avec une petite flotte et quelques troupes de débarquement, pour disputer le trône à son compétiteur, ayant désespéré d'obtenir, avec le peu de moyens qui étaient à sa disposition, l'expulsion d'Auguste, qui avait des trésors et une armée, abandonna son entreprise, et laissa l'électeur de Saxe paisible possesseur de la couronne. Celuici, politique habile, avait augmenté de beaucoup le nombre de ses partisans, en employant avec adresse l'or, les promesses et les menaces, et en exerçant sagement l'autorité que le parti de la France lui contestait. La retraite du prince de Conti rendit le primat, qui l'avait proclamé, plus traitable. On parvint à gagner madame Towianska, sa parente et sa maîtresse, qu'il appelait domesticam suam, et que les Polonais nommaient madame la cardinale. Entraîné par cette femme, le primat reconnut enfin l'élection d'Auguste. Par les pacta conventa qu'avait jurés le nouveau roi, il s'engageait à reprendre Kaminieck, et les autres places cédées aux Turcs par le traité de Zarawno, et à remettre, sous la domination de la république, la Livonie, alors occupée par les Suédois, depuis et conformément au traité d'Oliva. La Porte s'était considérablement affaiblie par ses vaines expéditions contre l'Allemagne, la Russie et la Pologne; mais toutes les puissances avaient besoin de la paix, et toutes négociaient avec le grand-turc. Auguste fut assez habile pour lier ses intérêts à ceux des principales couronnes, et pour intéresser, en faveur de la Pologne, la majeure partie des ministres qui discutaient de si grands intérêts. Après deux ans, d'intrigues, les négociations furent terminées par le traité signé à Carlowitz (*), le 26 janvier 1699, entre la Porte, la maison d'Autriche, la Pologne, la Russie et la république de Venise. Relativement à la Pologne, ce traité portait en substance : « Les anciennes limites se>> ront rétablies entre la Moldavie et la Podo>> dolie, c'est-à-dire, que le Niester leur servi>> ra de séparation (**). >> Les Turcs évacueront Kaminieck; les forti>> fications de cette place demeureront dans l'é>> tat où elles se trouvent actuellement, et le >> grand-seigneur renonce à tous les droits aux>> quels il peut prétendre sur la Podolie et sur >> l'Ukraine (***). >> On défendra à tous les sujets de la Porte de >> faire des courses sur les terres de la républi>> que de Pologne. Les magistrats et les officiers >> que les deux puissances tiennent sur leurs >> frontières respectives, seront punis, s'ils ne >> châtient pas avec sévérité les perturbateurs du >> repos public (****). (*) Petite ville de Hongrie, située sur le Danube. (**) Traité de Carlowitz, art. II. (***) Ibid., art. III. (****) Ibid., art. IV. |